RAPPORT DE PERSPECTIVES DE PROJET
La transformation numérique du travail : les femmes immigrantes racisées et le recyclage des compétences
Sommaire
Dans les milieux de travail canadiens, la transformation numérique s’est considérablement accélérée après les confinements pannationaux liés à la COVID-19 qui ont augmenté la demande de travail à distance. La transformation numérique a frappé et frappera plus durement certains travailleurs et travailleuses que d’autres. Les femmes, en particulier les immigrantes racisées, ont été et continueront probablement d’être touchées de manière disproportionnée par ces changements structurels (Enquête sur la population active, 2020 ; Ng et Gagnon, 2020).
Bien que ces défis soient largement connus, l’équipe du projet a cherché à faire la lumière sur la manière dont les responsables de politiques peuvent promouvoir des politiques pour les surmonter. Pour ce faire, nous avons analysé des projets réussis dans le cadre desquels des immigrants racisés ont réussi à se recycler et à se perfectionner pour tirer parti de la transformation numérique.
Les auteurs ont constaté que les plus grands défis pour les personnes interrogées pendant la crise du coronavirus étaient 1) le coût élevé de l’automatisation des équipements et de l’achat d’autres outils numériques et 2) l’absence des éléments suivants : des employés dotés de compétences numériques, des chaines d’approvisionnement numériques, des collaborations en réseau, des systèmes de paiement intégrés sur les sites Web des entreprises et des capacités de marketing numérique.
Perspectives clés
Les femmes sont surreprésentées dans les professions qui nécessitent des compétences non techniques, comme l’empathie, la compassion et la politesse. Bien que ces compétences soient moins susceptibles d’être affectées par l’automatisation dans un avenir proche, elles sont constamment sous-évaluées par rapport aux compétences techniques, et il est peu probable que les femmes occupant des emplois nécessitant des compétences non techniques soient bien rémunérées.
Les mœurs sociales concernant l’Internet et les technologies de l’information et des communications et la valeur des femmes jouent un rôle énorme dans la mesure dans laquelle les femmes poursuivent volontairement et facilement une éducation basée sur les STIM.
Les nouvelles arrivantes appartenant à une minorité visible ont les salaires les plus bas et les perspectives d’emploi les plus faibles. Leur salaire annuel médian est de 26 624 $, comparativement à 30 074 $ pour les femmes nouvellement arrivées n’appartenant pas à une minorité visible, à 35 574 $ pour les hommes appartenant à une minorité visible et à 42 591 $ pour les nouveaux arrivants n’appartenant pas à une minorité visible (selon les données de 2019) (CBC, 2019).
L’enjeu
La transformation numérique du travail offre aux femmes la possibilité d’exercer des professions traditionnellement dominées par les hommes, tout en normalisant les modalités de travail flexibles (p. ex., travailler virtuellement plutôt que sur place) grâce à la distribution mondiale d’appareils numériques mobiles, comme les ordinateurs et les téléphones mobiles.Le travail flexible offre la possibilité d’équilibrer le travail et la vie privée, mais il dissout également les frontières entre le travail et la vie privée. En outre, cela peut produire de nouvelles formes d’emploi contractuel qui n’offrent pas un accès aux prestations sociales, à la sécurité d’emploi et aux protections du milieu de travail, et renforcer la « discrimination structurelle à l’égard des femmes » (voir Aneja et Mishra, 2017 ; Ryder, 2016).
Le processus d’optimisation de cette tension est difficile. La numérisation permet de jongler davantage, selon les femmes, mais, comme de nombreuses femmes l’ont constaté pendant les nombreux confinements liés à la COVID, elle allonge également le temps que les femmes consacrent au travail et aux activités domestiques. De plus, les attentes à l’égard des femmes elles-mêmes pour qu’elles respectent les niveaux de productivité au travail d’avant la COVID tout en équilibrant simultanément la garde quotidienne des enfants, l’école virtuelle, les tâches ménagères et la cuisine sont souvent intensifiées par ces modalités de travail (Dengler et Tisch, 2020).

Ce que nous examinons
Le projet visait à mieux comprendre les approches de formation et de perfectionnement qui se sont avérées efficaces pour préparer la main-d’œuvre à la mobilité entre les secteurs et les professions face aux perturbations et aux opportunités numériques.
