État des compétences
Améliorer les perspectives de carrière et le bien-être des jeunes Canadiens et Canadiennes
Perspectives clés
Placer l’accent sur les programmes d’orientation professionnelle à un stade précoce pour présenter aux jeunes un éventail de cheminements de carrière et leur permettre ainsi de prendre des décisions avisées, en veillant tout particulièrement à l’inclusivité et à l’accessibilité de tels programmes.
Recourir à la technologie pour améliorer les services de développement de carrière grâce à la diffusion d’une information sur le marché du travail personnalisée, tout en intégrant des soutiens en personne pour garantir un accompagnement complet et efficace.
Plaider en faveur d’une approche globale assurant la mise en œuvre cohérente de soutiens complets, en associant par exemple le perfectionnement des compétences et l’orientation professionnelle à diverses mesures en matière de lutte contre la discrimination, de santé mentale, etc.
L’enjeu
Les perspectives d’emploi des jeunes (soit généralement la tranche d’âge des 15-24 ans) et leurs résultats sur le marché du travail se caractérisent par leur nature cyclique, c’est-à-dire que l’emploi des jeunes est affecté de manière disproportionnée par les ralentissements économiques, comparativement aux adultes. De fait, les jeunes sont souvent les premières personnes mises à pied durant les récessions ou, comme nous l’avons observé récemment, en cas de pandémie, principalement en raison de leur moindre niveau d’expérience et d’ancienneté. Les coûts induits par leur mise à pied sont également plus faibles, en comparaison. Cette tendance est aggravée par le fait que les jeunes sont souvent employés dans des secteurs particulièrement sensibles aux ralentissements économiques et très touchés par la pandémie, comme le commerce de détail et les services d’hébergement, d’où l’exacerbation du chômage des jeunes pendant ces périodes..
Le Centre des Compétences futures et l’Initiative du Siècle ont enquêté ensemble sur l’emploi des jeunes et mis au jour les mécanismes par lesquels une période prolongée d’interruption du travail ou des études peut avoir des effets durables sur les futurs résultats obtenus par les jeunes sur le marché du travail, notamment la diminution de leurs revenus potentiels à long terme et leur moindre avancement professionnel. Les longues périodes de chômage et d’inactivité sont également associées à une détérioration de la santé mentale et à un recul des liens sociaux, surtout chez les jeunes déjà défavorisés. Ces séquelles sont exacerbées par l’inefficacité des transitions vers la vie active, souvent synonymes de chômage, avec pour conséquence un renforcement des répercussions négatives induites par les périodes prolongées sans emploi. Le fait est que beaucoup de jeunes Canadiens et Canadiennes ont moins de liens avec la population active et bénéficient d’un accès limité à des occasions de bâtir leurs réseaux lorsqu’ils entrent dans la vie active. Les cohortes de jeunes qui comptent de plus en plus de membres au Canada, en particulier celles issues d’une communauté racisée ou autochtone, sont nombreuses à être souvent victimes de discrimination, ce qui accentue encore la difficulté pour saisir des occasions de se perfectionner et de trouver un emploi de qualité.
Ce problème n’est pas propre au Canada. D’après un récent examen de la situation des jeunes sur le marché du travail réalisé par l’Organisation internationale du Travail, près d’un cinquième des jeunes dans le monde n’est ni en emploi, ni aux études, ni en formation (indicateur NEET). Et si le taux de personnes NEET au Canada est nettement inférieur (12 % environ selon les estimations de l’Enquête sur la population active publiée en juillet 2024), certains signes indiquent que la situation des jeunes sur le marché du travail s’est détériorée au cours des 12 derniers mois et que la croissance de l’emploi est faible.
