Renforcer l’autonomie de la main-d’œuvre du Nord — La réceptivité aux technologies de l’information dans le Nord

L’enjeu

Il y a un manque dans le paysage actuel des TI au Manitoba, soit environ 3 000 postes vacants, mais pas assez de personnes qualifiées pour les combler. Cet écart est encore plus marqué dans le Nord du Manitoba, où la pénurie de main-d’œuvre a des répercussions sur la capacité de la province à renforcer l’infrastructure de TI dans les collectivités rurales et éloignées.

L’industrie des technologies de l’information demeure largement inconnue des résidents du Nord et continue d’être dominée par les hommes. De nombreuses jeunes femmes du Nord et des femmes autochtones font face à des obstacles supplémentaires pour participer à des études postsecondaires en raison de responsabilités familiales. Par conséquent, les jeunes du Nord, en particulier les femmes autochtones, choisissent de ne pas se joindre au domaine des TI, et il faut des efforts ciblés pour dégager des possibilités et attirer les femmes autochtones et du Nord vers la formation et l’emploi en TI.

Bien que les établissements d’enseignement postsecondaire aient tenté de combler les lacunes du marché du travail dans le secteur des TI au moyen de programmes universitaires, cela a connu peu de succès auprès des populations du Nord. Les programmes de TI offerts par les établissements du Sud ne proposent pas le soutien nécessaire pour répondre aux besoins des résidentes et résidents du Nord. Par exemple, pour participer à des programmes dans des établissements du Sud, les personnes habitant dans le Nord doivent déménager pour de longues périodes. Ce faisant, elles perdent temporairement leurs liens avec les soutiens communautaires et familiaux. Le coût de la vie et des programmes eux-mêmes peut rendre difficile le retour des étudiantes et étudiants autochtones dans leurs communautés, ce qui aggrave leur isolement social et, en fin de compte, a une incidence sur leur réussite globale. De plus, plusieurs étudiantes et étudiants du Nord n’ont pas les compétences académiques et essentielles prérequises nécessaires pour réussir dans un établissement d’enseignement postsecondaire et ont besoin d’un soutien supplémentaire.

Ce que nous examinons

Pour combler les lacunes du marché du travail et soutenir davantage de femmes autochtones pour la formation et l’emploi en TI, l’UCN a élaboré et lancé le programme InTeRN. Le programme a été conçu pour que les femmes autochtones du Nord puissent acquérir les compétences nécessaires pour entrer en toute confiance dans le secteur des TI au Manitoba. InTeRN est un programme de certificat de 10 mois axé sur l’enseignement des connaissances et des compétences de base en TI aux étudiantes et étudiants, associé à des soutiens sociaux, à des conditions d’études souples et à un apprentissage intégré au travail avec des partenaires de l’industrie comme Computers for Schools Manitoba.

Le programme combinait le développement des compétences liées aux TI avec des méthodes imprégnées de culture, l’enseignement et la narration pour aider les diplômées à devenir des modèles pour d’autres femmes autochtones qui envisagent d’occuper un emploi dans le secteur des TI. L’objectif de la conception du programme était d’aider à surmonter les obstacles qui entravent la participation des résidentes du Nord aux industries des TI au Manitoba et de produire des diplômées pour renforcer la main-d’œuvre, soutenir leurs familles et leurs communautés, et devenir des modèles pour les autres.

Le projet visait à répondre aux questions suivantes :

• Le programme pourrait-il aider à améliorer les taux de réussite des étudiantes et étudiants du Nord qui suivent une formation en TI et qui occupent un emploi ?
• L’UCN pourrait-elle mettre en place un programme en faisant de l’apprentissage pratique l’élément central du programme d’études, et la formation théorique serait intégrée à l’apprentissage intégré au travail plutôt que l’inverse ?
• La nature unique du programme pourrait-elle être soutenue par les responsables des étudiantes et étudiants — l’UCN, les parrains et marraines des étudiantes et des étudiants, les organismes d’aide sociale, les familles ?
• L’UCN pourrait-elle élaborer un modèle de formation qui intègre davantage l’apprentissage intégré au travail et qui pourrait être reproduit dans d’autres secteurs de la formation postsecondaire ?