Plus précisément, l’équipe s’est chargée de :
A) Déterminer comment et où les immigrantes racisées du Canada ont été les plus touchées par la transformation numérique des milieux de travail, en particulier les transformations accélérées par les confinements liés à la COVID-19 et les ralentissements économiques qui ont suivi ;
b) Synthétiser les connaissances du Canada et d’autres économies avancées (États-Unis, Europe et Australie) sur les approches de recyclage réussies qui permettent aux travailleuses immigrantes racisées de tirer parti des transformations numériques de l’économie et du milieu de travail.
Ce que nous apprenons
L’entrepreneuriat représente une opportunité d’emploi attrayante pour les femmes par rapport aux emplois rémunérés
Cependant, il existe toujours un piège pour les femmes dans l’entrepreneuriat en raison des écarts entre les genres dans la formation entrepreneuriale, d’un accès moindre à la formation professionnelle basée sur les STIM, du fait qu’il y a moins de réseaux sociaux pour les femmes fondatrices d’entreprises et des obstacles financiers importants qui empêchent les femmes de saisir les opportunités.
Les programmes axés sur les compétences pratiques, le réseautage et le counseling personnalisé en matière d’emploi aident les participantes à naviguer sur le marché du travail et à se bâtir des carrières durables
Des programmes comme l’Initiative pour les nouvelles arrivantes appartenant à une minorité visible au travail en Nouvelle-Écosse et des initiatives similaires en Ontario visent à combler ces lacunes en offrant une formation de préparation à l’emploi, l’acquisition d’une littératie numérique et un soutien à l’entrepreneuriat aux femmes immigrantes et racisées.
Lorsque les participantes commencent le programme, elles sont réparties au hasard dans un des deux groupes. Un groupe reçoit une formation en classe de six semaines sur la confiance en soi, l’égalité des genres en milieu de travail, la gestion du changement, l’élaboration d’un portefeuille de compétences, les stratégies de recherche d’emploi et les simulations d’entrevues, ainsi qu’une formation en littératie numérique. L’autre groupe reçoit six semaines de counseling personnalisé en matière d’emploi qui comprend un plan d’action, des séances de counseling, des ateliers de recherche d’emploi et une analyse des options d’emploi.
Parmi les modèles prometteurs de développement des compétences, citons les modèles sectoriels et les modèles Career Pathways, qui ont connu du succès aux États-Unis
Le modèle sectoriel implique que les employeurs conçoivent une formation pour combler des lacunes spécifiques en matière de compétences, tandis que le modèle Career Pathways combine une formation guidée par l’employeur et des études postsecondaires modulaires, réduisant ainsi les engagements financiers et en temps. Les deux modèles mettent l’accent sur la participation de l’employeur, la préparation à la carrière et les services de soutien, comme la garde d’enfants et le mentorat.
Myers et coll. (2021) ont fait les recommandations suivantes pour que ce modèle de cheminement de carrière soit appliqué à grande échelle au Canada :
- Des collaborations plus importantes et plus complexes devraient être établies entre les organismes de développement de la main-d’œuvre et les établissements d’enseignement postsecondaire pour assurer une transition efficace des compétences de base aux titres de compétences officiels.
- Les collèges devraient être habilités à offrir des programmes de perfectionnement à cycle court.
-
Les établissements d’enseignement postsecondaire auraient besoin d’un financement accru pour offrir les programmes Pathways et d’autres activités de perfectionnement à court terme.
- Et, il faudrait créer davantage de possibilités de sensibilisation auprès des employeurs afin de mieux concevoir les programmes de formation pour répondre aux exigences réelles de l’industrie.
Pourquoi c’est important
Selon Krieger-Boden et Sorgner (2018), la transformation numérique comprendra des changements dans les échanges d’argent mobiles, les services fintech alimentés par les données, les plateformes qui mettent en relation les investisseurs avec les entreprises en démarrage et les plateformes qui mettent en relation le personnel et les employeurs. Ces services pourraient aider les femmes à pénétrer de nouveaux marchés, accroitre la flexibilité du travail, acquérir des clientèles, communiquer avec les clientèles, accéder à de nouvelles formes de formation, offrir du mentorat, accroitre leur autonomie financière et accéder à des capitaux pour leurs entreprises.
Au Canada, la formation professionnelle des adultes fait face à d’importants défis, notamment un manque de compréhension et d’évaluation de l’impact du transfert des programmes du marché du travail du gouvernement fédéral aux provinces dans les années 1990 et 2000. L’environnement de financement de l’apprentissage des adultes est complexe, et la coordination entre les provinces en ce qui concerne la mise en œuvre des programmes est insuffisante.
