Apprendre les uns des autres : Une analyse comparative des besoins du marché du travail et des compétences correspondantes dans le Nord de l’Ontario, au Yukon et au Nunavut

L’enjeu

Les demandes sur le marché du travail et les possibilités d’emploi dans le Nord de l’Ontario, le Yukon et le Nunavut reposent sur des considérations, des caractéristiques géographiques et des contextes particuliers. Les changements économiques, sociaux, technologiques et environnementaux ont également une influence en la matière. Certains des moteurs traditionnels de l’emploi dans ces régions, comme le secteur des ressources naturelles, sont en cours de modernisation ou connaissent un ralentissement. Parallèlement, de nouvelles possibilités d’emploi voient le jour dans un éventail de secteurs. On prévoit une demande de compétences dans les domaines suivants : développement et construction des infrastructures; exploitation des ressources et élargissement des possibilités de la chaîne d’approvisionnement pour les petites et moyennes entreprises; diverses formes de tourisme territorialisé et culturel; administration publique; et gouvernance autochtone, revendications territoriales et mise en œuvre des traités. 

Les Inuits, les Métis et les Premières Nations représentent une part substantielle de la population dans ces régions. En tant que groupes importants mais sous-représentés dans la main-d’œuvre locale et régionale, les problèmes auxquels ils sont confrontés sur le marché du travail et leurs perspectives sur les changements sectoriels sont particulièrement pertinents. Les dirigeants et les communautés autochtones chercheront à s’adapter aux demandes du marché et à trouver des sources d’emploi intéressantes et durables. De leur côté, les employeurs considéreront ces groupes comme des sources importantes de talents locaux sous-utilisés. Cela dit, pour permettre à ces populations de saisir les nouvelles occasions, il faudra relever des défis majeurs liés à l’éloignement et à l’isolement, et garantir l’accès à des programmes efficaces d’acquisition et de perfectionnement des compétences.

Si l’évolution des marchés du travail dans le Nord est un phénomène reconnu, le rythme, l’ampleur et la nature de cette transformation ne sont pas bien compris. Les groupes autochtones régionaux ainsi que les intervenants des secteurs public et privé du Nord de l’Ontario, du Yukon et du Nunavut ont démontré leur capacité d’adapter leurs pratiques, leurs programmes et leurs politiques afin de saisir les occasions qui se présentent et de remédier aux pénuries de compétences. Cependant, il subsiste des écarts persistants entre les talents disponibles localement et les besoins des employeurs. Pour combler ces pénuries, il est souvent fait appel à des travailleurs navetteurs et à des travailleuses navetteuses qui viennent d’autres régions du pays et qui constituent une main-d’œuvre coûteuse. En outre, les salaires gagnés par ces travailleurs et ces travailleuses sont habituellement dépensés dans les villes du Sud, perpétuant ainsi un cycle de fuites économiques. 

Les employeurs, les gouvernements, les collectivités et les établissements d’enseignement et de formation cherchent tous à améliorer la « préparation » de la main-d’œuvre régionale à saisir les occasions futures. Il sera essentiel d’équilibrer l’offre et la demande afin de saisir ces occasions et de favoriser le développement économique. Pour les groupes et les communautés autochtones, en plus d’être importants afin d’améliorer l’emploi, le perfectionnement des compétences et le renforcement des capacités favoriseront l’autodétermination et la réconciliation économique. 

En définitive, le fait de comprendre les changements sectoriels et d’anticiper les demandes et les occasions futures devrait permettre à ces régions d’endosser un rôle de chef de file afin de promouvoir le perfectionnement des compétences dans les environnements nordiques et éloignés.

Ce que nous examinons

Il est nécessaire de bien comprendre les tendances qui se dessineront sur les marchés du travail au cours des prochaines années ainsi que les défis liés au développement de la main-d’œuvre et au perfectionnement des compétences dans le Nord de l’Ontario, au Yukon et au Nunavut, afin d’aider les décideurs à harmoniser le perfectionnement des compétences de façon à répondre aux besoins des industries existantes et émergentes. 