Bien que le taux de chômage des jeunes soit généralement supérieur à celui de leurs aînés, quel que soit le cycle économique, cette tendance reste néanmoins source de préoccupation. En juin et juillet 2024, malgré une certaine stabilité de l’emploi à l’échelle du Canada, on a dénombré 33 000 jeunes supplémentaires sans emploi, soit un recul alarmant chez ce groupe dont le taux de chômage dépasse 14 % (contre 6,4 % dans l’ensemble de la population âgée de 15 ans et plus). S’il s’agit d’une amélioration considérable par rapport au pic de la pandémie, période durant laquelle le taux de chômage des jeunes était supérieur à 30 %, les évolutions récentes sont un signe inquiétant dans la mesure où leur pérennisation risquerait de compromettre les progrès enregistrés depuis quelques années. Les derniers chiffres du chômage des jeunes accusent d’ores et déjà une hausse d’environ cinq points de pourcentage par rapport aux niveaux prépandémiques. Or, les jeunes sont particulièrement vulnérables face à divers enjeux sociétaux plus larges, comme la diminution de la santé mentale, les effets des médias sociaux, la hausse du coût de la vie, l’accès à un logement abordable et l’accélération des changements climatiques.
Pour mettre un coup d’arrêt au récent ralentissement du marché du travail pour les jeunes et préparer les conditions propices à leur participation active en faveur de la croissance et de l’inclusion, il est impératif de s’attaquer aux multiples obstacles intersectionnels qu’ils rencontrent. En effet, les jeunes Canadiens et Canadiennes représentent une population beaucoup plus diversifiée que les générations précédentes, sous l’influence des vagues d’immigration passées et de la part importante de la croissance démographique du Canada observée au sein des communautés autochtones.
Ce que nous examinons
Divers projets financés par le CCF visaient à déterminer comment améliorer les perspectives de carrière à long terme et le bien-être des jeunes Canadiens et Canadiennes, tout en stimulant la croissance économique et en favorisant l’inclusion sociale, et ont ainsi étudié les mesures nécessaires pour promouvoir la participation entière et efficace des jeunes dans les domaines de la formation, de l’éducation et de l’emploi.
L’étude menée conjointement avec l’Initiative du Siècle a analysé les multiples obstacles structurels auxquels les jeunes sont confrontés en période de faible croissance économique. Si la plupart des articles de référence sur la jeunesse s’étaient concentrés sur les préoccupations économiques à court terme, ce travail s’est penché sur les effets à long terme des récessions sur les jeunes qui finissent leurs études, entrent dans la vie active ou se trouvent en situation de vulnérabilité à d’autres stades de leur vie.
Nous avons également voulu savoir comment les jeunes se sentent en milieu de travail une fois qu’ils ont décroché un emploi. Aux côtés de la Toronto Metropolitan University (Université métropolitaine de Toronto) et de The Better Work Project, nous avons étudié l’expérience de la qualité de l’emploi des jeunes à travers leur propre perception et leurs propres mots. Ce projet avait pour objectif de comprendre, entre autres, comment les jeunes travailleurs évaluent la qualité de leur emploi et de déterminer quelles compétences et quelles ressources seraient susceptibles de les aider à améliorer leur environnement de travail.
Parmi les difficultés rencontrées par les jeunes figure souvent l’accès insuffisant aux renseignements, aux soutiens, aux services et aux relations dont ils ont besoin pour obtenir des occasions d’emploi et de formation. Dans d’autres cas, les programmes à leur disposition sont fragmentés par nature, ce qui complique l’orientation des jeunes parmi les innombrables cheminements de carrière possibles.
Prenons l’exemple du projet Reboot Plus, mené par le Collège Douglas en partenariat avec le Douglas College Training Group, PEERs Employment and Education Resources, les districts scolaires de Burnaby et Surrey, et les chambres de commerce, et qui aide les jeunes marginalisés à reprendre leurs études et leur développement de carrière ainsi qu’à explorer des domaines d’intérêt. Sur 16 semaines, il propose aux participants un éventail d’activités en classe et sur le terrain (découverte de soi, évaluation des compétences, etc.) et leur permet de rencontrer des professionnels et des employeurs dans les secteurs qui les intéressent.
D’autres projets financés par le CCF, dont Virtual Workplace Tours, M-Power North et le Programme d’apprentissage expérimental en innovation, technologie et entrepreneuriat (ELITE), ont adopté une approche davantage axée sur la pratique en exposant les jeunes à diverses possibilités d’emploi et de carrière à travers des visites en milieu de travail, des stages rémunérés et des solutions d’apprentissage par l’expérience.
