Matrice des compétences des Inuvialuit

L’enjeu

Inuvialuit signifie « le vrai peuple » et désigne les descendants du peuple Thulé qui s’est installé au bord de la mer de Beaufort, à l’embouchure du fleuve Mackenzie, il y a plus de 800 ans. Aujourd’hui, la plupart des Inuvialuit vivent dans la Région désignée des Inuvialuit, dans l’ouest de l’Arctique canadien, dans les communautés d’Aklavik, d’Inuvik, de Paulatuk, de Sachs Harbour, de Tuktoyaktuk et d’Ulukhaktok, dans les Territoires du Nord-Ouest. 

L’IRC a été créée en 1984 pour représenter le bien-être économique, social et culturel des Inuvialuit par l’application de l’un des plus anciens traités de revendication territoriale du Canada :  la Convention définitive des Inuvialuit. Les priorités stratégiques de l’IRC comprennent la protection des terres et de la culture, la fourniture de services et la création d’opportunités économiques, y compris le marché du travail et la formation des capacités dans les communautés. L’un des principes fondamentaux de la Convention définitive des Inuvialuit est de « permettre aux Inuvialuit de participer de manière égale et utile à l’économie et à la société nordiques et nationales ».

Les communautés autochtones sont confrontées à des obstacles majeurs en matière d’éducation, de formation et d’emploi, et l’expérience unique des Inuvialuit dans la Région désignée des Inuvialuit est encore compliquée par la géographie, l’éloignement des prestataires de services, l’insécurité alimentaire et les problèmes de télécommunication. Pour ces raisons, l’IRC accorde la priorité aux possibilités offertes aux Inuvialuit de rester dans la Région désignée des Inuvialuit pour l’éducation, la formation et l’emploi, reflétant ainsi les souhaits des Inuvialuit eux-mêmes. Le fait de quitter la communauté et la région en quête d’éducation, de formation et d’emploi peut conduire à l’insécurité en matière de logement, car les personnes sont obligées de renoncer à un logement public pendant leur absence et sont placées sur une liste d’attente lorsqu’elles souhaitent revenir. Cela peut également entraîner des fractures au sein des unités familiales, ce qui nuit au bien-être des ménages et des communautés. 

En 2021, l’IRC a commencé à créer un système de base de données sur les bénéficiaires afin de mieux gérer le soutien qu’elle apporte à quelque 7 000 Inuvialuit dans la région de la Convention Inuvialuit et au-delà. Au fur et à mesure de l’avancement de ces travaux, l’IRC a constaté une lacune importante dans les données relatives aux compétences, à l’emploi et à l’éducation des bénéficiaires. Sans ces données, l’IRC a rencontré des difficultés à la fois dans ses propres pratiques d’embauche, qui donnent la priorité à l’emploi des participants, et dans la mise en place d’un soutien personnalisé à l’éducation et à la formation qui pourrait aider les Inuvialuit à trouver un emploi ailleurs dans la région.

Le fait que de nombreux Inuvialuit n’aient pas de certificats, de licences ou de titres professionnels attestant de leurs compétences, de leur expérience et de leurs connaissances complique la tâche pour combler cette lacune. Leurs relations informelles et leurs expériences vécues, qui sont essentielles pour mener à bien les projets dans le Nord, ne sont pas faciles à répertorier et à aligner sur des besoins de compétences plus formels.

Ce que nous examinons

Cherchant à enrichir sa base de données, ce projet a pour but de dresser le premier inventaire des emplois, des compétences, de la formation, du savoir traditionnel et de l’éducation des Inuvialuit. Baptisé « matrice des compétences des Inuvialuit », cet inventaire permettrait à l’IRC de remplir des rôles et de déterminer les lacunes liées à des professions, à des données démographiques et à des communautés spécifiques, qui pourraient être comblées grâce à l’éducation et à la formation qu’elle dispense. 

