RAPPORT DE PERSPECTIVES DE PROJET
L’IA, l’évolution des compétences futures et l’avenir du travail
Sommaire
Le Canada est un chef de file dans la recherche et le développement de produits et de services dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA). Le Canada est également un chef de file en matière de talents dans le domaine de l’IA (avec plus de 140 000 spécialistes en IA en 2023) et de diversité des genres dans les domaines liés à l’IA. Le pays est pourtant à la traîne sur la scène mondiale au chapitre de l’adoption de l’IA.
Cette étude vise à comprendre l’écart existant entre les employeurs et les employés en ce qui a trait à l’adoption de l’IA et aux compétences connexes. Ce rapport s’appuie sur de nouvelles données recueillies en 2024 dans le cadre d’un sondage mené auprès de plus de 5 800 Canadiens, combinées à des résultats antérieurs du Sondage sur l’emploi et les compétences, qui en est à sa septième vague. Le sondage a été mené pour la première fois en 2020. Entre la première et la septième vague, plus de 40 000 personnes ont participé au sondage.
Le principal obstacle à l’adoption de l’IA mis en relief par les entreprises canadiennes est la difficulté à trouver du personnel possédant les compétences et le savoir-faire nécessaires pour faciliter l’intégration de cette technologie. D’autres obstacles sont la méconnaissance des Canadiens des outils d’IA utilisables en milieu de travail et les préoccupations liées à la déontologie et à la confidentialité que soulève l’intégration de l’IA dans les opérations.
Cette étude explore également la perception de l’IA au travail et examine si les membres du personnel reçoivent une formation et un encadrement sur la façon d’utiliser cette technologie au travail.
Les résultats montrent que les employés n’attendent pas que leur employeur leur propose la formation ou le soutien nécessaires à l’utilisation de l’IA au travail. En outre, un peu plus de la moitié des personnes interrogées estimaient que leur employeur ne leur offrait pas suffisamment de formation sur les nouvelles technologies. Ces résultats sont importants et doivent être pris en compte, car l’utilisation de l’IA sans politique ou soutien de la part des employeurs et sans garde-fous pour une utilisation sécuritaire et éthique crée d’énormes risques.
Plus précisément, les employés apprennent soit par le biais de l’autoformation, soit sans aucune formation. Il est intéressant de noter que les personnes qui ont déclaré maîtriser l’IA sont celles qui craignent le plus l’automatisation de leur travail, ce qui révèle la nécessité d’une meilleure connaissance de l’IA par le biais de l’encadrement et de politiques organisationnelles.
L’étude examine également les différences entre les groupes d’employés qui utilisent l’IA. Elle a révélé une réduction significative de l’écart de genre, les femmes étant presque aussi susceptibles que les hommes d’utiliser l’IA.
En outre, les plus jeunes, les hommes, les Autochtones, les personnes racisées et les immigrants sont plus susceptibles d’être familiers avec les outils d’IA au travail et d’avoir reçu une formation sur le sujet.
Perspectives clés
Près de 3 travailleurs canadiens sur 10 utilisent des outils d’IA au travail, mais près de la moitié (44 %) d’entre eux n’ont reçu aucune formation structurée.
Le sondage montre que les femmes sont presque aussi susceptibles que les hommes d’utiliser l’IA au travail. Les jeunes, les hommes, les Autochtones, les personnes racisées et les immigrants sont plus susceptibles d’être familiers avec les outils d’IA au travail et d’avoir reçu une formation sur le sujet.
Près de la moitié (44 %) des personnes qui craignent le plus l’automatisation de leur travail sont également celles qui ont déclaré être très familières avec l’IA au travail.
L’enjeu
Le Canada est un chef de file mondial en matière de talents dans le domaine de l’IA. En 2023, le Canada comptait plus de 140 000 professionnels de l’IA. Le Canada est également à la traîne sur la scène mondiale au chapitre de l’adoption de l’IA, car moins de 4 % des entreprises ont indiqué qu’elles utilisent l’IA dans leurs activités opérationnelles. D’autres pays ont des taux d’adoption de l’IA deux fois plus élevés que celui du Canada. Interrogés sur les obstacles à l’adoption de l’IA, les employeurs canadiens ont indiqué qu’ils avaient de la difficulté à trouver des employés ayant une expertise en IA, ce qui révèle un fossé entre les travailleurs ayant des compétences en IA et les employeurs qui cherchent à les recruter. D’une part, les données montrent que le Canada dispose d’une main-d’œuvre hautement qualifiée, prête à répondre à la demande croissante de compétences en IA à mesure que l’adoption de cette technologie augmente. D’autre part, les entreprises canadiennes affirment qu’elles ont du mal à trouver des travailleurs possédant les compétences en IA dont elles ont besoin.