Dans l’optique d’analyser la prestation des services de développement de carrière, le Behavioural Insights Team a mené des essais comparatifs randomisés afin de savoir comment aider les élèves du secondaire et les jeunes demandeurs d’emploi à prendre des décisions plus avisées. Ce projet reposait sur une approche méthodologique mixte incluant une analyse des données probantes existantes, plus de 50 entretiens, une étude qualitative menée en classe et quatre essais comparatifs randomisés. Les divers axes de recherche quantitative et qualitative visaient à trouver comment mettre l’information sur le marché du travail au service des choix d’orientation des élèves en matière d’éducation postsecondaire, à recenser les points de données les plus utiles et à déterminer le mode de présentation le plus efficace.
La manière dont l’information sur les carrières est transmise aux jeunes joue également un rôle crucial dans l’utilisation et l’adoption de cette dernière. Or, les technologies qui améliorent l’accès à l’information sur le marché du travail n’ont pas suivi l’évolution des besoins et des exigences de la jeunesse actuelle. L’Ontario Tourism Education Corporation (OTEC) a mené le projet Integrate explorant la création d’une passerelle unique basée sur la technologie afin de déterminer comment mieux soutenir l’emploi, l’orientation professionnelle et le cheminement de carrière des jeunes à travers l’innovation.
Les programmes ciblant les jeunes, et plus particulièrement les jeunes racisés, sont souvent fragmentés et cloisonnés, ce qui limite la mutualisation des retombées positives des différents mécanismes de soutien. L’initiative Perfectionnement des compétences des jeunes Canadiens et Canadiennes pour des carrières recherchées dans les technologies de NPower adopte une approche complète incluant un éventail de soutiens en faveur des jeunes défavorisés. Axée sur le secteur des technologies, elle offre une solution d’emploi aux jeunes défavorisés sur le marché du travail afin qu’ils puissent se lancer dans des carrières numériques porteuses et pérennes. Ce programme propose une formation professionnelle axée sur les compétences techniques, un service de placement direct et cinq ans de services de suivi, y compris des occasions de mentorat et de formation continue à l’appui de l’avancement professionnel. L’objectif est d’aider les participants à trouver un emploi technologique de niveau débutant qui exige des compétences numériques.
De la même façon, certains projets à l’image de Lift/Futur en tête ont mis à l’essai de nouvelles approches offrant une prise en charge intégrée en matière de santé mentale, d’éducation et d’emploi. D’autres, tels que le projet La force dans la structure du Conseil canadien pour la réussite des jeunes (CCRJ) et le programme ELITE, ont cherché à mettre en lumière les obstacles particuliers auxquels la jeunesse noire est confrontée au moment de prendre des décisions en matière de développement de carrière, d’emploi et de formation. Dans la même optique, le projet Les compétences de base et l’intervention rapide du Manitoba Institute of Trades and Technology visait à soutenir les jeunes autochtones en combinant des microcrédits basés sur six compétences fondamentales, des soutiens complets et des programmes d’études personnalisés. L’initiative Reboot Plus, quant à elle, tenait compte du fait que les jeunes à risque ont besoin d’une approche s’étendant au-delà du seul domaine de l’emploi. Selon cette vision holistique, les jeunes bénéficiaient d’environnements souples, sans pression, pour apprendre à leur propre rythme.
