Nouvelle donne : Évolution de l’emploi dans le secteur manufacturier du Canada, 2003 à 2018
Quelle a été la situation dans les régions canadiennes pendant le déclin de l’emploi manufacturier survenu entre 2003 et 2009? Y a-t-il eu un remplacement des emplois du secteur manufacturier par des postes équivalents ou par des postes différents, et dans ce cas, marquant un changement définitif de la nature de l’emploi?
Points importants
Résumé
Cette étude visait à répondre à quelques questions simples :
- Quelle a été la situation dans les régions canadiennes pendant le déclin de l’emploi manufacturier survenu entre 2003 et 2009?
- Y a-t-il eu un remplacement des emplois du secteur manufacturier par des postes équivalents ou par des postes différents, et dans ce cas, marquant un changement définitif de la nature de l’emploi?
Voici, dans les grandes lignes, nos réponses à ces questions :
En 2003, le Canada a été submergé par une vague de suppressions d’emplois dans le secteur manufacturier sous les effets conjugués de plusieurs facteurs comme l’automatisation, la concurrence étrangère accrue (le « choc chinois ») et la hausse du dollar canadien. Avant même la Grande Récession de 2008-2009, l’emploi manufacturier s’était effondré de 12 p. 100 (entre 2003 et 2008), un recul qui a frappé de plein fouet le Québec et l’Ontario. Cette tendance s’est accélérée pendant la Grande Récession, mais les taux d’emploi dans le secteur se sont stabilisés depuis.
Le déplacement de l’emploi manufacturier survenu pendant la période prérécession et pendant la Grande Récession a eu des répercussions sans commune mesure sur les travailleurs ne possédant pas de diplôme postsecondaire. Dans les grandes villes, et dans les collectivités situées à leur périphérie, ces catégories de travailleurs ont pu s’adapter en trouvant de nouveaux emplois dans la construction d’infrastructures, la construction résidentielle, le camionnage et l’entreposage. Dans les collectivités manufacturières éloignées des grands centres métropolitains, l’offre de ces types d’emplois a progressé de manière plus timide, et, par conséquent, nous avons observé une réduction de l’emploi et une croissance des revenus en dessous du taux d’inflation.
Au Canada, le secteur manufacturier a accusé une perte de plus de 500 000 emplois entre 2003 et 2009, dont plus de 300 000 d’entre eux ont été perdus avant la crise financière de 2008-2009. Dans le sillage de la crise, entre 2009 et 2018, la croissance de l’emploi dans le secteur a été quasi nulle, comme le montre le tableau 1. Ce constat soulève plusieurs questions fondamentales : qui sont ces travailleurs « disparus », que sontils devenus et qu’est-il advenu des collectivités dans lesquelles ils travaillaient? Les collectivités manufacturières de l’Ontario et du Québec, qui ont été si fortement affectées par ce déplacement de l’emploi, ont-elles été en mesure de se rétablir pleinement?
Le rapport complet, intitulé Nouvelle donne : évolution de l’emploi dans le secteur manufacturier du Canada, 2003 à 2018, entend se saisir de ces questions et d’y répondre au moyen de l’analyse des données issues de l’Enquête sur la population active du Canada. Il passe en revue le phénomène du déplacement de l’emploi en axant la réflexion tant sur les industries que sur les professions. Il évalue quelles industries et professions manufacturières ont enregistré une perte de main-d’oeuvre et par quelles industries et professions cette main-d’oeuvre est susceptible d’avoir été assimilée. Il recense les groupes démographiques ayant été particulièrement touchés par le déplacement de l’emploi et détermine s’ils ont été plus gravement affectés (au regard de l’emploi ou du revenu) que la population dans son ensemble. Le rapport se penche sur les répercussions engendrées par le déplacement de l’emploi manufacturier sur les collectivités du Canada afin de comprendre les effets relatifs de ces bouleversements.
Les emplois manufacturiers ne sont pas répartis de manière uniforme sur le territoire canadien, mais sont fortement concentrés dans quelques collectivités. Nos recherches mettent par ailleurs en évidence un virage vers des professions plus spécialisées du secteur manufacturier. La formation professionnelle, que ce soit en entreprise ou sur les bancs des établissements d’enseignement, est donc essentielle pour offrir aux travailleurs les compétences dont ils ont besoin pour accéder aux métiers de la construction et de la fabrication. Une politique d’investissement dans les infrastructures visant à raccourcir les temps de navettage pourrait accentuer l’interconnexion entre les grandes villes et les villes de taille moyenne, et stimulerait ainsi la création d’emplois dans les collectivités manufacturières qui se sont trouvées dépassées.
Nous avons étudié les tendances de l’emploi par industrie et constaté que le déplacement de l’emploi manufacturier se limite à une poignée d’industries, spécifiquement celles de l’automobile, de l’habillement et des pâtes et papiers. Parallèlement, en 2018, d’autres industries manufacturières ont pu rétablir les emplois perdus entre 2003 et 2009. On observe des tendances comparables à l’échelle des professions, avec un recul marqué parmi les opérateurs de machines à coudre industrielles et les assembleurs de véhicules automobiles. En 2018, d’autres industries manufacturières, notamment la fabrication de produits aérospatiaux et de leurs pièces, la fabrication de produits de viande et la fabrication de produits pharmaceutiques et de médicaments, ont également pu rétablir les emplois perdus entre 2003 et 2009.
Le rapport s’intéresse ensuite aux répercussions entraînées par cette vague de déplacement de l’emploi sur les différents groupes démographiques et relève que ce phénomène a eu une très forte incidence sur les jeunes travailleurs n’ayant pas suivi d’études postsecondaires. Pendant la période de 2003-2008, avant la Grande Récession, les travailleurs qui avaient perdu leur emploi manufacturier ont été en mesure de retrouver un poste dans la construction, le camionnage ou l’entreposage. Ce schéma ne s’est cependant pas reproduit pendant la Grande Récession, durant laquelle le taux d’emploi des jeunes travailleurs, notamment celui des femmes, s’est considérablement contracté.