En conséquence, ce projet comprenait les éléments suivants :

• Une évaluation complète et approfondie des besoins du marché du travail dans les régions concernées, incluant un état des lieux et une revue de la littérature qui visaient à mieux comprendre les facteurs influant sur les évolutions du marché du travail ainsi que les défis liés au recrutement et au maintien en poste de la main-d’œuvre dans ces régions du Nord.
• Des prévisions économiques pour chaque région afin d’estimer la demande de main-d’œuvre par secteur et les professions qui seront recherchées entre 2024 et 2045. 
• Des consultations, des entrevues et des groupes de discussion avec des dirigeants et des dirigeantes autochtones du Nord, des fournisseurs de services d’emploi et de formation, des leaders communautaires, des employeurs, et des représentants et des représentantes des gouvernements, afin de cerner :
  • les pénuries de compétences
  • les défis à relever et les stratégies à adopter pour accroître le bassin de main-d’œuvre qualifiée dans ces régions
  • les priorités pour l’élaboration d’écosystèmes de perfectionnement des compétences plus efficaces et plus adaptés dans le Nord de l’Ontario, au Yukon et au Nunavut
• Une initiative de cartographie visant à cerner les pénuries de compétences et à déterminer l’adéquation entre les besoins futurs du marché du travail et les compétences existantes dans les régions concernées.
• Une analyse comparative des principaux programmes et pratiques de perfectionnement des compétences dans les régions en question afin de déterminer leur efficacité pour garantir que la main-d’œuvre sera prête à répondre aux demandes futures sur le marché du travail et à saisir les possibilités d’emploi connexes.

Questions de recherche :

• Quelle est l’évolution des marchés du travail au Yukon, dans le Nord de l’Ontario et au Nunavut? Quelles seront les conséquences sur la demande professionnelle dans les prochaines années?
• Dans quelle mesures les populations de ces régions sont-elles préparées à s’adapter aux évolutions du marché du travail et à saisir les possibilités d’emploi nouvelles et futures, et quelles seront les pénuries de compétences? 
• Quels sont les défis à relever pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre et de compétences?
• Que peuvent faire les gouvernements, y compris autochtones, les employeurs et les établissements d’enseignement et de formation pour aider les résidents et les résidentes de ces régions à s’adapter à l’évolution des demandes sur le marché du travail et à saisir les possibilités d’emploi? 
• Quelles sont les pratiques exemplaires existantes et/ou quels écarts doivent être comblés pour que les initiatives de perfectionnement des compétences permettent de répondre aux besoins des employeurs?

Ce que nous apprenons

Ce projet comprenait une évaluation approfondie des marchés du travail dans le Nord de l’Ontario, au Yukon et au Nunavut, afin de fournir aux gouvernements, aux collectivités, aux employeurs et aux prestataires de services d’éducation et de programmes d’acquisition de compétences une feuille de route pour améliorer la préparation de la main-d’œuvre régionale à saisir les occasions futures.

Le projet visait plusieurs objectifs : comprendre les conditions du marché du travail; déterminer la croissance de l’emploi et cerner les compétences recherchées; définir des stratégies pour remédier aux pénuries de compétences; et renforcer le perfectionnement des compétences dans le Nord. 

Comprendre les conditions du marché du travail

Une analyse du marché du travail a été réalisée pour chaque région afin de comprendre la situation actuelle du marché du travail et les défis liés au recrutement et au maintien en poste de la main-d’œuvre. 

Les principales constatations sont les suivantes :

• Ces trois régions affichent des taux de postes vacants parmi les plus élevés au Canada. 
• Il existe des disparités importantes en matière d’éducation et d’emploi entre les populations autochtones et non autochtones dans chacune de ces régions. Les obstacles à l’emploi des Autochtones comprennent les niveaux de scolarité plus faibles, l’accès limité à des formations locales et adaptées sur le plan culturel, la discrimination et les disparités en matière de santé. 
• De nombreux secteurs dans ces régions du Nord, en particulier l’extraction minière et la construction, ont besoin de travailleurs navetteurs et de travailleuses navetteuses pour répondre à la demande. Bien souvent, cela signifie que les revenus gagnés ne sont pas réinjectés dans l’économie locale. 
• En raison du manque de logements disponibles et abordables dans les trois régions, il est difficile d’attirer des travailleuses et des travailleurs qualifiés.
• L’immigration dans le Nord de l’Ontario et au Yukon a joué un rôle important pour soutenir les marchés du travail dans un contexte de vieillissement de la population, de baisse du taux de natalité et d’exode. 
• Afin d’accroître le maintien des immigrants et des immigrantes dans ces régions, il est nécessaire de leur donner accès à un logement abordable et convenable, d’améliorer les processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers, de mieux les informer sur la culture et les conditions de vie dans le Nord avant leur admission, et de faciliter l’accès aux services d’établissement pour les immigrants et les immigrantes qui s’installent dans les collectivités rurales. 
• Les possibilités limitées d’accès à l’enseignement postsecondaire au niveau local contribuent à l’exode des jeunes qui quittent la région pour poursuivre leurs études et n’y reviennent pas. 

Déterminer la croissance de l’emploi et cerner les compétences recherchées

Les prévisions économiques établies à l’aide des modèles de prévision du Conference Board du Canada pour les provinces et les territoires permettent d’estimer la demande de main-d’œuvre par secteur et les professions qui seront recherchées entre 2024 et 2045. 

