RAPPORT DE PERSPECTIVES DE PROJET

Cerveau droit, cerveau gauche, cerveau IA : l’impact de l’IA sur les emplois et les compétences demandées au niveau de la main-d’œuvre canadienne 

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Publié

Janvier 2025

Collaborateur

Auteurs du rapport : Vivian Li et Graham Dobbs

Réviseurs/approbateurs : Karim Bardeesy, Andre Cote et Viet Vu

Sommaire

Ce rapport explore l’impact changeant de l’intelligence artificielle (IA) sur la main-d’œuvre canadienne, mettant l’accent sur l’exposition des emplois à cette technologie et la manière dont elle complète ou automatise des tâches aux postes concernés. L’étude abordée présente un nouveau cadre de catégorisation des professions canadiennes en quatre quadrants en fonction de leur exposition à l’IA et de leur complémentarité avec elle. Appuyé par les données de 13 millions d’offres d’emploi en ligne et d’autres ensembles de données sur la main-d’œuvre, le rapport examine les tendances concernant l’embauche, les salaires et les compétences demandées dans ces quadrants.

Voici les résultats clés :

  • Exposition à l’IA et composition de la main-d’œuvre : environ 56 p. 100 des travailleurs canadiens ont des professions à exposition élevée, réparties à parts égales entre celles dans lesquelles l’IA joue un rôle complémentaire et celles plus vulnérables à l’automatisation.
  • Dynamique des compétences : les emplois à exposition élevée et à complémentarité élevée, par exemple dans l’ingénierie et la santé, exigent des aptitudes cognitives, une grande capacité décisionnelle et des compétences en leadership. À l’inverse, les emplois à exposition élevée et à complémentarité faible, par exemple dans l’administration, nécessitent souvent des compétences numériques routinières plus automatisables.
  • Tendances relatives à l’emploi : le nombre d’offres concernant des emplois hautement automatisables a diminué après 2022, montrant un premier signe de l’impact de l’IA sur les pratiques d’embauche.
  • Effets politiques et pratiques : les décideurs politiques et les parties prenantes de la main-d’œuvre doivent accorder la priorité à la résilience vis-à-vis de l’IA dans l’enseignement, le développement de la main-d’œuvre et les politiques du travail pour limiter les risques de polarisation des emplois et exploiter pleinement les avantages de l’IA.

Cette étude permet de tirer des enseignements pertinents pour explorer les transitions du marché du travail induites par l’IA et souligne l’importance de stratégies de surveillance et d’adaptation continues.

Perspectives clés

Les technologies d’IA, notamment les transformeurs génératifs préentraînés (GPT), ont commencé à refaçonner le marché du travail canadien, créant une situation à la fois riche en possibilités et pleine de risques pour les travailleurs.

Les professions à exposition élevée et à complémentarité élevée, qui exigent souvent des études supérieures et une grande capacité décisionnelle, sont susceptibles de profiter le plus de l’IA.

Les postes à exposition élevée et à complémentarité faible sont confrontés à un plus grand risque d’automatisation, nécessitant des initiatives proactives de recyclage et d’amélioration des compétences.

La polarisation des emplois pourrait s’intensifier, avec l’érosion des emplois à revenu intermédiaire moyennement qualifiés, soulignant la nécessité de politiques ciblées en matière de main-d’œuvre.

L’enjeu

Pourquoi l’IA remplace-t-elle les travailleurs? Cette question suscite souvent une grande anxiété, mais il est trop tôt pour prédire la portée et l’intensité de l’impact de l’IA sur la main-d’œuvre du Canada. Cependant, il est clair que l’IA est de plus en plus utilisée sur le lieu de travail. Entre 2021 et 2023, l’adoption par les entreprises canadiennes a augmenté, de 3,7 p. 100 à 6,8 p. 100, en particulier parmi les plus grandes d’entre elles. Les décideurs politiques doivent donc veiller attentivement à ce que les travailleurs disposent des bonnes compétences de base pour résister aux perturbations technologiques. 

La dernière vague de technologies d’IA, une catégorie de modèles appelés « transformeurs génératifs préentraînés » (GPT), a changé le discours sur l’IA. Le 30 novembre 2022, OpenAI a lancé ChatGPT3, le premier produit pour les consommateurs à opérationnaliser les grands modèles de langage (GML). Cet outil a rapidement suscité un large intérêt, atteignant 100 millions d’utilisateurs en seulement deux mois. Grâce à lui, l’IA peut compléter (ou assister) un travailleur, plutôt que simplement remplacer une partie précise de son travail.

