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L’engagement des adultes d’âge mûr dans des formations qualifiantes pourrait-il être la clé pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre au Canada ?

Le Canada est confronté à une pénurie sans précédent de main-d’œuvre qualifiée. Selon les données de Statistique Canada, le ratio entre le nombre de chômeurs et le nombre de postes vacants a atteint un niveau record au cours du troisième trimestre 2022 : pour chaque poste vacant, il y avait 1,1 chômeur. Ce ratio est en baisse constante depuis 2016, ce qui indique que les employeurs ont des difficultés à pourvoir les postes. Cette pénurie de main-d’œuvre est observée dans toutes les provinces et dans tous les secteurs, notamment l’industrie manufacturière, les soins de santé et l’assistance sociale, la construction, le commerce de détail et les services d’hébergement et de restauration.

Certains ont pointé du doigt ce que l’on a appelé la « grande démission » comme étant la cause de cette pénurie : la vague de départs à la retraite qui déferle sur le Canada. Les Canadiennes et les Canadiens seront plus nombreux à prendre leur retraite en 2022 qu’au cours des deux années précédentes. En outre, la main-d’œuvre est composée d’un nombre record d’adultes âgés de 55 à 64 ans qui approchent de la retraite.

Comment remédier à la pénurie de main-d’œuvre au Canada ? Si le vieillissement de la population a été suggéré comme l’une des causes de la pénurie, il a également été proposé comme solution. L’idée est de conserver la main-d’œuvre d’âge mûr ou, pour ceux qui ont pris leur retraite, de la faire revenir sur le marché du travail. Un rapport récent de la Banque Scotia a qualifié les adultes d’âge mûr de « négligés et sous-utilisés ». L’exploitation de ce groupe pourrait donc contribuer à remédier à la pénurie.

L’un des moyens de retenir et d’attirer les adultes d’âge mûr sur le marché du travail pourrait être de les inciter à suivre une formation professionnelle, soit pour compléter leurs compétences, soit pour en acquérir de nouvelles. Pour concevoir une stratégie de formation professionnelle adaptée aux adultes d’âge mûr, il est toutefois important de savoir si ce groupe participe déjà à la formation professionnelle et, le cas échéant, dans quelle mesure.

À l’aide des données de l’enquête sur l’emploi et les compétences, nous avons examiné qui a déclaré avoir suivi une formation depuis le début de la pandémie de la COVID-19 en 2020 et comment les facteurs associés à la formation variaient entre la main-d’œuvre plus âgée et la main-d’œuvre plus jeune. L’enquête, menée par l’Environics Institute for Survey Research en collaboration avec l’Institut de la diversité et le Centre des Compétences futures, a exploré les expériences des Canadiennes et des Canadiens en matière d’éducation, de compétences et d’emploi. L’étude s’est penchée sur la perception de la sécurité de l’emploi, l’impact des changements technologiques et la valeur des différentes formes de formation.

La pandémie de la COVID-19 est unique dans l’histoire récente en ce qu’elle a affecté le travail et la capacité des gens à se former; elle a donné du temps à de nombreux travailleurs, mais elle a également limité les options de formation en raison des mandats et des meilleures pratiques en matière de santé publique. Nous avons utilisé les données des 6 604 personnes qui ont répondu à la quatrième vague de l’enquête, menée de mars à avril 2022.

Les adultes d’âge mûr sont moins bien formés que les jeunes adultes; l’importance des compétences numériques est soulignée.

Figure 1. Personnes interrogées ayant déclaré avoir suivi une formation depuis la pandémie de la COVID-19 : millénaires versus adultes d’âge mûr.

Tableau illustrant le pourcentage d’apprenants ayant participé à différents types de formation qualifiante depuis le début de la pandémie de COVID-19 : formation dispensée par l’employeur; formation dispensée pendant le travail, mais pas par l’employeur; formation dispensée pendant les congés; formation dispensée pendant le chômage; et formation dispensée pendant les congés ou pendant le chômage en raison de la pandémie. Les différences dans l’engagement dans la formation professionnelle sont indiquées entre les personnes âgées de 25 à 34 ans et celles âgées de 55 ans et plus.