Ce que nous apprenons
Les enseignements tirés de cette série de projets du CCF ont souligné la nécessité d’offrir aux jeunes Canadiens et Canadiennes un soutien continu pluridimensionnel pour améliorer leurs résultats sur le marché du travail. Un trop grand nombre de jeunes (près de la moitié) ont déjà quitté un emploi par le passé en raison de conditions de travail défavorables. Pour résoudre ces problèmes, il faut commencer par élargir les options de développement de carrière en adoptant une démarche précoce d’orientation professionnelle et d’exploration qui jettera les bases des aspirations futures de la jeunesse. Outre ses avantages en termes d’exploration, la technologie fait la promesse d’éliminer les obstacles, notamment bureaucratiques, qui entravent l’accès aux renseignements et aux services. En particulier, les jeunes à l’aise avec la technologie peuvent exploiter de nouvelles solutions qui exploitent une information sur le marché du travail simple et localisée. Combinées à un soutien personnalisé, ces dernières seront en mesure de répondre aux besoins diversifiés de la jeunesse en matière de développement de carrière et de suivre leur évolution. Néanmoins, la technologie à elle seule ne suffit pas. Pour améliorer les résultats en matière de formation, d’éducation et d’emploi, les services d’information et les mesures de soutien doivent être assortis de passerelles concrètes vers le monde du travail, de façon à garantir une transition fluide vers la vie active, et de mécanismes d’aide au maintien dans l’emploi. Enfin, pour lever les multiples obstacles rencontrés par les jeunes, dont la discrimination, il est primordial d’assurer l’intégration complète des programmes et des services, en incluant par exemple la santé mentale, et de créer ainsi un système de soutien cohérent et exhaustif en faveur des jeunes Canadiens et Canadiennes.
Générer de nouvelles possibilités grâce à l’exploration de carrière à un stade précoce
Plusieurs initiatives visaient à améliorer la sensibilisation aux nombreuses options de carrière existantes, ainsi qu’à en améliorer l’accessibilité, et à donner les moyens aux jeunes de prendre des décisions avisées quant à leur avenir professionnel. On doit par exemple à la 3+ Economic Development Corporation (dont les services ont été transférés depuis lors à la Commission de services régionaux du Sud-Est) le projet pilote Virtual Workplace Tours permettant aux élèves du secondaire de la région du grand Moncton d’explorer des carrières recherchées en visitant des lieux de travail. De 2021 à 2023, l’équipe de 3+ Corporation a organisé 14 visites virtuelles dans sept secteurs d’activité, à la fois en français et en anglais. Au total, ces visites ont réuni 4 975 élèves fréquentant 33 classes anglophones et 166 classes francophones. De la même façon, M-Power North de Career Trek est un programme d’exploration et de développement de carrière s’adressant aux jeunes mères âgées de 15 à 25 ans qui vivent dans le Nord du Manitoba. Ce dernier propose des cours pratiques d’apprentissage par l’expérience dans divers secteurs, notamment les métiers, la technologie, les ressources naturelles, les STIM et les soins de santé, et donne l’occasion aux participantes d’explorer et de découvrir des options de carrière et d’éducation/de formation afin de s’assurer qu’elles disposent des outils nécessaires pour prendre des décisions avisées quant à leur avenir. Le projet d’école R.E.A.L (Reality, Education, Applied, Life)d’Urban Rez avait pour but de mettre au point un programme d’apprentissage propice à l’orientation des jeunes noirs et racisés vers des carrières en accord avec leurs centres d’intérêt, leur personnalité et leurs compétences. La culture populaire a servi de point d’entrée accessible pour faire découvrir aux jeunes des carrières correspondant à leurs centres d’intérêt. Le programme ELITE de l’Université de l’Alberta a comblé des disparités au sein de la population active en dotant les jeunes noirs de compétences pratiques dans des domaines recherchés tels que la robotique, l’automatisation et la fabrication avancée grâce à l’intégration de formations techniques et de stages rémunérés.
Les données qualitatives recueillies auprès des élèves, des enseignants et des partenaires sectoriels dans le cadre de ces projets ont été favorables : elles démontrent que l’apprentissage par l’expérience, l’exploration de carrière et les stages pratiques sont de précieux outils propices à la prise de décisions avisées en matière d’orientation professionnelle et permettent aux élèves ainsi qu’aux enseignants de découvrir de nouveaux secteurs d’activité et de nouvelles occasions d’emploi. Ces approches ont également des retombées positives manifestes sur l’opinion des employeurs concernant l’embauche de jeunes venus de divers horizons.
