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Le Canada doit adopter une approche plus ambitieuse en matière de formation professionnelle

À l’heure où les conflits du travail font à nouveau la une des journaux, il est rassurant de savoir qu’il existe au moins un point sur lequel la main-d’œuvre et les patrons peuvent s’entendre : les compétences. En particulier, les deux parties sont sur la même longueur d’onde en ce qui concerne le type de compétences nécessaires pour réussir dans l’économie d’aujourd’hui.

Chaque année, les plus grandes entreprises du pays sont interrogées sur les compétences recherchées lors du recrutement de nouveaux employés. Et chaque année, le message est le même. Malgré la nécessité de pourvoir les emplois qui requièrent des connaissances spécialisées (par exemple, le personnel infirmier, les programmeurs informatiques ou les ouvriers qualifiés), les compétences les plus demandées sont celles qui s’appliquent à presque tous les types d’emplois : les aptitudes à la communication, la capacité de s’entendre et de collaborer avec d’autres personnes et l’aptitude à analyser et à résoudre des problèmes complexes.

Il est intéressant de noter que la réponse à notre enquête sur l’emploi et les compétences est plus ou moins la même. Lorsque nous avons demandé à la population active canadienne quelles étaient les compétences les plus importantes pour obtenir leur emploi actuel, les réponses les plus fréquentes ont été la capacité de résoudre des problèmes, les compétences en communication, la capacité de collaborer avec d’autres personnes et de travailler en équipe, et la capacité de s’adapter rapidement au changement en acquérant de nouvelles compétences. Cette liste devance le savoir-faire spécifique à un emploi, ainsi que des éléments tels que les compétences numériques ou l’aisance avec les chiffres.

Deux de ces mêmes types de compétences : les compétences en communication et la capacité à s’adapter rapidement au changement figurent également sur la liste des compétences que la main-d’œuvre canadienne juge les plus importantes pour réussir dans sa carrière à l’avenir. 

Lorsqu’il s’agit des types de compétences que nous devons enseigner et apprendre, les employeurs et les employés au Canada vont donc dans la même direction. Cependant, comment ces compétences sont-elles acquises ? Et comment sont-elles actualisées au cours d’une carrière ?

Les réponses de notre enquête à ces questions sont moins rassurantes. Seul un Canadien sur trois faisant partie de la population active avait participé à un cours de formation offert par son employeur au cours des deux dernières années. Deux personnes sur cinq ont suivi une formation offerte par leur employeur ou par eux-mêmes, ce qui laisse une majorité d’entre eux sans formation officielle au cours des deux dernières années. L’accès à la formation professionnelle diminue avec l’âge, ce qui signifie que nous sommes bien meilleurs pour intégrer les nouveaux travailleurs que pour actualiser les compétences des travailleurs établis lorsqu’ils passent à des phases plus difficiles de leur carrière.

Pour ceux qui ont accès à la formation, il n’est pas clair dans quelle mesure celle-ci est axée sur le renforcement des compétences les plus demandées (comme la communication, la collaboration et la résolution de problèmes). Au cours des deux dernières années, 40 % des formations qualifiantes reçues ont porté sur l’adaptation aux changements sur le lieu de travail causés par la pandémie. C’est essentiel pour la sécurité sur le lieu de travail, mais cela laisse moins de temps pour d’autres formes d’amélioration des compétences qui répondent aux besoins à long terme de l’économie. Des descriptions plus détaillées des expériences de formation professionnelle font état d’un large éventail de sujets couverts, comme la formation aux premiers soins ou l’apprentissage de l’utilisation de nouvelles machines ou de nouveaux logiciels, mais peu de preuves d’une approche plus stratégique de la formation destinée à renforcer le travail d’équipe, le leadership et la résolution de problèmes.

Il est vrai que ces compétences peuvent être plus difficiles à enseigner. Il n’est peut-être pas surprenant que la main-d’œuvre nous ait confié que son moyen préféré d’acquérir de nouvelles compétences n’était pas du tout de suivre des cours de formation, mais d’apprendre directement de ses collègues sur le lieu de travail. Cela en dit long sur la camaraderie sur le lieu de travail. Toutefois, cela soulève la question de savoir si les employeurs canadiens ne sont pas trop passifs dans leur approche de la promotion du type de compétences transversales qu’ils considèrent eux-mêmes comme essentielles.

La pandémie de la COVID-19 a été perturbante, mais finalement, elle ne fournit aucune excuse. Seul un travailleur sur cinq qui n’a pas eu accès à la formation au cours des deux dernières années déclare que c’est parce que la pandémie a rendu la tâche trop difficile. Beaucoup d’autres ont déclaré qu’ils n’en voyaient pas la nécessité, tandis que d’autres ont expliqué que la formation coûtait trop cher ou prenait trop de temps. Et la plupart de ceux qui ont suivi un cours de formation professionnelle au cours des deux dernières années ont reçu au moins une partie de leur enseignement à distance, ce qui démontre que la formation peut s’adapter aux nouvelles réalités.

L’étape suivante consiste donc à aller au-delà de la convention selon laquelle une main-d’œuvre plus collaborative, plus critique et plus adaptable est essentielle pour l’avenir du pays, et à établir un consensus sur la manière d’offrir à un plus grand nombre de travailleurs, à un plus grand nombre d’étapes de leur carrière, des possibilités de formation axées sur cette tâche. Les employeurs, en particulier, devraient prendre des mesures pour nous faire passer d’une situation où la plupart de leurs employés ne sont pas concernés à une situation où la plupart sont impliqués.

Pour aller de l’avant, nous devons commencer à nous concentrer sur :

  • l’adoption d’une perspective sectorielle, comme la pandémie de la COVID-19 a touché chaque industrie de manière différente, les solutions de formation doivent être adaptées aux besoins de chaque secteur.
  • les groupes en quête d’équité : la pandémie a creusé les disparités en matière d’éducation, d’emploi et de revenus entre divers groupes démographiques qui existaient déjà avant la pandémie. Nous devons porter notre attention sur les groupes en quête d’équité afin de garantir qu’ils ne soient pas laissés pour compte lors de la reprise de notre économie.
  • les compétences numériques : la pandémie a accéléré la transformation numérique de nombreuses industries, et nous devons nous assurer que les Canadiens possèdent les compétences numériques nécessaires pour suivre ce changement.
  • les conseils et l’orientation professionnelle : l’accessibilité, l’inclusion et la sensibilisation aux services et une meilleure connaissance du marché du travail sont nécessaires pour que les Canadiens puissent acquérir des compétences professionnelles. 

Les répercussions de la pandémie sur un marché du travail qui subissait déjà d’importantes transformations ont nécessité une approche plus stratégique et intentionnelle de la formation aux compétences, impliquant les employeurs, les employés, les demandeurs d’emploi et l’écosystème plus large de la formation aux compétences. Au moment où le marché du travail canadien se prépare à un contexte post-pandémique, il n’a jamais été aussi important de garantir des possibilités de formation professionnelle adaptées, équitables et pertinentes. 


Pedro Barata est le directeur général du Centre des Compétences futures (CCF). Wendy Cukier est la fondatrice et directrice académique de l’Institut de la diversité de la Ted Rogers School of Management et responsable de la recherche académique pour le CCF. Andrew Parkin est le directeur général de l’Environics Institute for Survey Research.

Les points de vue, les réflexions et les opinions exprimés ici sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue, la politique officielle ou la position du Centre des Compétences futures ou de l’un de ses membres du personnel ou des partenaires du consortium.