L’équipe du projet a été en mesure de démontrer l’importance de combiner l’enseignement postsecondaire et la formation pour les emplois en demande en examinant le transfert des responsabilités du gouvernement visant à guider les tiers fournisseurs de services afin de s’assurer que la formation couvre exactement les lacunes en matière de compétences pour des postes particuliers.

État des compétences: Outils numériques dans l’écosystème des compétences
Le rôle que les outils numériques et les services de carrière virtuels peuvent jouer pour améliorer l’accès à la formation et au développement de carrière est très prometteur, en particulier pour les personnes confrontées à des obstacles géographiques ou à des contraintes telles que la garde d’enfants ou d’autres responsabilités professionnelles.
Comparativement à la moyenne des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Canada n’offre pas suffisamment de formation liée à l’emploi pour les adultes et peine à rejoindre les groupes marginalisés, comme les personnes vivant dans les régions rurales et éloignées, peu alphabétisées et qui n’ont pas fait d’études postsecondaires. En outre, l’apprentissage tout au long de la vie bénéficie d’un soutien limité, ce qui est crucial pour les adultes qui cherchent à améliorer leur employabilité au fil du temps.
Les programmes actuels ont tendance à privilégier l’entrée rapide sur le marché du travail plutôt que le développement d’une carrière durable et l’adaptabilité aux demandes changeantes du marché, comme les compétences numériques. Bien que le Canada obtienne de bons résultats en ce qui concerne l’utilisation des compétences numériques, il accuse un retard en ce qui concerne l’innovation, l’intégration des nouvelles technologies et l’élaboration d’une infrastructure de compétences solide, y compris des cadres de compétences numériques.
Cependant, il faut adopter plus largement les modèles efficaces et améliorer la coordination entre les provinces pour s’attaquer aux problèmes systémiques du milieu de la formation professionnelle des adultes au Canada.
De plus, le Canada a du mal à intégrer efficacement les talents immigrants dans ses industries, ce qui met en évidence une lacune dans l’utilisation des divers ensembles de compétences existants.
Les compétences cognitives élevées, c’est-à-dire en résolution de problèmes et en compétences analytiques et quantitatives, sont généralement acquises à l’université. Les universités devraient donner aux femmes de meilleures chances d’obtenir des diplômes universitaires afin de mieux les qualifier pour des emplois de haut niveau dans les professions de gestion ou de STIM, ou pour l’entrepreneuriat. (102 ; voir aussi : Deming, 2015, 2017).
Ces chercheurs ajoutent qu’à l’ère numérique, les femmes ont un avantage comparatif en raison de leurs compétences sociales et que cet avantage est renforcé lorsqu’il est complété par un niveau d’éducation supérieur et une littératie numérique avancée.
En examinant les disparités socioéconomiques entre les femmes en Inde, Dhanamalar, Preethi et Yuvashree (2020) notent que, par rapport aux femmes rurales qui luttent encore contre les dépendances et qui sont trompées et escroquées, les femmes urbaines ont utilisé leur éducation et leur littératie numérique pour saisir des opportunités entrepreneuriales en utilisant les technologies de l’information et des communications ; en s’impliquant davantage dans la prise de décision ; en surmontant les obstacles sociaux, politiques et économiques collectivement et individuellement ; et en participant au processus de numérisation.
Perspectives du CCF
Transformation numérique du travail : facteurs ayant trait au genre, répercussions sur les femmes racisées et possibilités de recyclage et d’entrepreneuriat
Des questions sur notre travail ? Souhaitez-vous avoir accès à un rapport en anglais ou en français ? Veuillez contacter communications@fsc-ccf.ca.
Plus de CCF
L’impact de la technologie sur la qualité de l’emploi au Canada
Bâtir une main-d’œuvre dotée de compétences numériques
Ressources pour les PDC au niveau postsecondaire
Comment Citer Ce Rapport
Brown, C-M. (2024). Rapport de perspectives de projet — La transformation numérique du travail : les femmes immigrantes racisées et le recyclage des compétences, University of Waterloo. Toronto : Centre des Compétences futures. https://fsc-ccf.ca/fr/projets/inclusive-digital-retraining/
La transformation numérique du travail : les femmes immigrantes racisées et le recyclage des compétences est financé par le gouvernement du Canada dans le cadre du programme Compétences futures. Les opinions et les interprétations contenues dans cette publication sont celles de l’auteur et ne reflètent pas forcément celles du gouvernement du Canada.