Au printemps 2020, l’UCN a obtenu un financement du Centre des compétences futures pour mettre le programme InTeRN à l’essai. En raison des répercussions de la pandémie, le programme s’est concentré géographiquement dans la région de la Nation crie d’Opaskwayak/The Pas, au Manitoba. En 2021, l’UCN a travaillé avec les parties prenantes et les départements à l’élaboration de cours et de programmes. Le programme InTeRN a été lancé, avec huit personnes dans la première cohorte, lors de la réouverture du campus à l’automne 2021.

Grâce à un financement supplémentaire obtenu du Centre des Compétences futures en 2022, l’UCN a été en mesure de poursuivre le travail du programme InTeRN pour faire graduer la première cohorte et en créer une deuxième. De plus, le programme InTeRN s’est encore élargi pour inclure des éléments supplémentaires :

Un certificat de « technicien en soutien aux technologies de l’information » (ITST), ouvert à l’ensemble des étudiantes et étudiants et enseigné par des instructrices et instructeurs existants des services informatiques de l’UCN. De plus, l’UCN a été en mesure de s’étendre géographiquement pour déplacer une partie de la programmation dans la région de Thompson, au Manitoba.

Un programme de formation des formatrices et formateurs, dans le cadre duquel les diplômées et diplômés de la première cohorte encadrent des instructrices et instructeurs de TI autochtones.

Un programme de formation des animatrices et animateurs en apprentissage de la technologie (formation LTF) pour aider les instructrices et instructeurs et le corps professoral à donner des cours à l’aide de technologies à distance.

Ce que nous apprenons

Dans l’ensemble des programmes (InTeRN, former les formatrices et formateurs, ITST et formation LTF), 25 étudiantes et étudiants étaient inscrits à des programmes à temps plein et 21 ont terminé les différents programmes. La première cohorte du programme InTeRN a accepté huit personnes, et sept ont terminé le programme. La deuxième cohorte en comptait huit et trois ont terminé le programme. Bien que le nombre d’inscriptions ait été faible par rapport à d’autres programmes de certificat offerts à l’UCN, les taux d’achèvement d’InTeRN ont dépassé ceux de nombreuses autres facultés, notamment les affaires, la santé et les métiers spécialisés et la technologie.

Le mentorat pour les étudiantes et étudiants et les instructrices et instructeurs
Le programme InTeRN a adopté une approche de double mentorat, s’adressant à la fois aux prestataires de l’enseignement et aux étudiantes et étudiants afin de favoriser des environnements d’apprentissage efficaces. Les mentores et mentors qui ont travaillé avec les élèves ont considéré le fait d’investir du temps avec les élèves individuels comme une occasion de transmettre leur sagesse et de faciliter la croissance. Le programme InTeRN a pu travailler avec des organisations clés, notamment l’University of Waterloo, Natives Rising et Girls Who Game. Les aspects du programme liés au mentorat ont fait émerger des modèles de mentorat efficaces, y compris le mentorat individuel avec des professeures et professeurs émérites et des mentores et mentors proches des pairs (c.-à-d. dont l’âge est proche de celui de leurs mentorées et mentorés). Le succès des deux modèles dépendait de l’affinité entre la personne mentorée et la personne dispensant le mentorat.

L’apprentissage intégré au travail
Le programme InTeRN comprenait un apprentissage intégré au travail afin de renforcer l’apprentissage pratique et d’offrir une approche plus holistique aux étudiantes et étudiants. Le programme a collaboré avec son partenaire Computers for Schools Manitoba pour organiser une installation de matériel dans la salle de classe qui a permis aux élèves de s’immerger dans un lieu de travail de TI. Le fait de pouvoir exploiter un laboratoire a donné aux étudiantes et étudiants l’occasion d’acquérir des compétences expérientielles et pratiques liées aux ordinateurs, ainsi que des compétences relatives à l’employabilité. La majorité des élèves ont fait l’éloge de la façon dont le laboratoire les a aidés à apprendre et leur a permis d’intégrer la formation théorique au travail pratique.

