Be EPIC : formation sur la démence à l’intention des travailleurs en milieu de carrière

L’enjeu

La formation des préposés aux services de soutien à la personne porte traditionnellement sur les soins de base et les activités de la vie quotidienne, comme la toilette, mais ne s’intéresse pas suffisamment aux troubles de la communication et aux comportements réactifs qui sont souvent manifestés par les personnes atteintes de démence. Du fait de ces insuffisances, les soins sont souvent plus axés sur les tâches que sur la personne, si bien qu’il peut arriver que des personnes atteintes de démence puissent ressentir de la détresse ou refuser des soins et, dans les cas graves, qu’elles fassent l’objet de mauvais traitements et que des pratiques standard ne soient pas respectées, comme cela a été observé pendant la pandémie de COVID-19.

La pandémie a mis en lumière, d’une part, le rôle essentiel que jouaient les préposés aux services de soutien à la personne dans les équipes de soins et, d’autre part, les lourdes conséquences d’une formation insuffisante sur la qualité des soins aux personnes atteintes de démence et sur le bien-être des prestataires de soins. Les préposés aux services de soutien à la personne se sont vu confier des responsabilités qui relevaient auparavant des professionnels de la santé réglementés, mais leur formation n’a pas été actualisée, ce qui s’est traduit par une pression accrue et, en définitive, par des cas d’épuisement professionnel et des taux de rotation élevés. Cette situation a été aggravée par les problèmes de recrutement et de maintien en poste, qui tiennent à la nature exigeante des soins aux personnes atteintes de démence, aux politiques de sortie anticipée des hôpitaux ainsi qu’à la rémunération insuffisante et au manque de reconnaissance professionnelle des préposés aux services de soutien à la personne.

Les initiatives menées avant le projet pour combler ces lacunes en matière de formation étaient rares et n’étaient pas suffisamment complètes pour répondre aux besoins complexes des personnes atteintes de démence ou pour doter les préposés aux services de soutien à la personne des compétences et de la confiance nécessaires. Les programmes de formation proposés ne préparaient pas bien les préposés à gérer les problèmes de communication complexes et les difficultés comportementales des personnes atteintes de démence. L’absence de formation exhaustive et axée sur la personne se traduisait par des soins de qualité insuffisante et par la détresse accrue des personnes atteintes de démence et de leurs aidants, d’où le besoin urgent de mettre en place des formations innovantes et efficaces.

Ce que nous examinons

Le projet Be EPIC-VR consistait à recourir à la réalité virtuelle pour aider les préposés aux services de soutien à la personne à perfectionner leur aptitude à communiquer avec des personnes atteintes de démence. Les groupes cibles du projet étaient les préposés aux services de soutien à la personne travaillant dans des foyers de soins de longue durée ou à domicile ainsi que leurs responsables. Le projet visait à doter ces travailleurs de la santé de première ligne des aptitudes en communication axée sur la personne indispensables pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes de démence. L’utilisation de la technologie de réalité virtuelle a été choisie pour surmonter les limites géographiques et offrir une expérience de formation évolutive et immersive. Le sigle EPIC signifie Environnement, Personne (communication axée sur la), Importance de soi-même et Capacités et préférences du client.

Le programme Be EPIC-VR s’inspirait d’un premier programme de formation en présentiel (programme Be EPIC). Le projet consistait à concevoir, à exécuter et à mettre à l’essai le programme en plusieurs phases. La formation a été dispensée à l’aide d’une solution de réalité virtuelle de pointe, qui comprenait des modules interactifs et permettait d’interagir en temps réel avec des avatars représentant des personnes atteintes de démence. Dans un premier temps, des tests bêta ont été menés auprès de sept préposés aux services de soutien à la personne qui avaient participé au projet initial en présentiel. Des tests pilotes ont ensuite été réalisés auprès de huit responsables de préposés, et une étude de faisabilité a été menée avec la participation de huit préposés. La phase finale a consisté à proposer la formation à 44 préposés aux services de soutien à la personne et professionnels occupant des fonctions similaires, en recourant à deux groupes parallèles (un groupe de formation immédiate et un groupe témoin sur liste d’attente).

Les questions de recherche qui ont guidé le projet visaient à évaluer l’efficacité du programme de formation Be EPIC-VR, à déterminer les facteurs influant sur la mise en œuvre du programme dans les foyers de soins de longue durée ou à domicile, et à évaluer les répercussions de la réalité virtuelle sur les résultats de la formation. Le projet a réuni de multiples intervenants, notamment des préposés aux services de soutien à la personne, leurs responsables, des organismes de santé et des partenaires technologiques.

Ce que nous apprenons

En tout, 52 personnes, soit huit responsables et 44 préposés aux services de soutien à la personne, ont bénéficié de la formation Be EPIC-VR. Cette formation faisait appel à la réalité virtuelle et comportait des simulations et des interactions réalistes avec des avatars représentant des personnes atteintes de démence. L’un des principaux résultats a été le niveau élevé de satisfaction des participants. Près de 98 % des préposés aux services de soutien à la personne ont jugé la formation utile et 79 % l’ont recommandée à d’autres personnes avant la fin du projet. Ce degré d’approbation témoigne de l’utilité perçue de la formation et des possibilités d’application immédiate dans des contextes réels.

La crise des ressources humaines a entraîné des difficultés de recrutement
Le projet s’est heurté à de nombreux problèmes, notamment en ce qui concerne le recrutement de préposés aux services de soutien à la personne. La crise des ressources humaines en santé, accentuée par la pandémie de COVID-19, a entraîné des retards et une participation plus faible que prévu. Malgré ces obstacles, le projet a atteint 92 % de l’objectif fixé en matière de recrutement, preuve de sa résilience et de sa capacité d’adaptation.