Les entreprises canadiennes ont également du mal à adopter l’IA parce qu’elles ont une méconnaissance des outils d’IA. La recherche montre que près des trois quarts des entreprises canadiennes indiquent avoir du mal à déterminer le bien-fondé de l’IA. Certains employeurs éprouvent une méfiance à l’égard des outils d’IA et ont des questionnements éthiques, souvent en raison de l’incertitude quant au fonctionnement de ces outils. La méconnaissance des employeurs de l’IA souligne la nécessité de mettre en place des politiques de gouvernance pour l’utilisation des outils d’IA au travail.

Ce que nous examinons
Le présent rapport utilise les données de la septième et plus récente vague du Sondage sur l’emploi et les compétences mené par l’Environics Institute en collaboration avec le Diversity Institute et le Centre des compétences futures. Entre 2020 et 2024, plus de 40 000 personnes partout au Canada ont participé aux sept vagues du sondage. La septième vague comptait plus de 5 800 participants. Compte tenu de l’intérêt croissant pour l’IA, cette vague comprenait des questions sur la familiarité avec l’IA, l’utilisation de l’IA, les perceptions à l’égard de l’IA et la formation sur l’IA.
Cette recherche visait à répondre aux questions suivantes :
- À quelle fréquence les Canadiennes et Canadiens utilisent-ils l’IA au travail?
- Dans quelle mesure les Canadiennes et Canadiens sont-ils familiers avec les outils d’IA utilisables au travail? Observe-t-on des différences entre les groupes concernant le degré de familiarité?
- Quel est le lien entre la familiarité avec l’IA et la perception de cette technologie au travail?
- Quelle formation et quel encadrement les membres du personnel reçoivent-ils de leur employeur sur la façon d’utiliser l’IA au travail?
Ce que nous apprenons
Les employés sont en avance sur leurs employeurs en ce qui concerne l’adoption de l’IA. La plupart des personnes interrogées sont assez familières avec les outils d’IA utilisables en milieu de travail, mais craignent l’automatisation de leur travail. Les personnes qui ont utilisé des outils d’IA au travail ont indiqué qu’elles l’avaient fait sans formation ou sans encadrement structuré de la part de leur employeur.
Le Diversity Institute a élaboré un ensemble de compétences en IA fondées sur des données probantes, qui reconnaît la nécessité de disposer de trois niveaux de compétences en IA : les compétences techniques approfondies; les compétences nécessaires pour innover avec l’IA, y compris les compétences techniques et celles nécessaires pour favoriser le changement; et les connaissances de base en matière d’IA, que tous les emplois requièrent. Les compétences permettant d’innover avec l’IA sont particulièrement demandées et promettent de créer de nouvelles voies vers des emplois de qualité tout en réduisant la fracture numérique.
Constatations principales :
- Près de 3 travailleurs canadiens sur 10 utilisent des outils d’IA au travail.
- Moins d’une personne interrogée sur cinq (14 %) se déclare être très familière avec les outils d’IA utilisables au travail, 35 % en sont assez familières, 27 % en sont très peu familières et 21,6 % n’en sont pas du tout familières.
- Les perceptions à l’égard de la vitesse d’adaptation du milieu de travail aux nouvelles technologies sont partagées : 43 % des répondants estiment que leur milieu de travail a mis trop de temps à saisir les occasions que présentent les nouvelles technologies, mais 44 % pensent le contraire.
- La perception à l’égard de la formation offerte par l’employeur est légèrement négative : 47 % des personnes interrogées estiment ne pas avoir reçu suffisamment de formation au travail sur les nouvelles technologies.
- Près de la moitié (44 %) des personnes qui craignent le plus l’automatisation de leur travail sont également celles qui ont déclaré être très familières avec l’IA au travail. Un peu plus de la moitié des personnes les moins préoccupées par l’automatisation ne sont pas très familières (30 %) ou pas du tout (25 %) familières avec l’IA au travail.
