Rapport 2025 sur la situation économique des personnes noires

L’enjeu

Très diverse, la population noire du Canada a connu une croissance significative au cours des deux dernières décennies et représente à présent 4,3 p. 100 de la population totale.

En dépit de cette croissance et de cette diversité, le passé esclavagiste et négrophobe du Canada a toujours une incidence sur cette population de nos jours, comme en témoignent ses taux de pauvreté plus élevés et son patrimoine générationnel moindre. L’éducation est le moteur de la mobilité sociale et, bien que leurs résultats en la matière s’améliorent, les personnes noires résidant au Canada continuent de faire face à des obstacles systémiques à l’éducation, à l’emploi, à l’avancement et à l’entrepreneuriat.

Pour remédier à ces problèmes, des efforts coordonnés et des données détaillées et désagrégées sur l’évolution des Canadiennes et des Canadiens noirs dans les différents domaines du progrès économique sont nécessaires. Il est également important d’adopter une optique intersectionnelle, car leur expérience du racisme est différente selon leur genre, leur âge et leur orientation sexuelle, entre autres facteurs. Enfin, il est indispensable, pour instaurer un changement valable et durable, de tenir compte de la méfiance à l’égard des institutions engendrée par le traumatisme intergénérationnel lors de l’évaluation des stratégies, des politiques et des programmes mis en œuvre, et de la collecte des données connexes.

Le projet a pour objectif de déterminer quels progrès ont été réalisés, quels écarts subsistent et quel est le rôle du renforcement des compétences et des capacités, non seulement pour la communauté noire, mais aussi pour les employeurs et la population générale.

Ce que nous examinons

Ce rapport fait la synthèse des données et des études les plus récentes sur la population noire au Canada dans les principaux domaines liés au progrès économique, à savoir l’éducation, l’emploi, l’avancement et l’entrepreneuriat. Il met l’accent sur les stratégies orientées vers l’action permettant de promouvoir l’inclusion au sein de l’écosystème des compétences et de l’emploi. Ce faisant, il fait état de l’importance des données désagrégées pour cerner les obstacles rencontrés par les communautés noires et développer les interventions en fixant des objectifs et en en assurant le suivi. Ces renseignements sont primordiaux pour les responsables des politiques qui tentent de réorganiser le paysage économique des personnes noires au Canada.

Ce que nous apprenons

Éducation

L’éducation est essentielle au progrès économique des personnes noires au Canada. La discrimination est enracinée dans le système éducatif canadien et touche les élèves, les enseignants et les professeurs. Les enseignants noirs sont en sous-nombre dans tout le Canada, ce qui se traduit par un manque de mentors pour les élèves noirs. De plus, ces derniers (les garçons en particulier) sont confrontés à une discipline plus dure et aux faibles attentes de leurs enseignants, une situation qui les conduit souvent à se sentir isolés. Dans l’enseignement postsecondaire, les professeurs noirs ne représentaient que 1,9 p. 100 du corps professoral universitaire en 2021, en dépit du fait que les étudiants noirs constituaient 6 p. 100 des inscrits. Ces disparités limitent les possibilités de mentorat pour les étudiants noirs. L’immigration a augmenté la proportion de personnes noires ayant une formation universitaire au Canada jusqu’à ce qu’elles se trouvent dans la moyenne nationale, les étudiants noirs d’origine africaine affichant le taux de réussite universitaire le plus élevé (46 p. 100). Les étudiants noirs restent toutefois sous-représentés dans certains domaines, tels que la médecine et l’ingénierie. Au cours des deux dernières décennies, le niveau d’études des Canadiennes et des Canadiens noirs s’est amélioré et a ouvert la voie à des options de carrière plus nombreuses et plus intéressantes. Il existe une variété d’initiatives visant à régler ces problèmes, mais les données probantes dont nous disposons au sujet de ce qui fonctionne et pour qui sont limitées. C’est pourquoi les progrès des différentes initiatives devraient faire l’objet d’un suivi au moyen d’évaluations et de commentaires. Voici quelques exemples d’initiatives ciblées : le Centre of Excellence for Black Student Achievement (centre d’excellence pour la réussite des élèves noirs) du Toronto District School Board, l’Anti-Black Racism and Critical Race Education Program (programme de sensibilisation au racisme anti-Noirs et à la théorie critique de la race) de l’Université McMaster et les programmes mis en place par NPower Canada dans tout le pays pour développer les compétences des jeunes en technologie de l’information.