Nos travaux de recherche ont mis en lumière diverses lacunes en matière de soutiens et de services à l’intention des jeunes, ces derniers ayant souvent un accès limité aux services d’orientation professionnelle et de développement de carrière, en particulier lorsqu’ils ont quitté le système d’éducation officiel. Les services de développement de carrière et les programmes de formation qui ont le mérite d’exister sont souvent obsolètes et risquent donc de ne pas répondre aux besoins particuliers de la jeunesse. De fait, malgré l’appétit croissant des jeunes d’aujourd’hui pour la technologie, les outils et les solutions de développement de carrière disponibles accusent souvent du retard et ne parviennent pas à tirer pleinement parti des capacités et des attentes de ce segment démographique.
Le projet Integrate mené par l’OTEC a révélé qu’un grand nombre de plateformes et de services ne placent pas suffisamment l’accent sur l’utilisateur et n’offrent pas l’agilité nécessaire pour répondre efficacement aux besoins et aux aspirations dynamiques des jeunes dans le domaine professionnel. Dans ce contexte, le projet a mis à l’essai un éventail d’outils numériques orientés sur le développement de carrière auprès de quelque 2 000 jeunes demandeurs d’emploi afin d’obtenir un éclairage sur l’aide à la décision qu’ils peuvent apporter aux jeunes Canadiens et Canadiennes quant à leur orientation professionnelle et sur leur faculté à faciliter le travail des fournisseurs de services d’emploi. Néanmoins, si les jeunes ont trouvé une valeur ajoutée à l’utilisation de différents outils, en lieu et place d’un « guichet unique », ils ont considéré que les services de soutien en personne offraient une plus-value significative en matière d’accompagnement compte tenu de la complexité des choix de carrière et de formation s’offrant à eux. La technologie, à elle seule, n’a donc pas permis de répondre aux besoins des jeunes. De la même façon, les participants à l’initiative Perfectionnement des compétences des jeunes Canadiens et Canadiennes pour des carrières recherchées dans les technologies menée par NPower ont fait part de leur souhait d’accentuer le côté pratique des apprentissages et des soutiens. Dans le cadre du projet d’école R.E.A.L., un accompagnement individualisé a été offert aux jeunes noirs et marginalisés de la région du grand Toronto par l’intermédiaire de personnes ayant une expérience extensive auprès de la jeunesse noire, autochtone et de couleur.
Si bon nombre de projets financés par le CCF dans le domaine de l’exploration de carrière ont dû faire l’objet d’une prestation virtuelle en raison de la pandémie, les partenaires se sont accordés à dire que l’interaction en personne reste précieuse et devrait redevenir prioritaire à l’avenir. Bien que les modèles hybrides incluant une forme d’interaction virtuelle, comme les visites en milieu de travail et les formations par l’expérience, contribuent à élargir la portée des programmes, en particulier auprès des jeunes vivant dans des régions isolées ou assumant des responsabilités familiales, il n’en demeure pas moins que les relations et les soutiens en personne sont jugés plus efficaces.
Dans le même temps, la valeur de la technologie est tributaire de celle de l’information qui la sous-tend. D’après les données probantes, il convient de privilégier la simplicité. Notre projet mené conjointement avec le Behavioural Insights Team au moyen d’essais comparatifs randomisés a éprouvé les méthodes permettant d’informer, d’autonomiser et de mobiliser au mieux les jeunes Canadiens et Canadiennes à l’heure de prendre des décisions professionnelles. Il en est ressorti que la présentation d’une information sur le marché du travail simple et localisée était essentielle pour éclairer les choix des élèves du palier secondaire quant à la poursuite de leurs études.
Le projet Lift/Futur en tête du Centre de toxicomanie et de santé mentale a mis à l’épreuve un modèle visant à soutenir les jeunes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Au lieu de suivre l’approche traditionnelle de formation au stade de préparation à l’emploi, cette initiative donnait la priorité au placement professionnel rapide de la clientèle, assorti d’une formation et de soutiens continus pour l’aider à rester en poste. Durant la période d’évaluation, 542 jeunes ont participé au projet et plus de 40 % d’entre eux sont parvenus à décrocher un emploi. Le projet a également mis en lumière les retombées positives de l’emploi dans d’autres facettes de la vie des jeunes, les participants faisant état d’une amélioration de leur santé mentale, de leur bien-être et de leur conscience de soi, ainsi que d’une confiance accrue.
