Quand l’ouvrier devient robot: Représentations et pratiques ouvrières face aux stigmates de la déqualification
Dans les entrepôts de la grande distribution alimentaire, les ouvriers manutentionnaires travaillent avec un casque audio sur les oreilles et un micro devant la bouche. C’est une voix numérique qui leur indique les tâches à réaliser et ils valident chacun des gestes effectués par reconnaissance vocale, en prononçant des mots clés. Lorsqu’on les interroge sur le contenu de leur travail, ils ne manquent pas de se comparer à des « robots », dépossédés de leur capacité à agir en dehors du script imposé. Les observateurs extérieurs en font souvent de même, sidérés par ce dialogue étrange entre un outil numérique et des humains qui répondent à ses injonctions. Si cette conception de la « robotisation » n’est pas satisfaisante au regard de l’enquête menée en immersion dans les entrepôts, l’analyse critique de cette terminologie et de ses ressorts symboliques amène un éclairage nouveau sur la façon dont le monde ouvrier est perçu et se perçoit.