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Évaluer l’impact des microcertifications? Il nous faut des meilleures données

L’utilisation des microcertifications prend de plus en plus d’ampleur au Canada et à l’étranger. Elles plaisent aux utilisateurs (en majorité étudiants ou employés) qui apprécient de pouvoir acquérir de nouvelles compétences en ne suivant qu’une formation unique.  Elles intéressent également les entreprises,  qui cherchent à accroître leur productivité en formant mieux leurs salariés. 

Celles et ceux désirant aller plus loin que l’obtention d’un simple titre peuvent d’ailleurs les cumuler afin les faire transformer en certificats plus complets. Il n’est donc pas étonnant que les gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux, les universités, les collèges et d’autres organisations dans ce domaine cherchent à créer leur propres initiatives afin de satisfaire la demande. 

Mesurer l’impact des microcertifications

Nombre de chercheurs se sont déjà penché sur la question de l’efficacité et de l’utilité des microcertifications. Les utilisateurs acquièrent-ils les compétences attendues ? Bien que la réponse à cette question soit évidemment essentielle pour  l’avenir des microcertifications, ce n’est néanmoins pas le seul moyen d’évaluer leur impact. Par exemple, on pourrait aussi explorer les salaires gagnés par les titulaires de microcertifications.

Au Canada, il existe déjà plusieurs études analysant les salaires moyens gagnés selon le niveau d’éducation, mettant ainsi l’accent sur les avantages de l’éducation : plus un individu avance dans son parcours postsecondaire, plus son salaire moyen tend à élever. En effet, les salaires moyens pour les titulaires d’un baccalauréat sont supérieurs qu’au niveau collégial et ainsi de suite. On peut alors facilement montrer l’impact financier d’un diplôme postsecondaire, mais est-on en mesure d’en faire autant pour les microcertifications ? En bref, non.

Évidemment, l’absence d’une définition complète, précise et adoptée dans l’écosystème postsecondaire canadien, est une barrière majeure à une telle analyse. Obtenir des données sur les salaires des sortants du système postsecondaire est relativement facile car on a des critères plus ou moins standardisés pour plusieurs niveaux d’éducation postsecondaires et plusieurs sources de données fiables; comme par exemple le Recensement ou le Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre. Malheureusement, effectuer ce genre d’analyse pour les microcertifications n’est pas actuellement possible parce qu’on ne ramasse pas les données nécessaires ; en effet, le domaine des microcertifications est encore nouveau et en pleine transformation. Ceci dit, il serait utile d’identifier quelles données nous seraient précieuses pour pouvoir mieux évaluer la réussite des microcertifications et celle de leurs utilisateurs, comme on fait pour d’autres certifications postsecondaires.

Un bel exemple de l’impact

Une étude récente de l’Institut New America a récemment examiné cette question aux États-Unis. Les chercheuses définissent les « microcertifications » comme short-term credentials (certification à court terme), autrement dit une certification terminée en un an ou moins. Alors que l’étude démontre qu’obtenir son « certificat à court terme » serait bénéfique aux utilisateurs aux États-Unis, elle met également en lumière un constat essentiel relatif à la manière dont on devrait évaluer l’impact des microcertifications : les bénéfices ne sont pas identiques entre les femmes et les hommes, ni entre les différents groupes raciaux. C’est-à-dire que les hommes peuvent s’attendre à être mieux rémunérés après avoir terminé un microcertificat que les femmes, et il en va de même pour les utilisateurs blancs  par rapport aux utilisateurs noirs et latinos. De plus, les avantages dont bénéficient les hommes et les blancs durent plus longtemps que ceux pour les femmes et les personnes racialisées. À travers le Canada, on constate déjà des écarts salariaux entre les mêmes groupes (sexe et racialisés) selon le niveau d’éducation. Il n’est donc pas impensable que la même relation se retrouve au niveau des microcertifications, mais à quel point ? 

Plusieurs projets financés par le Centre des Compétences Futures rassemblent des données basées sur le groupe racial des participants. Le projet du Collège Humber, par exemple, a pour objectif de fournir aux groupes en quête d’équité un meilleur accès aux microcertifications à distance pour leur permettre d’apprendre des compétences numériques, particulièrement recherchées par les employeurs dans le Grand Toronto. Actuellement, ce projet sert plus de 300 personnes, dont la grande majorité sont des personnes racialisées (85,8%), des femmes (74,6%) et des immigrants (74%). Il convient cependant de souligner que si récupérer ces données est important, il est tout aussi essentiel d’évaluer leur réussite sur le marché de travail après l’obtention de la microcertification.

Pour résumer

Les microcertifications se vendent grâce à leurs avantages: la courte durée, la réduction des barrières à l’éducation, la promesse de compétences recherchées par les employeurs et leurs plus faibles coûts, etc.. Il est donc essentiel de pouvoir valider toutes ces promesses; permettant ainsi aux utilisateurs de recevoir les salaires attendus; aux décideurs politiques de mieux percevoir les écarts salariaux entre différents groupes de salariés ; et aux entreprises désirant valider les compétences acquises par l’obtention d’une microcertification. 

Les données sur les salaires, groupes raciaux et sexes des utilisateurs de microcertifications font donc partie d’une recherche plus large sur les Informations du marché du travail (IMT). En fin de compte, pour les microcertifications comme pour de nombreux autres aspects du marché du travail, qu’il s’agisse de décisions en tant qu’utilisateur, université ou entreprise,  il faut donc prendre le temps de rechercher de bonnes informations et de meilleures données. Les décisions que prendront font les Canadiennes et les Canadiens en matière de choix de microcertifications, d’éducation et de formation sont déterminantes pour la prochaine décennie de l’avenir économique et social de notre  pays. 

Steve Richter est analyste principal des politiques (bilingue) au Centre des Compétences Futures. 

Les points de vue, les réflexions et les opinions exprimés ici sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue, la politique officielle ou la position du Centre des Compétences futures ou de l’un de ses membres du personnel ou des partenaires du consortium.