Dirigée par Inuvialuit for Inuvialuit, l’unité chargée des capacités au sein du département de l’éducation, de la formation et des capacités de l’IRC a organisé des consultations internes et externes afin de créer un outil d’enquête ainsi que les processus et protocoles associés. L’enquête sera menée auprès des membres des communautés d’Aklavik, d’Inuvik, de Paulatuk, de Sachs Harbour, de Tuktoyaktuk et d’Ulukhaktok. L’enquête a permis de recueillir des renseignements sur les antécédents, les connaissances, les compétences et les aptitudes des membres de la communauté, leurs spécialités éducatives et professionnelles, ainsi que leurs compétences culturelles et linguistiques. Les coordinateurs ont également invité chaque bénéficiaire à soumettre une copie de son curriculum vitae. 

Le projet s’est appuyé sur les relations existantes avec chaque communauté, en tirant parti des liens existants pour apporter un soutien au travail. L’équipe de l’IRC a mené des actions de sensibilisation pour informer les communautés sur l’enquête et les objectifs de la matrice des compétences des Inuvialuit de manière plus générale, et a offert une carte-cadeau à chaque participant pour l’inciter à participer. L’enquête a été administrée en face-à-face par le personnel de l’unité de capacité de l’IRC, qui a indiqué qu’il fallait environ deux heures pour répondre à chaque enquête.

Ce que nous apprenons

Bien que le personnel de l’IRC ait visité toutes les communautés, des membres de quatre des six communautés ont participé à l’enquête à ce jour. La collecte d’enquêtes se poursuit dans le cadre de ce projet, et le personnel de l’IRC a rencontré les entreprises communautaires de chacune des six communautés pour élaborer des plans de collaboration en vue de recueillir davantage de réponses, notamment en recrutant des personnes locales capables de mener d’autres enquêtes. À ce jour, la matrice des compétences des Inuvialuit comprend 600 réponses, ce qui représente environ 1 200 heures d’interactions en face à face. 

Les Inuvialuit étaient généralement heureux de participer, appréciaient les incitations et s’investissaient
L’équipe a accordé la priorité à la sensibilisation des communautés, en rencontrant différents groupes, en publiant l’enquête sur des dépliants destinés aux tableaux d’affichage et en diffusant des messages publicitaires sur les chaînes câblées locales et les stations de radio communautaires. Si certaines personnes étaient encore réticentes à l’idée de se rencontrer en personne après la longue période d’isolement qui a suivi la pandémie, de nombreux membres de la communauté étaient désireux de participer. La nouvelle s’est rapidement répandue à propos du projet et des incitations, qu’il s’agisse de la carte-cadeau offerte pour répondre à l’enquête ou de la perspective de bénéficier des objectifs généraux du projet. L’intérêt pour la participation était particulièrement élevé dans les petites communautés qui ont moins d’opportunités. Pour susciter la confiance, le personnel a souligné l’importance d’être clair sur l’utilisation des renseignements recueillis et sur les prochaines étapes. Le personnel a estimé que la grande majorité des participants souhaitaient fournir les meilleures informations possibles, s’intéressaient à la manière dont la matrice des compétences des Inuvialuit allait être élaborée et voulaient se tenir au courant de l’évolution du projet. 

Les participants se sont empressés de parler d’éducation, de compétences et de formation, mais aussi de bien-être général
Les participants étaient impatients de partager leurs expériences et leurs commentaires sur la vie dans la Région désignée des Inuvialuit, y compris et au-delà de l’éducation, des compétences et de la formation. Le personnel du projet a estimé que la possibilité d’établir un contact direct avec les membres de la communauté tout en recueillant les réponses à l’enquête leur a permis de mieux comprendre les priorités régionales. De nombreuses personnes interrogées ont parlé de l’impact durable du système des pensionnats, reliant le traumatisme multigénérationnel aux problèmes sociaux, de santé et de bien-être dans chaque communauté. De nombreux participants ont exprimé le souhait de voir davantage de programmes et de possibilités pour les jeunes d’acquérir les compétences nécessaires pour obtenir un emploi et rester dans la Région désignée des Inuvialuit. 