L’adoption de l’IA au Canada s’accélère, alors que son taux a presque doublé au sein des entreprises entre 2021 et 2023. Cependant, ses effets sur la main-d’œuvre restent complexes. Les outils d’IA générative, comme ChatGPT, ont détourné l’attention de l’automatisation pour la concentrer sur l’augmentation, contribuant au travail humain au lieu de le remplacer. Ce changement soulève des questions essentielles à propos des compétences requises pour s’épanouir sur un lieu de travail intégrant l’IA, et des politiques nécessaires pour protéger les travailleurs occupant des postes vulnérables à l’automatisation.

Le marché du travail canadien, qui comprend 18 millions de personnes, se trouve à un moment décisif. Les avancées technologies promettent des gains de productivité, mais elles présentent aussi des risques de remplacement et de polarisation des emplois, en particulier si ces derniers sont moyennement qualifiés et routiniers. Pour faire face à ces difficultés, il faut comprendre en détail l’impact nuancé de l’IA sur les emplois, les tâches et les compétences demandées.

illustration of two workers talking while one types on a laptop

Ce que nous examinons

Cette étude visait à appréhender l’interaction entre l’exposition à l’IA et la complémentarité de cette technologie avec les tâches de diverses professions. Voici ses questions de recherche clés :

  • Quelles professions sont les plus exposées à l’IA et comment cette dernière complète-t-elle ou automatise-t-elle certaines tâches aux postes concernés?
  • Comment les employeurs adaptent-ils leurs pratiques d’embauche en réaction à l’adoption de l’IA?
  • Quelles compétences sont de plus en plus demandées et comment varient-elles selon l’exposition à l’IA?

Utilisant des cadres élaborés par Statistique Canada et le FMI, l’étude a analysé l’impact de l’IA par le biais d’indices de d’exposition professionnelle et de complémentarité. 

Pour réaliser cette première étude en son genre au Canada, nous utilisons un cadre analytique qui nous permet de catégoriser les professions canadiennes selon deux mesures : l’une est axée sur le niveau auquel les professions sont exposées à l’IA (mesure d’« exposition ») ; l’autre concerne la capacité de l’IA à assister les travailleurs d’une profession (mesure de « complémentarité »).

Grâce à ce nouveau cadre analytique, nous pouvons répartir les professions en quatre catégories afin de déterminer le futur impact de l’IA sur une profession : 

  • Exposition élevée et complémentarité élevée (EE-CE) : exposition élevée à l’IA, qui assiste les travailleurs dans un grand nombre de tâches. 
  • Exposition élevée et complémentarité faible (EE-CF) : exposition élevée à l’IA, qui permet néanmoins d’automatiser un grand nombre de tâches et donc de s’affranchir d’une intervention humaine. 
  • Exposition faible et complémentarité élevée (EF-CE) : exposition faible à l’IA, qui assiste néanmoins les travailleurs dans un grand nombre de tâches.
  • Exposition faible et complémentarité faible (LE-LC) : exposition faible à l’IA, qui permet d’automatiser un grand nombre de tâches et donc de s’affranchir d’une intervention humaine. 

Nous utilisons ensuite les données abondantes de 13 millions d’offres de poste en ligne pour analyser les tendances du marché du travail avec des professions aux niveaux d’exposition et de complémentarité variés. 

Bien que certaines professions puissent changer de catégorie lors de l’émergence de nouvelles technologies d’IA, celles qui présentent une exposition élevée intéressent le plus les décideurs politiques, les employeurs et les travailleurs à court terme.

Les travailleurs des professions à exposition élevée et à complémentarité faible sont les plus menacés de perturbations avec des effets négatifs. En revanche, les travailleurs et les employeurs des professions à exposition élevée et à complémentarité élevée peuvent en tirer profit.

Ce que nous apprenons

Les professions sont quasiment réparties à parts égales entre les catégories « exposition élevée » et « exposition faible ». Il en va de même pour leur répartition entre les catégories « complémentarité élevée » et « complémentarité faible ».