Emploi

Comparativement aux groupes non racisés, les Canadiennes et Canadiens noirs affichent un taux de chômage plus élevé et un revenu médian plus faible. Leur taux de chômage est presque deux fois supérieur à celui de l’ensemble de la population. Cependant, leur taux de participation est beaucoup plus élevé (74,2 p. 100 contre 64,8 p. 100), ce qui signifie qu’ils participent activement à la main-d’œuvre. Il y a en outre un écart de rémunération, les travailleurs noirs ne gagnant que 75,6 cents pour chaque dollar perçu par les travailleurs non racisés. Les expériences de discrimination en milieu de travail sont courantes, en particulier chez les hommes noirs. La ségrégation professionnelle est également présente, la concentration de femmes noires étant importante dans les secteurs des soins de santé et de l’aide sociale, bien qu’elles y aient peu accès aux postes de niveau supérieur. Les employeurs canadiens s’efforcent de plus en plus de combattre le racisme anti-Noirs en milieu de travail en fixant des objectifs de recrutement, de maintien en poste et de promotion des employés noirs. La formation contre le racisme, les programmes de mentorat et les groupes de ressources pour les employés peuvent contribuer à créer des environnements inclusifs et accueillants. Néanmoins, d’autres stratégies sont requises pour éliminer les obstacles tels que la discrimination à l’embauche, les écarts salariaux, la limitation des promotions et les stéréotypes. Il est urgent : 

• d’améliorer les pratiques d’embauche et la culture organisationnelle;
• d’offrir des possibilités supplémentaires d’accéder aux fonctions de direction;
• de doter les Canadiennes et les Canadiens noirs des compétences dont ils ont besoin pour réussir;
• de veiller à ce qu’il existe des possibilités pour les personnes noires au Canada;
• de renforcer l’accès des demandeurs d’emploi et des employés noirs à des programmes de développement des compétences et de formation accompagnés de soutiens complets appropriés; 
• de régler le problème des compétences, des connaissances et des comportements des employeurs;
• de créer des lieux de travail plus inclusifs. 

Voici quelques exemples remarquables d’initiatives ayant adopté ces priorités : le programme de l’Alliance des infirmières et infirmiers noirs du Canada visant à épauler le personnel infirmier formé à l’étranger, et le programme de formation avancée en compétences numériques et professionnelles (ADaPT), offrant des possibilités de réseautage dans le cadre d’un programme de formation en compétences numériques conçu pour les jeunes noirs.

Fonctions de direction

Les professionnels noirs restent sous-représentés aux fonctions de direction et au sein des conseils d’administration, malgré les progrès réalisés dans certains secteurs, alors qu’un certain nombre d’obstacles entravent leur avancement professionnel, notamment le manque de mentors et de modèles. Les personnes noires occupant des postes de direction peuvent faciliter l’accès d’autres employés noirs à de tels postes ou à des fonctions au sein de conseils d’administration. Les codes volontaires se sont avérés efficaces, à l’image de l’objectif de l’Initiative BlackNorth consistant à atteindre une proportion d’au moins 3,5 p. 100 de personnes noires aux fonctions de direction et dans les conseils d’administration. Par ailleurs, un développement des compétences ciblé et des soutiens complets sont requis pour soutenir les dirigeants noirs. Enfin, il est nécessaire d’éliminer les obstacles et de renforcer les compétences au sein des conseils d’administration afin de créer des voies et des processus d’accès plus inclusifs. Voici quelques exemples actuels : le Programme de développement en leadership pour les cadres supérieurs lancé par le gouvernement du Canada, ainsi que le programme BlackNorth Connect lancé par l’Initiative BlackNorth. Ces deux programmes ont pour but d’offrir des possibilités d’accompagnement, de mentorat et de parrainage aux dirigeants noirs.