Le projet mené par NPower se caractérise par la prestation de soutiens pendant les cinq années suivant la validation du programme, incluant un service continu de placement professionnel, ainsi que des possibilités d’accompagnement, de mentorat et de réseautage, afin d’aider les participants à décrocher leur prochaine occasion d’emploi ou à améliorer la qualité de leur emploi. D’après les résultats d’une évaluation indépendante des programmes d’analyste en TI et d’analyste de données pour débutants, qui ciblent les personnes au chômage et surqualifiées issues de groupes ayant droit à l’équité, le taux d’emploi parmi les participants a augmenté de 254 points de pourcentage entre le dépôt de candidature (référence) et l’enquête de suivi à 12 mois. De même, leur revenu a augmenté de près de 67 % durant cette période, passant de 24 000 dollars à 40 000 dollars.
Un rendement similaire a été observé dans le cadre d’autres programmes à la suite d’investissements dans la prestation de soutiens complets. Les participants à l’initiative Reboot Plus (186 élèves en décembre 2023), par exemple, ont fait état d’un surcroît de confiance face aux difficultés de la vie, d’un état d’esprit plus positif et d’une vision plus claire de leurs objectifs de carrière à l’issue du programme. Les participants au programme ELITE, quant à eux, ont pu suivre des stages à la pointe de l’innovation, ce qui leur a permis d’acquérir des compétences techniques essentielles et de bâtir des réseaux professionnels, avec à la clé des retombées positives sur leur développement de carrière et leur autonomisation économique.
Plusieurs projets financés par le CCF ont pointé le fait que les jeunes rencontrent encore d’importants obstacles à l’inclusion en milieu de travail, d’où la nécessité d’agir auprès des entreprises pour qu’elles instaurent une atmosphère bienveillante envers les jeunes. Le projet Reboot Plus invitait les employeurs à mieux comprendre les jeunes talents et à élaborer des stratégies et des outils propices à leur intégration en particulier. D’après les résultats, ce programme a permis de faire évoluer la mentalité des employeurs à l’égard des jeunes de façon qu’ils les envisagent comme un vivier potentiel de talents. En effet, 87 % des employeurs participants ont déclaré qu’ils aideraient les jeunes à s’insérer au travail et 86 % étaient enclins à présenter de jeunes talents à leurs collègues.
Le projet Main-d’œuvre 2030 : Amélioration rapide des compétences pour la construction de bâtiments durables mené par le Conseil du bâtiment durable du Canada consistait à revoir la conception des programmes d’études aux côtés des partenaires pédagogiques afin d’aider les travailleurs vulnérables, notamment les jeunes, à s’orienter vers la construction de bâtiments durables. D’emblée, force a été de constater que les groupes vulnérables et les jeunes avaient besoin de soutien (par-delà la formation) pour accéder à l’emploi ou perfectionner davantage leurs compétences. Dans leur rétroaction, les participants ont souligné la nécessité d’obtenir une aide supplémentaire, notamment par le biais d’interactions directes avec des employeurs potentiels. L’équipe du projet s’est donc adaptée en organisant deux salons de l’emploi et en mobilisant des partenaires sectoriels et syndicaux. Ces initiatives ont permis à 52 participants de décrocher un entretien, suite à quoi 14 personnes ont été embauchées à plein temps ou ont effectué un stage rémunéré.
Il est également nécessaire de faire advenir un écosystème de développement de la main-d’œuvre plus inclusif qui appréhende la problématique du racisme systémique envers les Noirs sur le marché du travail. Dans le cadre du projet La force dans la structure, une boîte à outils a été mise au point pour améliorer la prestation de services en réponse aux besoins des jeunes Noirs à la recherche d’un emploi. Cette dernière synthétise les résultats de l’étude en un ensemble de ressources et de recommandations à l’intention des organisations dirigées par des Noirs, au service des Noirs et centrées sur les Noirs, dans le but de renforcer les capacités, d’améliorer la réactivité sociale et culturelle et d’approfondir les relations avec les clients de la communauté, tout en proposant une approche flexible qui permet aux organisations de modifier les ressources en fonction de leur situation.