Les prévisions font ressortir les principales constatations suivantes : 

• Entre 2024 et 2045, l’emploi devrait augmenter de 5 p. 100 dans le Nord de l’Ontario, de 10 p. 100 au Yukon et de 18 p. 100 au Nunavut.
  • Dans le Nord de l’Ontario, les secteurs moteurs de la croissance de l’emploi sont les services non commerciaux, où la demande de main-d’œuvre devrait augmenter de 22 p. 100, ainsi que la fabrication (+ 23 p. 100) et les services commerciaux (+ 2 p. 100). 
  • Au Yukon, les secteurs moteurs de la croissance de l’emploi sont les services non commerciaux, où la demande de main-d’œuvre devrait augmenter de 14 p. 100, ainsi que les services commerciaux (+ 11 p. 100) et l’administration publique et la défense (+ 9 p. 100). 
  • Au Nunavut, les secteurs moteurs de la croissance de l’emploi sont l’administration publique et la défense, où la demande de main-d’œuvre devrait augmenter de 30 p. 100, ainsi que les services non-commerciaux (+ 18 p. 100) et le commerce de gros et de détail (+ 24 p. 100).
• La demande de compétences nécessitant une formation postsecondaire sera forte dans les trois régions. Dans les 50 professions les plus recherchées, les emplois exigeant des études postsecondaires représentent 55 p. 100 des postes dans le Nord de l’Ontario, 63 p. 100 au Yukon et 62 p. 100 au Nunavut. 
• Les compétences dans les secteurs des soins de santé, des services sociaux, de l’éducation et des métiers seront très recherchées. 

Remédier aux pénuries de compétences 

Des consultations avec des gouvernements, des leaders communautaires, des employeurs et des représentants et des représentantes des secteurs ont permis de mettre en lumière les défis à relever et les stratégies à adopter pour accroître le bassin de main-d’œuvre qualifiée dans ces régions. 

Les recommandations principales sont les suivantes :

• Assurer un suivi des demandes sur le marché du travail à l’échelle régionale afin d’aider les prestataires de services d’éducation et de programmes d’acquisition de compétences à élaborer des plans stratégiques pour offrir les programmes qui sont recherchés. 
• Élargir les filières d’études postsecondaires pour les professions hautement qualifiées à l’intention des étudiants et des étudiantes du Nord.
• Renforcer l’apprentissage intégré au travail dans les écoles secondaires afin de faire découvrir aux élèves du Nord les carrières possibles au niveau local.
• Investir dans le logement et les infrastructures afin d’appuyer les efforts déployés par les employeurs pour attirer une main-d’œuvre qualifiée dans ces régions. 

Renforcer le perfectionnement des compétences

Les organismes d’éducation et de formation professionnelle ont cerné des défis liés à la formation dans les environnements nordiques, des pratiques efficaces et des stratégies permettant de remédier aux pénuries. 

Les recommandations principales visant à appuyer la prestation de programmes d’acquisition de compétences efficaces dans les environnements nordiques, permettant de répondre aux demandes de main-d’œuvre, sont les suivantes :

• Transformer le financement des programmes d’acquisition de compétences, en passant d’un financement à court terme axé sur des projets à un financement à long terme, afin de favoriser la planification stratégique, d’élargir l’offre de programmes et la formation progressive, et de réduire le fardeau administratif qui pèse sur les organismes offrant de la formation. 
• Intégrer des services de soutien aux participants et aux participantes dans les programmes d’acquisition de compétences et adapter la formation aux réalités culturelles de sorte à pouvoir favoriser la réussite des apprenants et des apprenantes autochtones. Il s’agit notamment d’inclure un apprentissage territorialisé dans les programmes d’études et de donner accès à des soutiens en santé mentale, à des services de garde d’enfants, à une aide financière et à du mentorat pour favoriser l’avancement professionnel.
• Élaborer des programmes de formation mobile et communautaire pour les collectivités éloignées.
• Établir des réseaux régionaux afin de renforcer la collaboration entre les organismes offrant de la formation, dans le but de réduire le dédoublement des services et de mettre en commun les ressources pour élargir l’offre de programmes. 

Pourquoi c’est important

Ce projet permet de bien comprendre les tendances qui se dessineront au cours des prochaines années sur les marchés du travail dans le Nord de l’Ontario, au Yukon et au Nunavut, ainsi que les défis et les stratégies en matière de développement de la main-d’œuvre et de perfectionnement des compétences. Les résultats de ces travaux peuvent éclairer l’élaboration des politiques et orienter les décisions de financement afin de garantir que le perfectionnement des compétences concorde avec les besoins actuels et futurs des secteurs.