Entrepreneuriat

De nombreux Canadiens et Canadiennes noirs se tournent vers l’entrepreneuriat en raison des obstacles à l’emploi traditionnel. Ils représentent 0,9 p. 100 des propriétaires de PME. Les femmes noires, en particulier, détiennent 38,8 p. 100 des PME appartenant majoritairement à des personnes noires, ce qui représente plus du double de la proportion des entreprises détenues majoritairement par des femmes au Canada (17,8 p. 100). Pourtant, les entrepreneurs noirs se heurtent également à des obstacles, notamment un accès limité au financement et des difficultés pour gagner en crédibilité et se constituer une clientèle. Ils se retrouvent ainsi souvent contraints de puiser dans leur épargne personnelle ou d’utiliser des cartes de crédit du fait des options de financement limitées qui s’offrent à eux. La pandémie de COVID-19 a exacerbé ces difficultés. Il y a davantage d’entrepreneures noires au Canada que d’entrepreneures au sein de la population générale. Malgré tout, les entrepreneures noires sont confrontées à des obstacles cumulés parce qu’elles sont à la fois des entrepreneures et des femmes noires. Considérés dans leur ensemble, ces défis soulignent la nécessité d’offrir un soutien ciblé aux entreprises appartenant à des Noirs.

Pourquoi c’est important

Ce rapport explore l’enchevêtrement d’obstacles historiques, sociaux et structurels qui affectent les réalités économiques des Noirs au Canada. Sa lecture sensibilise au racisme anti-Noirs et aux inégalités systémiques qui perdurent dans ce pays et qui ont été largement niées par les Canadiens et les Canadiennes tout au long de l’histoire. Même si le racisme anti-Noirs a récemment été officiellement reconnu comme une forme de discrimination, il reste du pain sur la planche pour faire en sorte de soutenir les communautés noires au moyen de politiques et de lois. Une approche holistique et systémique est essentielle pour éliminer les obstacles économiques auxquels sont confrontés les Canadiennes et les Canadiens noirs. Une telle approche devrait englober le capital humain (c.-à-d. l’éducation et les compétences), le capital social (p. ex. les possibilités de réseautage) et le capital financier (p. ex. l’accès au financement). Les stratégies ciblant les entrepreneurs doivent absolument adapter les compétences en fonction des stades de développement, des secteurs et des besoins des entrepreneurs divers. Il convient, en parallèle, de mettre davantage l’accent sur la prise en compte de la différence entre les genres et de la diversité dans l’élaboration des politiques, des programmes et des services afin de s’assurer qu’ils soutiennent l’ensemble des entrepreneurs. Le renforcement des compétences de lutte contre le racisme anti-Noirs à l’échelle de l’écosystème, en particulier chez les décisionnaires et les gardiens, est crucial. Parmi les initiatives pertinentes, citons le Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires du gouvernement du Canada et les incubateurs créés par les organismes dirigés par des Noirs.

État des compétences :
Travailler avec les communautés noires

Les Noirs du Canada sont victimes d’un racisme systémique anti-Noirs généralisé dans nos systèmes éducatifs et sur notre marché du travail. Il faut faire davantage pour nommer et combattre le racisme anti-Noir dans l’écosystème des compétences, notamment en s’efforçant de modifier le comportement des employeurs afin de rendre les lieux de travail plus inclusifs.

Lire le rapport

Des investissements sont nécessaires tout au long du parcours, de l’éducation préscolaire à l’enseignement postsecondaire et jusqu’à l’emploi. Ils devraient inclure un soutien pour les entrepreneurs noirs et des programmes de développement du leadership. De tels investissements sont indispensables pour permettre aux Canadiennes et aux Canadiens noirs de donner toute la mesure de leur potentiel.

Prochaines étapes

Ce rapport livre des éléments essentiels prouvant que des progrès sont réalisés pour stimuler le développement économique des Canadiennes et des Canadiens noirs. Ces progrès doivent impérativement se poursuivre, en particulier dans le contexte de la réaction en défaveur de l’équité, de la diversité et de l’inclusion, qui menace de saper des politiques et programmes clés. Nous devons en faire davantage aux niveaux sociétal, organisationnel et individuel afin de continuer d’œuvrer à la prospérité des Noirs.