Les communautés inuvialuites veulent préserver leur langue
Toutes les communautés interrogées ont soulevé la question de la préservation de la langue, nombre d’entre elles déplorant qu’il ne leur reste que quelques personnes parlant couramment la langue, la plupart d’entre elles étant des anciens. Bien que le personnel ait déjà la certitude de savoir où les compétences linguistiques sont fortes dans les communautés (c’est-à-dire dans les endroits où les membres de la communauté leur parlent en inuvialuktun), il a été intéressant d’entrer en contact avec d’autres membres de la communauté ayant des compétences linguistiques plus rudimentaires, comme ceux qui comprennent assez bien, mais ne conversent qu’un peu. De nombreux membres de la communauté ont exprimé le souhait d’en savoir plus. 

Les difficultés de recrutement ont entraîné des retards, mais ont permis d’obtenir des renseignements utiles
Le projet a d’abord tenté de recruter un chef de projet pour coordonner la mise en œuvre de l’enquête; cependant, après deux tentatives de recrutement infructueuses, l’IRC a décidé d’envoyer deux membres du personnel dans les communautés pour administrer l’enquête en face-à-face. Cela a retardé la mise en œuvre du projet, mais a permis au personnel de l’IRC d’acquérir des connaissances utiles à intégrer dans leurs propres décisions de programmation. Le Centre des Compétences futures a collaboré avec l’IRC pour adapter le calendrier du projet et s’assurer que le financement était disponible pour poursuivre le projet.

Pourquoi c’est important

Certaines possibilités offertes à la région désignée des Inuvialuit nécessitent une main-d’œuvre et des compétences locales pour être couronnées de succès, notamment le projet de sécurité énergétique des Inuvialuit, qui produira du gaz naturel et du carburant diesel synthétique. Le projet offrira des possibilités d’emploi pendant la construction et l’exploitation à long terme, et la matrice des compétences des Inuvialuit de l’IRC constitue une base importante pour l’identification des exigences en matière d’emploi et des candidats potentiels. En janvier 2005, plus de 30 millions de dollars de contrats avec des entreprises locales avaient été attribués et plus de 70 membres de la communauté inuvialuit et gwich’in avaient été employés jusqu’à présent.

La matrice des compétences des Inuvialuit pourrait servir de modèle à d’autres communautés autochtones qui cherchent à mieux comprendre les compétences et les connaissances de leur population dans leur quête de développement économique et de souveraineté. Le succès de la matrice dans la collecte des réponses s’explique par les relations solides établies entre les communautés et les personnes chargées de la mise en œuvre du projet, ainsi que par les objectifs communs. 

État des compétences :
Travailler en collaboration pour combler les lacunes en matière d’IMT liée aux compétences

Bien que l’information sur le marché du travail (IMT) soit un pilier essentiel au bon fonctionnement du système de développement de la main-d’œuvre, des lacunes considérables subsistent dans la production, la diffusion et l’utilisation de l’IMT liée aux compétences au Canada.

Lire le rapport

Ce projet est riche d’enseignements pour la politique et la pratique, en particulier pour les bailleurs de fonds, qu’ils soient privés ou publics. Pour promouvoir la souveraineté autochtone dans le Nord, les bailleurs de fonds doivent intégrer une plus grande flexibilité afin de pouvoir pivoter lorsque le contexte change ou que les choses ne se déroulent pas comme prévu; des délais plus longs pour tenir compte des cycles saisonniers qui régissent la vie dans le Nord; et des budgets plus importants pour tenir compte du fait que les réunions en face-à-face sont essentielles à l’établissement de relations et à la réussite globale du projet, et que les frais de déplacement sont importants et prennent beaucoup de temps, car tout coûte plus cher dans les communautés éloignées.

Prochaines étapes

Le personnel de l’IRC continue de travailler avec chaque société de développement communautaire pour recueillir davantage de réponses aux enquêtes. Sur la base des réactions des participants, le personnel de l’IRC a bon espoir de pouvoir étendre l’enquête à d’autres membres de la communauté, y compris les jeunes et les diplômés qui pourraient vivre en dehors de la zone de peuplement. 

Maintenant que l’IRC a recueilli une masse critique de réponses, il met en place le système de gestion des données et saisit les données, ce qui constitue une étape préalable à l’analyse initiale utilisant les informations pour éclairer la prise de décision. L’IRC collabore avec d’autres parties prenantes pour exploiter les données collectées afin d’éclairer les efforts d’embauche et les décisions concernant les formations les plus nécessaires.