Les responsables ont joué un rôle crucial dans la mise en œuvre du programme Be EPIC-VR
Leur mobilisation a permis d’aligner la formation sur les objectifs organisationnels et de faciliter l’adoption de nouvelles pratiques. Les responsables ont dit que la formation était adaptée à leurs besoins en matière de gestion des comportements réactifs et des troubles de communication des personnes atteintes de démence. Ils étaient satisfaits de la solution de réalité virtuelle, qui offrait un espace sûr leur permettant de s’entraîner et de perfectionner leurs compétences sans les pressions immédiates du milieu de travail.

Il est utile de renforcer l’équité, la diversité, l’inclusion et la réconciliation
Le contenu de la formation a été notamment salué pour sa sensibilité culturelle et linguistique, élément indispensable pour répondre aux besoins divers du personnel et des personnes atteintes de démence prises en charge. Cet aspect de la formation a été particulièrement utile aux membres du personnel dont la langue maternelle n’était pas l’anglais, car ils ont ainsi pu affûter leurs aptitudes en communication et acquérir une plus grande confiance en soi lors de la prestation de soins.

Les limites de l’intelligence artificielle déçoivent certains participants
Malgré les succès obtenus, des possibilités d’amélioration ont été relevées. Les limites de l’intelligence artificielle conversationnelle dans les simulations de réalité virtuelle ont parfois suscité un certain mécontentement chez les participants qui avaient des attentes élevées quant aux capacités de la technologie. Le renforcement à venir des capacités de l’intelligence artificielle en matière de gestion des interactions en langage naturel pourrait améliorer le réalisme et l’efficacité de la formation.

Ce modèle pourrait être reproduit et transposé à plus grande échelle
Fort de son succès, le modèle de formation en réalité virtuelle pourrait être en effet développé et intégré dans les exigences nationales de formation, ce qui influerait sur les futures politiques et pratiques en matière de soins de santé. Cette approche innovante pourrait aboutir à une amélioration globale de la qualité des soins fournis aux personnes atteintes de démence, d’où l’importance d’adopter des stratégies de communication adaptées et de sensibiliser aux enjeux culturels dans les formations en santé.

Pourquoi c’est important

Le projet Be EPIC-VR a des incidences sur la formation et les politiques en santé, notamment dans le domaine des soins aux personnes atteintes de démence. Le succès du modèle de formation en réalité virtuelle prouve que diverses modalités de formation pourraient être rapidement intégrées dans les exigences nationales de formation. En prenant conscience que la réalité virtuelle peut servir à offrir des formations réalistes, immersives et efficaces, les décideurs pourraient envisager d’investir davantage dans des solutions d’apprentissage axées sur la technologie qui favorisent l’adoption de stratégies de communication adaptées et le renforcement de la compétence culturelle dans les formations en santé.

En outre, l’accent mis dans le cadre du projet sur la communication axée sur la personne et le recours à cet égard à la réalité virtuelle pourraient encourager les établissements de santé à adopter des méthodes similaires. Cela pourrait aboutir à une amélioration globale de la qualité des soins fournis aux personnes atteintes de démence, ce qui renforce la nécessité d’adopter des stratégies de communication adaptées aux antécédents, aux préférences et aux capacités de la personne. L’intégration de divers avatars dans la formation témoigne également de l’importance de la compétence culturelle dans les soins de santé. Cet aspect de la formation pourrait inciter les établissements de santé à donner la priorité à la diversité et à l’inclusion dans leurs programmes de formation afin que le personnel dispose des outils nécessaires pour prendre en charge une population diversifiée. Il pourrait s’ensuivre des améliorations stratégiques prévoyant l’intégration d’une formation sur la compétence culturelle dans les programmes standard d’éducation en santé.

État des compétences :
Exploiter les compétences des nouveaux arrivants

La qualité et l’intensité de l’engagement des employeurs sont essentielles à la réussite globale des interventions visant à soutenir les nouveaux arrivants.

Lire le rapport

Le large rayonnement de ce projet à distance montre qu’il est possible d’améliorer l’accès à des formations de qualité dans les zones rurales ou mal desservies. Ce constat pourrait éclairer la mise en place de politiques visant à réduire les disparités dans l’accès à l’éducation et à la formation en santé pour que tous les professionnels de santé, quel que soit leur lieu de résidence, aient accès à des ressources de formation d’excellente qualité.

L’incidence du projet Be EPIC-VR sur les pratiques organisationnelles des organismes de santé qui l’ont adopté montre que des programmes de formation similaires en réalité virtuelle pourraient être efficacement intégrés aux programmes ordinaires de formation du personnel. Ce constat pourrait modifier la façon d’aborder la formation continue et le perfectionnement professionnel dans les établissements de santé et, éventuellement, influer sur les structures de financement et les politiques organisationnelles à l’appui de la formation et de l’amélioration continues.

Prochaines étapes

Les programmes Be EPIC et Be EPIC-VR continuent d’être utilisés pour former les préposés aux services de soutien à la personne et ont été adoptés par certains foyers de soins de longue durée et organismes communautaires d’aide aux personnes atteintes de démence et à leurs familles. Les responsables du projet ont reçu des demandes pour que le programme soit également proposé aux personnes chargées, entre autres, de l’entretien ménager, des soins infirmiers, de l’animation et des loisirs et de la sensibilisation communautaire. En janvier 2024, Santé Ontario Ouest a adopté le programme Be EPIC-VR. Les responsables du projet poursuivent leurs efforts pour que le programme soit certifié par Soutien en cas de troubles du comportement en Ontario.