Le Nord de l’Ontario, le Yukon et le Nunavut connaissent des pénuries de main-d’œuvre parmi les plus graves au Canada. Face à cette situation, de nombreux secteurs dans ces régions font appel à des travailleurs navetteurs et à des travailleuses navetteuses pour répondre à la demande, ce qui a des répercussions à l’échelle régionale dans la mesure où l’argent gagné n’est pas dépensé dans l’économie locale. Il sera essentiel de doter les travailleuses et les travailleurs locaux des compétences recherchées dans l’économie régionale afin de saisir les occasions et de soutenir le développement économique dans le Nord.

Les prévisions économiques pour chaque région permettent d’estimer la demande de main-d’œuvre par secteur et les types de compétences qui seront recherchées entre 2024 et 2045 dans chaque économie régionale. Les gouvernements peuvent utiliser ces résultats afin de financer des programmes de formation qui sont recherchés et de réformer les programmes d’immigration pour attirer des travailleuses et des travailleurs étrangers possédant les compétences demandées. Les prestataires de services d’éducation et de programmes d’acquisition de compétences peuvent utiliser les résultats des prévisions afin de planifier stratégiquement leurs offres de programmes pour garantir aux résidents et aux résidentes du Nord un accès à des formations régionales.

État des compétences :
Évaluation et apprentissage dans l’écosystème des compétences et de la formation

Le Centre des Compétences futures a fait évoluer sa stratégie d’évaluation et d’apprentissage au fil du temps, suivant en cela les tensions liées à la mesure de l’impact social : il s’est ainsi départi d’une méthode centrée sur les résultats communs pour adopter un ensemble d’approches permettant d’étudier les répercussions sur les personnes, les institutions et les systèmes.

Lire le rapport

Plusieurs stratégies ont été définies pour remédier aux pénuries de compétences et de main-d’œuvre dans ces régions. Les gouvernements peuvent aider les employeurs à attirer une main-d’œuvre qualifiée dans ces régions en investissant dans le logement et les infrastructures. Si l’immigration contribue à répondre à la demande sur le marché du travail, il est nécessaire de simplifier les processus et de raccourcir les délais de reconnaissance des titres de compétences étrangers afin de permettre à ces travailleurs et à ces travailleuses d’utiliser pleinement leurs compétences. En outre, les employeurs et le système d’éducation peuvent collaborer au renforcement de l’apprentissage intégré dans les écoles secondaires afin de promouvoir les carrières dans le Nord auprès des résidentes et des résidents locaux. Il faut également investir davantage dans l’éducation et la formation en matière de perfectionnement des compétences à l’échelle locale afin de réduire l’exode des résidents et des résidents du Nord vers le Sud du Canada pour suivre des études postsecondaires.

Afin d’accroître l’offre de formation locale, il faut augmenter le financement accordé aux organismes d’éducation et de formation professionnelle du Nord de sorte qu’ils puissent relever les défis auxquels ils font face pour dispenser des formations dans les régions éloignées ainsi qu’aux populations qui sont susceptibles d’être confrontées à des obstacles complexes et particuliers à la formation. Le coût de la formation dans ces régions éloignées est plus élevé que dans le Sud en raison du manque d’infrastructures et de professionnels de la formation, et de la faible densité de population. Les gouvernements doivent reconnaître ces dépenses supplémentaires et adapter leurs modèles de financement afin d’allouer les ressources nécessaires à la formation. En outre, la transformation du financement des programmes d’acquisition de compétences, passant de modèles à court terme axés sur des projets à des investissements à long terme, peut favoriser la planification stratégique, élargir l’offre de programmes et la formation progressive, et réduire le fardeau administratif qui pèse sur les organismes offrant de la formation.

Afin d’appuyer le perfectionnement de la main-d’œuvre autochtone dans ces régions où existent des disparités en matière d’éducation et d’emploi, il est nécessaire d’investir dans des programmes de formation mobile et communautaire qui répondent aux besoins des collectivités. Pour favoriser la réussite, il faut également que les organismes de formation intègrent des services de soutien dans les programmes d’acquisition de compétences et qu’ils adaptent la formation aux réalités culturelles. Il s’agit notamment d’inclure un apprentissage territorialisé dans les programmes d’études et de donner accès à des soutiens en santé mentale, à des services de garde d’enfants, à une aide financière et à du mentorat pour favoriser l’avancement professionnel.

En définitive, ce projet fournit une feuille de route pour permettre à la main-d’œuvre régionale de mieux anticiper les demandes et les occasions futures. Afin d’améliorer l’efficacité et la réactivité de la formation dans le Nord, le financement devrait inclure des fonds visant la planification stratégique, le suivi des demandes sur le marché du travail, le soutien logistique, le soutien aux apprenants et aux apprenantes, les infrastructures de formation et l’établissement de relations.