- Un peu plus des deux tiers des répondants (68 %) qui ont utilisé l’IA l’ont apprise par eux-mêmes, soit sans formation (44 %), soit par une autoformation (24 %).
Des différences entre les groupes ont également été observées dans le cadre du sondage :
- La connaissance des outils d’IA au travail varie en fonction de l’âge : 44 % des personnes âgées de 55 à 64 ans déclarent ne pas avoir reçu d’encadrement sur l’utilisation de l’IA au travail de la part de leur employeur, contre 30 % des personnes âgées de 25 à 34 ans.
- On observe des différences entre les genres concernant la familiarité avec l’IA : 53 % des hommes déclarent être très ou assez familiers avec les programmes d’IA utilisables en milieu de travail, contre 47 % des femmes. Cette disparité est nettement inférieure à l’écart entre les genres dans le secteur de la technologie, où, bien qu’elles représentent la moitié de la main-d’œuvre, les femmes n’occupent que 30 % des postes.
- Plus d’hommes (62 %) que de femmes (56 %) ont reçu un encadrement formel ou informel de leur employeur sur l’utilisation de l’IA en milieu de travail.
- Un peu moins de la moitié (47 %) des participants blancs n’ont reçu aucune formation sur l’utilisation des outils d’IA en milieu de travail. Cette proportion est moins importante chez les répondants racisés (43 %) et autochtones (29 %).
- Les immigrants de première (26 %) et de deuxième génération (18 %) sont moins susceptibles que les répondants de troisième génération ou plus (36 %) d’avoir reçu de la formation sur l’IA offerte par leur employeur.
Pourquoi c’est important
Les résultats de ce sondage montrent que les employés utilisent l’IA au travail principalement de leur propre chef, sans encadrement formel de la part de leur employeur. Les entreprises et l’économie canadiennes courent d’énormes risques si les employés continuent de devancer leurs employeurs dans l’utilisation de l’IA au travail. Ces risques concernent notamment la propriété intellectuelle, la protection de la vie privée, la cybersécurité et la réputation. La création de technologies perturbatrices ne suscite pas l’innovation. Mais leur utilisation, si.
Pour que le Canada conserve son avantage concurrentiel dans le secteur mondial de l’IA, les employeurs doivent adapter et améliorer leurs processus d’embauche afin d’élargir leur bassin de talents. Si les employeurs éprouvent des difficultés à pourvoir les postes liés à l’IA, il est fort probable qu’ils ne cherchent pas au bon endroit parce que leurs processus d’embauche actuels excluent certains groupes. En outre, de nouvelles données suggèrent que certaines formes d’IA pourraient réduire l’écart entre les hommes et les femmes. Par exemple, les applications de l’IA générative requièrent les compétences de diplômés de diverses disciplines, et non pas uniquement celles des diplômés des disciplines plus traditionnelles et dominées par les hommes, à savoir les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques.

État des compétences :
L’IA au service de l’écosystème du développement des compétences
Pour profiter des avantages que l’IA a à offrir, son adoption et son déploiement devraient être un processus collaboratif et inclusif qui reconnaisse et réponde aux préoccupations réelles des individus concernant l’IA et la technologie de manière plus générale.
Prochaines étapes
Les résultats montrent que la demande de compétences en IA continue de croître dans les milieux de travail canadiens. Pour demeurer concurrentiels, les employeurs doivent agir rapidement pour harmoniser leurs politiques d’embauche avec cette tendance croissante. Il est nécessaire d’étudier davantage le scepticisme et la couverture médiatique que suscite l’IA. En effet, ce sont souvent les aspects négatifs de l’IA qui font les gros titres, comme le rôle de l’IA dans la mésinformation et les perturbations que peut causer l’IA générative dans les industries de la création.
Le sondage a également révélé que les personnes interrogées ont divers degrés de connaissance de l’IA, ce qui indique un besoin de perfectionnement des compétences à différents niveaux. Il conviendrait d’investir beaucoup d’efforts dans l’élaboration d’un cadre de compétences qui tient compte des différentes aptitudes et connaissances, ainsi que de différents comportements requis à chaque niveau.
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L’IA, l’évolution des compétences futures et l’avenir du travail est financé par le gouvernement du Canada dans le cadre du programme Compétences futures. Les opinions et les interprétations contenues dans cette publication sont celles de l’auteur et ne reflètent pas forcément celles du gouvernement du Canada.