Le renforcement délibéré de la communauté
Plusieurs instructrices et instructeurs et étudiantes et étudiants ont souligné qu’InTeRN fonctionnait très différemment des autres programmes techniques collégiaux, faisant référence à la création d’espaces communautaires dans la salle de classe et à l’atelier, ainsi qu’à la structure de cohorte du programme. Les élèves ont ressenti un fort sentiment de soutien de la part de leur cohorte et ont été en mesure de vivre les défis et les victoires ensemble. Un commentaire d’un administrateur de programme illustre l’incidence : « On dirait qu’ils créent une communauté ; on dirait qu’ils créent une famille. Et cela nous imite en tant que peuple : la façon dont nous avons survécu pendant des millénaires, c’est que nous n’étions pas individualisés. Nous savions que la survie et le succès venaient du groupe, grâce au soutien mutuel. »

Intégrer « l’indigégogie »
Le programme a intentionnellement intégré les connaissances et les approches autochtones lors de la conception du programme de TI. L’indigégogie est un terme utilisé pour décrire une méthode d’enseignement fondée sur des concepts culturellement sensibles. Cette approche est allée au-delà du simple ajout du savoir autochtone au programme d’études, en incluant un module supplémentaire, pour bien l’ancrer dans la conception du programme. Le programme InTeRN a utilisé une approche connue sous le nom de « foin d’odeur » pour élaborer le programme d’études et les expériences d’apprentissage. Cette approche se concentre sur l’analogie du tressage pour capturer le sentiment que chaque étudiante ou étudiant est une personne à part entière. Cette approche a été utilisée pour « tresser » des aspects clés de la culture autochtone dans le programme d’études et la structure du programme, comme la narration ou les contes, les visites d’Aînées et Aînés et la pratique des cercles de rencontre. Les Aînées et Aînés ont aidé à résoudre les conflits auxquels les élèves étaient confrontés à l’intérieur et à l’extérieur du programme, comme les facteurs de stress à la maison. Les élèves ont piloté bon nombre de ces éléments plutôt que d’agir en tant que participantes et participants, ce qui leur a donné un sentiment d’appartenance et de pouvoir en classe.

Ce qui fonctionne pour la gent étudiante ne fonctionne pas toujours pour l’institution
Bien que le modèle novateur du programme InTeRN ait connu de nombreux succès, l’administration et la gent étudiante ont eu de la difficulté à s’y retrouver au sein d’un établissement d’enseignement postsecondaire. Ce fut un défi d’harmoniser le programme avec des systèmes financiers et des échéanciers rigides. Par exemple, plusieurs étudiantes et étudiants bénéficiant d’aide financière ont vu leur financement compromis lorsqu’ils ont accepté d’autres possibilités d’apprentissage intégré au travail rémunérées. Le salaire supplémentaire qu’ils pouvaient recevoir a causé un préjudice involontaire, réduisant leur aide financière et les exposant au risque de perdre un logement subventionné ou des services de garde d’enfants, dont ils avaient désespérément besoin. L’équipe du programme a travaillé avec l’UCN pour trouver des solutions viables pour verser un montant hebdomadaire aux étudiants sans affecter leur aide financière. Cela a mis en évidence les obstacles systémiques auxquels on fait face dans le Nord et probablement ailleurs au pays.

Le programme InTeRN a adopté une approche unique pour mettre en place le programme d’études et les modèles d’apprentissage, en utilisant une éducation basée sur les compétences qui diffère grandement de l’apprentissage traditionnel basé sur le temps. L’éducation basée sur les compétences met l’accent sur les compétences et les connaissances mesurables tout en permettant aux élèves d’aller à leur propre rythme. Cette méthode était en conflit avec le système académique traditionnel, qui privilégie une date de fin claire pour les cours et les programmes. Par conséquent, il a été difficile de faire connaitre le programme aux étudiantes et étudiants, car plusieurs conseillères et conseillers pédagogiques ne connaissaient pas le modèle d’apprentissage et peinaient à expliquer la trajectoire du cours aux étudiantes et étudiants.