De manière plus générale, comme le souligne notre étude sur les jeunes racisés, il est primordial d’appliquer une optique de diversité à la conception et à la prestation des politiques et programmes, et de s’attaquer aux mécanismes qui contribuent à l’ancrage des préjugés et de la discrimination dans les politiques, les programmes et les processus. Un tel travail exige de la souplesse de la part des prestataires de programmes, des soutiens financiers flexibles sur le long terme et la prestation de programmes pilotés par les données à l’appui d’une amélioration continue.
En grande majorité, les projets ayant fait leurs preuves auprès des jeunes vulnérables ont pointé l’importance d’offrir aux jeunes des soutiens complets leur permettant de saisir des occasions d’emploi et de formation. De fait, il n’était pas suffisant de rendre la formation disponible : il fallait accompagner les jeunes pour s’assurer qu’ils s’y inscrivent et/ou la mènent à bien. C’est ce qui est ressorti en particulier du projet M-Power North soutenant les jeunes mères dans le Nord du Manitoba. Dans le cadre de ce programme, la prestation de services complets incluant par exemple la garde d’enfants et le transport s’est avérée cruciale pour améliorer l’intégration des jeunes vulnérables. En répondant aux besoins dans leur ensemble, ce programme a créé un environnement propice à l’épanouissement des jeunes dans leur vie personnelle et professionnelle. De la même façon, le programme ELITE en Alberta a souligné la nécessité d’offrir un soutien global aux jeunes Noirs qui suivent des études postsecondaires et entrent dans la vie active, notamment un accompagnement en matière de bien-être pour renforcer la résilience. Chez NPower, une équipe œuvre spécialement pour conclure des partenariats solides avec des agences locales et nationales et faire en sorte que les jeunes aient accès à des services et des ressources en matière de logement, d’alimentation, d’habillement et de garde d’enfants. La mise en place de soutiens complets s’avère indispensable à la participation des jeunes, et plus particulièrement des jeunes à risque, aux programmes de soutien à l’emploi.
Les programmes à l’intention des jeunes, notamment racisés, sont souvent fragmentés : cela s’explique généralement par le fait qu’il existe divers volets de financement ciblant chacun un aspect particulier de la vie des jeunes. Néanmoins, les initiatives financées par le CCF ont démontré massivement que l’intégration de différents programmes et services comme la formation, l’aide à la recherche d’emploi et le soutien en matière de santé mentale est essentielle pour garantir l’insertion complète et réussie des jeunes vulnérables sur le marché du travail. Une approche intégrée englobant les soutiens complets dont les jeunes ont tant besoin contribue à répondre aux multiples enjeux qui accompagnent leur transition des études vers l’emploi.
À titre d’exemple, le programme Lift/Futur en tête a souligné qu’une prise en charge intégrée de la santé mentale, de l’éducation et de l’emploi offre des résultats positifs sur le marché du travail et sur le plan social. Grâce au décloisonnement des programmes et à une meilleure collaboration entre ces multiples domaines interconnectés, les jeunes seront plus résilients et mieux armés pour surmonter les défis du moment, pour s’épanouir dans leur vie professionnelle et pour apporter une contribution positive à l’économie et à la société.
Ce type de prestation intégrée des services se justifie également d’un point de vue pratique. Les projets M-Power North, Virtual Workplace Tours et Main-d’œuvre 2030 ont tous mis en avant l’importance d’ajouter des éléments programmatiques (les compétences écologiques, par exemple) à leurs mécanismes de prestation existants. Une telle approche a permis d’améliorer non seulement les résultats pour les participants, mais aussi l’efficacité globale.
Pourquoi c’est important
Il est essentiel de placer durablement l’accent sur les jeunes dans le cadre du développement de la main-d’œuvre, d’autant que les récentes tendances font état d’une dégradation des conditions du marché du travail à leur égard. Apporter une réponse à ces enjeux s’avère primordial, non seulement pour atténuer les effets immédiats de la hausse du chômage, mais aussi pour mettre un coup d’arrêt aux périodes prolongées sans emploi et prévenir des répercussions plus graves à long terme. La prise de mesures proactives contribuera à écarter le risque de résultats négatifs, ainsi qu’à favoriser la résilience économique et à créer une main-d’œuvre plus robuste et inclusive à l’avenir.