Tous types de formation confondus, les adultes d’âge mûr se sont moins formés que les adultes plus jeunes (figure 1). Parmi les adultes d’âge mûr qui ont suivi une formation, 17 % ont suivi des cours liés aux compétences numériques, comme les technologies de l’information, l’informatique, les compétences techniques ou la conception graphique. Ces résultats sont cohérents avec d’autres résultats de cette enquête, ainsi qu’avec les données sur l’avenir de la main-d’œuvre qui soulignent la demande croissante de compétences numériques. Souvent, la perception est que les compétences numériques se réfèrent à des compétences techniques approfondies comme les langages de codage ; cependant, il y a une forte demande pour des compétences numériques de base, comme le traitement de texte.

Plus de 56 % des adultes d’âge mûr qui n’ont pas suivi de formation ont déclaré que c’était parce qu’ils possédaient déjà les compétences nécessaires, contre 48 % des millénariaux. Ces résultats suggèrent que la plupart des adultes d’âge mûr ne s’engagent pas dans une formation qualifiante supplémentaire et qu’ils ne semblent pas souhaités à le faire. Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils ont davantage confiance en leurs capacités lorsqu’ils sont confrontés à de nouveaux défis que les millénariaux (71 % des adultes d’âge mûr contre 58 % des millénariaux). Cela peut aussi s’expliquer par le fait qu’ils voient leur carrière se terminer, alors que les jeunes adultes planifient leur avenir. Les adultes d’âge mûr estiment peut-être qu’une formation supplémentaire n’est pas nécessaire en raison de leur niveau d’expérience.

Une autre possibilité est le climat du lieu de travail, où de nombreuses personnes âgées peuvent se sentir sous-estimées, marginalisées et victimes de discrimination. Parmi les adultes d’âge mûr à la recherche d’un emploi, 59 % pensent que leur âge est la raison pour laquelle ils ne trouvent pas d’emploi, ce qui est cohérent avec des recherches précédentes indiquant que les adultes d’âge mûr sont souvent victimes d’âgisme sur le marché du travail. D’autres données révèlent que si la main-d’œuvre d’âge mûr est perçue comme chaleureuse, elle est également stéréotypée comme manquant d’adaptabilité et résistant au changement, ce qui peut conduire les employeurs à éviter d’investir dans des formations supplémentaires pour ce groupe d’âge. Ces stéréotypes peuvent expliquer pourquoi les adultes d’âge mûr ne s’engagent pas dans une formation : ils peuvent avoir l’impression que leur employeur ne verrait pas l’intérêt de les faire participer à une formation complémentaire et peuvent donc l’éviter.

Implications, conclusions et orientations futures

Si la participation des adultes d’âge mûr à la formation professionnelle est importante pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre au Canada, des efforts pourraient être nécessaires pour changer le point de vue des adultes d’âge mûr sur leur importance au sein de la main-d’œuvre et pour mettre en évidence la valeur de la formation professionnelle. En outre, des initiatives pourraient être nécessaires pour lutter contre les stéréotypes qui peuvent constituer un obstacle à la formation des adultes d’âge mûr.

Dans l’ensemble, ces résultats éclairent l’engagement des adultes d’âge mûr à l’égard de la formation professionnelle et soulignent certaines questions importantes auxquelles l’écosystème de la formation professionnelle doit faire face lors de l’élaboration de programmes visant à soutenir la formation professionnelle des adultes d’âge mûr. 

Les points de vue, les réflexions et les opinions exprimés ici sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue, la politique officielle ou la position du Centre des Compétences futures ou de l’un de ses membres du personnel ou des partenaires du consortium.