La réussite des étudiantes et étudiants
Les étudiantes et étudiants qui ont terminé le programme ont souligné l’incidence que ce modèle unique a eue non seulement sur leurs compétences en informatique, mais aussi sur leur croissance globale. Le programme a réussi à créer un environnement d’équipe qui a aidé à retenir et à soutenir les étudiantes et étudiants. Cela était dû au modèle de cohorte, au renforcement de la communauté des femmes autochtones et au soutien du corps professoral. Un instructeur a décrit comment le programme a propulsé une étudiante de la première cohorte vers un emploi dans le domaine de l’informatique : « Je n’aurais jamais imaginé cela, nous avons maintenant, à temps plein, notre première femme autochtone employée sous notre propre toit pour aider à l’informatique à la bibliothèque, en utilisant ses nouvelles compétences, maintenant à l’UCN — et c’était son emploi de rêve » (Instructeur 1, entrevue). Cet instructeur faisait référence à une des premières étudiantes de la première cohorte à être employée à temps plein. De plus, en septembre 2023, un diplômé de l’InTeRN est devenu instructeur en programmation informatique à l’UCN. Il s’agissait d’une première pour l’institution et d’un indicateur de la façon dont le modèle InTeRN a entrainé des changements.

Pourquoi c’est important

Pour soutenir la réconciliation avec les peuples autochtones et répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, le Canada doit continuer à intégrer les connaissances et les approches autochtones dans les programmes éducatifs partout au pays. L’intégration des valeurs autochtones dans les programmes éducatifs « affirme les façons d’être, de savoir et de faire des Autochtones, et place le contrôle et l’appropriation des pratiques d’aide fermement entre les mains des peuples autochtones ».

Les leçons tirées de ce projet ont des répercussions sur les politiques et les pratiques publiques, car elles fournissent des informations clés sur la façon d’élaborer un programme axé sur le savoir autochtone et qui soutient les étudiantes et étudiantes autochtones de manière holistique. Le projet a mis en évidence les principales leçons tirées de la conception d’une structure de programme qui soutient à la fois le développement des compétences en TI et le bien-être général des élèves grâce à l’intégration des aspects culturels. Le programme a montré que la création d’une communauté au sein des programmes universitaires est un élément clé pour aider les étudiantes et étudiants à se sentir soutenus et à réussir.

De plus, le projet révèle les obstacles institutionnels présents dans les établissements d’enseignement postsecondaire. Cela rend difficile l’élaboration de nouveaux programmes académiques qui s’opposent à ces structures rigides. Le projet a mis en évidence que les systèmes financiers et académiques internes créaient des défis pour la publicité et l’administration du programme. Cependant, le soutien de leaders clés de la haute direction a aidé le programme à surmonter tous les défis administratifs, et a permis au modèle original du programme de demeurer intact. Les leaders de l’éducation postsecondaire devraient reconnaître la valeur des programmes d’études novateurs, car ils répondent aux besoins de clientèles étudiantes diversifiées. Il faudra encore d’autres travaux pour que la conception de programme se poursuive et ne soit pas découragée par les institutions.

État des compétences :
Outils numériques dans l’écosystème des compétences

Le rôle que les outils numériques et les services de carrière virtuels peuvent jouer pour améliorer l’accès à la formation et au développement de carrière est très prometteur, en particulier pour les personnes confrontées à des obstacles géographiques ou à des contraintes telles que la garde d’enfants ou d’autres responsabilités professionnelles. 

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Prochaines étapes

À la suite du succès du programme InTeRN, le gouvernement du Manitoba a entièrement financé le programme, ce qui lui a permis de continuer à l’UCN en tant que programme exclusivement destiné aux femmes autochtones.

Vers la fin de la période d’essai du Centre des Compétences futures, le programme s’est étendu à la région de Thompson. Cela a permis à l’Université d’élargir la portée du programme pour qu’il soit axé sur les jeunes de manière plus générale (comparativement aux étudiantes et étudiants de niveau postsecondaire strictement) et qu’il soutienne les carrières dans des postes liés aux TI dans de nouveaux secteurs, comme la fabrication de pointe, les productions numériques et les économies numériques.