Sur 506 professions de la main-d’œuvre canadienne, qui compte plus de 18 millions de travailleurs : 

  • Environ la moitié de toute les professions (56 p. 100 des travailleurs) présentent une exposition élevée à l’IA.
    • Quelque 48 p. 100 de ces travailleurs (ou 27 p. 100 de tous les travailleurs) ont une profession exposée, mais aussi complémentaire (EE-CE). Ces travailleurs sont exposés à l’IA, mais leurs emplois impliquent des tâches qu’ils peuvent effectuer avec son aide. En revanche, 52 p. 100 de ces travailleurs (ou 29 p. 100 de tous les travailleurs) ont une profession exposée à l’IA dont les tâches peuvent être automatisées plus facilement et donc s’affranchir d’une intervention humaine (EE-CF). 
    • Par conséquent, 43 p. 100 des travailleurs ont une profession peu exposée à l’IA.
  • Environ la moitié de toutes les professions – en l’occurrence 41 p. 100 des travailleurs – sont actuellement considérées comme ayant une complémentarité élevée avec l’IA, qui permet d’assister ces travailleurs dans leurs tâches (catégories CE [EE-CE et EF-CE]).

Les professions de la catégorie EE-CE présentent des tâches plus susceptibles d’être assistées par l’IA. 

  • Les emplois de cette catégorie sont souvent mieux payés et sont plus susceptibles de nécessiter des études postsecondaires. Exemples : certains ingénieurs (génie civil, mécanique, chimique…) ou travailleurs des domaines financiers et juridiques, les chirurgiens et les administrateurs en enseignement postsecondaire (voir tableau 4). 
  • Les compétences plus singulières de ces professions sont liées à des tâches cognitives et non routinières, qui nécessitent une grande capacité décisionnelle et une responsabilité accrue en matière de sécurité et de santé. Exemples : planification, leadership, accompagnement et esprit critique (voir tableau 5). 

Les professions de la catégorie EE-CF présentent des tâches plus susceptibles d’être automatisées.  

  • Les emplois de cette catégorie sont associés à des tâches plus routinières et à des salaires inférieurs par rapport aux emplois EE-CE. Exemples : les postes en affaires, en finance et dans l’administration, comme les adjoints administratifs, les auditeurs et les comptables (voir tableau 6). 
  • Les aptitudes singulières associées à ces professions sont souvent des capacités numériques hautement automatisables et une moins grande capacité décisionnelle. Exemples : comptabilité, analyse de données, archivage de renseignements et lecture d’épreuves (voir tableau 7).

Tendances relatives à l’embauche chez les employeurs : la demande en emplois à complémentarité faible baisse, tandis que les postes nécessitant des études postsecondaires et des compétences à complémentarité élevée restent stables.

Tendances relatives aux salaires : les emplois à complémentarité élevée sont associés à des salaires considérablement plus élevés que ceux des emplois à complémentarité faible.

Les données d’offres d’emploi en ligne représentent une source rapide et granulaire pour suivre la demande des employeurs en matière d’emplois et de compétences. Elles sont particulièrement utiles pour évaluer les fluctuations de la demande entre les professions à complémentarité élevée et les professions à complémentarité faible concernant l’IA sur le lieu de travail.

Il n’est pas simple de brosser un seul portrait ponctuel de l’impact de l’IA sur les pratiques d’embauche des employeurs en raison de la pandémie de COVID-19 et de la volatilité permanente du marché du travail. Cependant, un suivi continu de la main-d’œuvre offrira une précieuse base de référence au fil du temps, alors que les employeurs devraient de plus en plus adopter les technologies d’IA.

Pourquoi c’est important

Les perspectives de cette étude ont une forte incidence sur les politiques et les pratiques liées à la main-d’œuvre :

  • Enseignement et formation : les établissements d’enseignement postsecondaire doivent intégrer des compétences à l’épreuve de l’IA, telles que l’esprit critique et le leadership, à leurs curricula pour préparer les diplômés à des postes à complémentarité élevée.
  • Développement de la main-d’œuvre : les services d’emploi devraient aligner leurs programmes de formation avec les changements du marché du travail induits par l’IA, en accordant la priorité à l’amélioration des compétences des travailleurs occupant des postes à exposition élevée et à complémentarité faible.
  • Soutien au revenu et équité : les autorités doivent adapter leurs politiques de soutien au revenu pour faire face à la polarisation des emplois et à leur remplacement potentiel par l’IA.
  • Pratiques sectorielles : chaque branche devrait investir proactivement dans la formation de sa main-d’œuvre à l’IA, exploitant le potentiel de cette technologie pour augmenter le travail humain au lieu de le remplacer.