Cette série de projets fournit de précieux enseignements sur les mécanismes efficaces pour soutenir les jeunes en recensant les stratégies et les principes clés qui sous-tendent la réussite des interventions programmatiques. Les éclairages ainsi obtenus mettent au jour un éventail de pratiques exemplaires et approfondissent la compréhension des modes de conception et de mise en œuvre des interventions capables de satisfaire aux besoins diversifiés des jeunes, avec à la clé des résultats plus décisifs et durables.
Prochaine étape
Dans le cadre du dernier cycle d’initiatives de financement du CCF, divers programmes mentionnés ici (dont Reboot Plus et l’initiative de NPower) ont bénéficié d’investissements supplémentaires en vue de tirer davantage d’enseignements. Ainsi, le projet Reboot Plus a été élargi récemment à trois nouvelles villes afin d’effectuer un essai de portabilité et d’adaptation dans différents contextes. Le rapport final à venir livrera une analyse approfondie et formulera de précieux éclairages et recommandations en vue d’itérations futures. En outre, l’évaluation du récent cycle d’investissement inclura le point de vue des jeunes qui n’ont pas achevé le programme, ainsi que la collecte de renseignements complémentaires sur les taux de participation et d’implication.
Concernant le projet mené par NPower, le rapport final à venir présentera les résultats complets de l’essai comparatif randomisé entre les participants et un groupe témoin. Si les conclusions préliminaires font état de résultats positifs en matière d’emploi et de revenu des diplômés du programme, il reste à déterminer si ces améliorations sont directement corrélées à leur participation. Cette question sera tranchée en comparant les gains observés chez les participants à ceux enregistrés par le groupe témoin. Le rapport final mesurera par ailleurs l’impact des différents volets du programme et évaluera les variations en fonction de facteurs sociodémographiques tels que le genre, la race/l’origine ethnique et le statut migratoire. Attendu début 2025, il analysera également le succès d’adaptation du programme dans différentes régions du Canada, et les répercussions potentielles sur les résultats.
Projets CCF inclus
NPower Canada, Upskilling Canadians for In-demand Tech Careers
University of Alberta, Experiential Learning in Innovation, Technology, and Entrepreneurship (ELITE) Program for Black Youth
Douglas College, Reboot Plus Expansion
MaRS Discovery District, Project Integrate
Urban Rez Solutions Social Enterprise, The Reality, Education, Applied, Life Skills (R.E.A.L.) School
Manitoba Institute of Trades & Technology, Core Skills and Rapid Response
Le Conseil canadien pour la prospérité des Jeunes (CCPJ), La force dans la structure
The Centre for Addiction and Mental Health, Lift: What Works for Work?
Career Trek, Un programme pour les jeunes mamans du nord du Manitoba
Century Initiative, Prévenir l’effet cicatrice du marché du travail chez les jeunes
Diversity Institute, Tenants et aboutissants du marché du travail pour les jeunes racisés
Behavioural Insights Team, Utiliser les connaissances comportementales pour augmenter la participation aux services d’orientation professionnelle et postsecondaire
Toronto Metropolitan University & The Better Work Project, Expérience de la qualité de l’emploi et engagement des jeunes travailleurs
Vous avez des questions sur ce rapport ? Contactez-nous communications@fsc-ccf.ca.
How to Cite This Report
Tobin, S. (2024) Project Insights Report: State of Skills: Enhancing Career Prospects and Well-Being for Canadian Youth. Toronto: Future Skills Centre. https://fsc-ccf.ca/projects/state-of-skills-youth/
Plus de CCF
L’intelligence artificielle au travail : l’évolution des compétences futures et l’avenir du travail
L’impact du travail à domicile dans le milieu de travail
In Motion & Momentum+ (IM&M+) - Renforcer la résilience, l’espoir et l’avenir durable
Ce rapport a été produit sur la base de projets financés par le Centre des compétences futures (CCF), avec le soutien financier du gouvernement du Canada. Les opinions et interprétations contenues dans cette publication sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.