Améliorer les soins de première ligne pour les Canadiens atteints de démence
LONDON, Ont. – Après avoir vu sa grand-mère souffrir de démence, Michelle Clermont a décidé de quitter son emploi en soutien informatique et a fait la transition dans le secteur des soins de santé pour travailler en tant que préposée aux services de soutien personnel. Elle souhaitait s’assurer que les personnes vulnérables se sentent protégées par quelqu’un en qui elles pouvaient avoir confiance.
Après quelques années à ce poste, Clermont avait de plus en plus de patients souffrant de démence et elle a cherché de la formation afin de mieux comprendre leurs besoins complexes en matière de soins de santé et sur le plan social.
« Le cours de préposé aux services de soutien personnel que j’ai suivi n’enseignait pas grand-chose sur les soins à domicile pour les personnes atteintes de démence, explique Michelle Clermont, 51 ans, de London en Ontario. Il survolait la cuisine, le nettoyage et la façon de laver une personne. Mais lorsque vous allez chez quelqu’un atteint de démence, c’est bien plus compliqué que ça. Il faut apprendre comment communiquer avec les personnes en crise, tout en gardant les autres membres de la famille calmes. »
Clermont affirme que sa compréhension des besoins des personnes atteintes de démence a été grandement améliorée grâce à Be EPIC, un programme de formation financé par le Centre des Compétences futures. Celui-ci vise à aider les Canadiens et Canadiennes à acquérir les compétences nécessaires dans un marché du travail en pleine évolution.
Mais lorsque vous allez chez quelqu’un atteint de démence, c’est bien plus compliqué que ça. Il faut apprendre comment communiquer avec les personnes en crise, tout en gardant les autres membres de la famille calmes.Michelle Clermont
Le programme aide les préposés aux services de soutien personnel (PSSP) à acquérir les compétences requises dans l’industrie des soins de santé en mettant l’accent sur les lacunes en matière de compétences clés. Selon la Dre Marie Savundranayagam, directrice de la Sam Katz Community Health and Aging Research Unit de l’Université Western et responsable de l’équipe de recherche dirigeant le développement du programme Be EPIC, la formation actuellement offerte en matière de soins aux personnes atteintes de démence est insuffisante.
Dans certaines provinces, aucune formation officielle n’est requise pour les PSSP.
Pourtant, les soins à apporter aux personnes atteintes de démence sont un enjeu de santé publique urgent, selon Savundranayagam. Plus de un million de Canadiens et Canadiennes sont atteints de démence et on s’attend à ce que ce nombre double d’ici 2031.
Le coût au système de santé canadien ainsi que les dépenses que les gens doivent faire de leurs propres poches pour ces soins ont été estimés à 10,4 milliards de dollars en 2016.
L’Agence de la santé publique du Canada, qui a supervisé la création d’une stratégie nationale sur la démence, a souligné l’importance de former les PSSP, et la Société Alzheimer du Canada affirme que la formation efficace de tous les travailleurs de première ligne devrait être une priorité.
Étant donné que les soignants qui n’ont pas reçu de formation adéquate font souvent face à des symptômes liés à la maladie qui sont difficiles à gérer, l’épuisement professionnel a contribué aux faibles taux de rétention au sein des PSSP.
À la base, le programme Be EPIC enseigne la « communication centrée sur la personne », selon laquelle le soignant apprend à connaître l’historique de son client et l’incorpore à ses conversations, à mesure qu’il bâtit la relation et accomplit ses tâches comme laver, habiller et faire manger la personne.
« Si vous voulez qu’une personne en aide une autre à se préparer pour sa journée, c’est pratique qu’elle connaisse le passé de la personne à aider, tout comme ses goûts ou qui sont les membres de sa famille. Le concept est simple, mais lorsque vous n’avez pas reçu de formation à cet effet, vous l’ignorez peut-être, explique Savundranayagam. »
Be EPIC est conçu pour aider les PSSP à se sentir plus à l’aise lorsqu’ils procurent des soins et vise à ce que ces soignants restent plus longtemps dans cette profession en manque de personnel. On espère aussi que la formation, fournie par le biais de vignettes avec des personnes simulées atteintes de démence, rendra ce poste plus attrayant aux travailleurs à mi-carrière qui sont en transition en raison des changements économiques.
Jason Stares, 45 ans et père de quatre enfants vivant en Ontario, est devenu un PSSP après avoir été mis à pied pas une fois, mais bien à deux reprises, des emplois qu’il occupait en ventes et en usine. Il affirme que le programme lui a enseigné « que tout le monde est différent, que vous ne pouvez pas aborder un résident de la même façon que vous le faites avec un autre et cela change la façon dont ils réagissent avec vous et à quel point ils sont à l’aise avec vous. »
« Ça a tout changé pour moi, explique-t-il. »
Pedro Barata, directeur général du Centre des Compétences futures, affirme que de relever le défi d’attirer de nouveaux travailleurs dans des carrières en soins de santé et de les doter de compétences durables en vue d’une industrie en pleine transformation est la raison pour laquelle le Centre des Compétences futures existe.
« Ce projet illustre à merveille à quel point les compétences sociales et émotionnelles sont essentielles afin d’aider les Canadiens et Canadiennes à réussir dans un marché du travail en évolution, dit-il. »
« Les compétences comme collaborer avec les autres, bâtir des relations et communiquer de façon efficace sont de plus en plus recherchées par les employeurs dans tous les secteurs d’activités. Nous voulons travailler avec des chefs de file de l’industrie, les employeurs et le système de développement des compétences afin de prévoir les besoins futurs en matière de compétences et de contribuer à assurer que tous les Canadiens et Canadiennes ont les outils nécessaires pour naviguer au sein de cette économie changeante. »
Ce projet illustre à merveille à quel point les compétences sociales et émotionnelles sont essentielles afin d’aider les Canadiens et Canadiennes à réussir dans un marché du travail en évolution.Pedro Barata, Future Skills Centre
Le projet pilote Be EPIC offre de la formation à près de 100 préposés aux services de soutien personnel qui travaillent dans des établissements de soins de longue durée ou à domicile, à London et dans la communauté rurale de Northumberland County, dans l’est de Toronto. S’il s’avère un succès, il pourrait être étendu afin de répondre à la demande partout au pays.
Comme le dit Savundranayagam, « finir notre vie avec un niveau élevé de qualité et de dignité est quelque chose que nous voulons tous. »