L’IA générative, désormais plus largement adoptée, pourrait assister des travailleurs divers et variés. Pourtant, cette adoption présente un risque de polarisation accrue des emplois (érosion des emplois à revenu intermédiaire moyennement qualifiés). 

a city at night with a big crowd of people walking around and their faces being scanned.

État des compétences :
L’IA au service de l’écosystème du développement des compétences

Pour profiter des avantages que l’IA a à offrir, son adoption et son déploiement devraient être un processus collaboratif et inclusif qui reconnaisse et réponde aux préoccupations réelles des individus concernant l’IA et la technologie de manière plus générale.

L’IA devrait profiter aux travailleurs hautement qualifiés et les mieux rémunérés des professions à exposition élevée et à complémentarité élevée (EE-CE) (associées à des tâches cognitives et non routinières). Elle augmente néanmoins l’automatisation potentielle des tâches des travailleurs ayant des professions à exposition élevée et à complémentarité faible (EE-CF) (associées à des tâches plus routinières, qui nécessitent moins d’études et promettent des salaires inférieurs).

Bien que l’analyse des offres d’emploi de ce rapport ne présente aucune preuve manifeste d’une polarisation des emplois induite par l’IA, il conviendrait de surveiller les tendances relatives à l’emploi et aux salaires dans les professions fortement exposées à l’IA. 

Cette analyse doit être considérée comme directionnelle plutôt que prédictive, fournissant un cadre d’évaluation de l’impact de l’IA sur les emplois et les compétences demandées sur l’ensemble du marché du travail canadien. 

Son application concrète doit soutenir le travail de réflexion et de planification des décideurs politiques, du monde de l’enseignement et des organisations de développement de la main-d’œuvre, des leaders de chaque secteur et des employeurs concernant la transition du marché du travail que va encourager l’adoption de l’IA dans les années à venir. 

Le rapport conclut en indiquant les conséquences politiques sur les travailleurs canadiens, les programmes postsecondaires et la planification du développement de la main-d’œuvre, ainsi que les politiques et les programmes de soutien au revenu du gouvernement, qui appellent notamment à :

  • soutenir l’accès aux études postsecondaires et leur réussite;
  • prendre en compte la résilience vis-à-vis de l’IA dans la planification des programmes et des curricula postsecondaires;
  • informer le développement de la main-d’œuvre et l’élaboration des programmes des services à l’emploi quant à l’exposition à l’IA et aux compétences demandées;
  • apporter un soutien aux travailleurs pour qu’ils résistent mieux aux tendances relatives à l’IA;
  • envisager l’impact du remplacement des emplois lié à l’IA dans les politiques et les programmes de soutien au revenu à l’intention des travailleurs;
  • continuer à suivre et à documenter l’impact de l’IA sur les travailleurs, les emplois et le marché du travail.

Prochaines étapes

Il est essentiel de poursuivre notre travail de recherche et de surveillance pour faire face à l’impact changeant de l’IA. Les prochaines étapes consisteront à :

  • associer cette analyse de l’exposition et de la complémentarité en matière d’IA aux filières d’enseignement pour un développement ciblé des compétences;
  • explorer les voies de réorientation professionnelle vers des professions à complémentarité élevée pour les travailleurs occupant des postes automatisables;
  • mener des études longitudinales concernant l’adoption de l’IA générative et son influence sur l’embauche et les compétences demandées.

Ces efforts soutiendront une approche inclusive et proactive quant à l’exploration des changements de la main-d’œuvre induits par l’IA.

Rapport de recherche complet

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Cerveau droit, cerveau gauche, cerveau IA : L’impact de l’IA sur les emplois et la demande en compétences de la main-d’œuvre canadienne

Rapport de Perspectives

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Perspectives du CCF

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Annexe A : Construction des indices

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Comment Citer Ce Rapport
Li, V. et Dobbs, G. (2025). Rapport sur les enseignements du projet : « Les effets de l’intelligence artificielle sur les compétences et la productivité au Canada : CERVEAU DROIT, CERVEAU GAUCHE, CERVEAU IA : l’impact de l’IA sur les emplois et la demande en compétences au sein de la main-d’œuvre canadienne », The Dais. Toronto : Centre des Compétences futures. https://fsc-ccf.ca/fr/recherche/ai-brain/