RAPPORT DE PERSPECTIVES DE PROJET
Perfectionnement et recyclage des compétences des travailleurs et des travailleuses de la santé au Canada
Sommaire
Le projet « Upskilling/Reskilling Canada’s Healthcare Workers » (Perfectionnement et recyclage des compétences des travailleurs et des travailleuses de la santé au Canada) mené à Toronto, en Ontario, visait à réduire le taux élevé d’amputation d’un membre inférieur causée par le diabète, en particulier dans les communautés marginalisées. Il convient de souligner que 85 p. 100 de ces amputations pourraient être évitées grâce à une intervention précoce. L’initiative était axée sur le perfectionnement des compétences du personnel de santé sous-utilisé, notamment les préposés aux services de soutien à la personne et les agents et les agentes de santé communautaires, afin d’améliorer les compétences en soins des pieds ainsi que les résultats pour les patients et les patientes.
Le projet a permis d’intégrer les points de vue des employeurs sur les qualifications en matière de soins du pied diabétique, d’adapter les parcours éducatifs aux besoins des cliniciens et des cliniciennes, et de dispenser aux populations autochtones des formations adaptées sur le plan culturel. Cette approche globale comprenait l’élaboration d’un programme d’études, la formation et l’évaluation, ainsi qu’un processus de conception collaboratif visant à modifier le programme en fonction des commentaires des parties prenantes.
Au total, le programme a permis de former 114 travailleurs et travailleuses de la santé dans trois provinces et territoires, dont 33 préposés aux services de soutien à la personne et 13 agents et agentes de santé communautaire. L’Administration des services de santé et des services sociaux des Territoires du Nord-Ouest et l’Advanced Foot Care Nurses Association de Terre-Neuve ont adopté les modules de formation, ce qui témoigne de leur large impact. En outre, la collaboration avec l’Indigenous Diabetes Health Circle a permis d’offrir une formation adaptée sur le plan culturel à 21 personnes dans des collectivités du Nord, ce dont 30 autres membres des collectivités ont pu bénéficier en faisant l’objet d’un dépistage des problèmes podologiques.
Les résultats du projet ont mis en évidence la nécessité de mettre en place des programmes de formation adaptables, de renforcer l’engagement communautaire et d’apporter des changements systémiques aux pratiques de soins de santé. Ils ont révélé d’importantes lacunes dans les connaissances des professionnels de la santé en matière de soins des pieds et souligné le besoin de compétences culturelles. À l’avenir, le projet vise à améliorer l’éducation du public à la santé des pieds, à élaborer des formations plus complètes, à renforcer la coopération intersectorielle et à obtenir un financement supplémentaire pour étendre son influence, en particulier dans les régions éloignées et autochtones.
Perspectives clés
À l’issue de la formation, 76 p. 100 des participants et des participantes ont déclaré avoir amélioré leurs compétences en matière de détection et de prise en charge des complications du pied diabétique.
La mise en œuvre, par l’Administration des services de santé et des services sociaux des Territoires du Nord-Ouest, des trousses de dépistage des problèmes podologiques et des modules « Best Foot Forward » a démontré la possibilité que le projet influence les pratiques de soins de santé à l’échelle régionale.
Les participants et les participantes ont préféré la formation en personne, qui facilite un apprentissage et un perfectionnement des compétences plus efficaces. L’Advanced Foot Care Nurses Association de Terre-Neuve a adopté une approche de « formation des formateurs et des formatrices » qui a permis d’élargir la portée de la formation et de garantir qu’un plus grand nombre de fournisseurs puissent dépister les problèmes du pied diabétique.
L’enjeu
Le système de santé canadien fait face à un défi majeur en raison du nombre élevé d’amputations d’un membre inférieur, principalement dues à des complications du diabète, qui pourraient être évitées. Ce problème est particulièrement aigu dans les populations marginalisées, notamment les Canadiens et les Canadiennes autochtones et racisés, qui présentent des taux plus élevés de diabète et de complications connexes. Les statistiques sont alarmantes : au Canada, le risque encouru par une personne diabétique de développer un ulcère du pied au cours de sa vie est compris entre 15 et 25 p. 100 et, lorsque cela se produit, la probabilité de devoir se faire amputer dans les deux à cinq ans qui suivent est supérieure à 75 p. 100. En outre, environ 85 p. 100 de ces amputations pourraient être évitées grâce à une intervention précoce et à des soins appropriés des pieds.
Historiquement, la prise en charge des complications du pied diabétique était axée sur une approche réactive plutôt que proactive, consistant à traiter la maladie après qu’elle a atteint un stade critique. En plus des coûts de soins de santé importants que cela a engendré, notamment pour l’Ontario qui dépense environ 500 millions de dollars par an pour des amputations d’un membre inférieur, cette approche a également eu des répercussions considérables sur les patients et les patientes, qui ont connu une réduction de mobilité et une diminution de la qualité et de l’espérance de vie. Le taux d’amputation d’un membre inférieur chez les Autochtones diabétiques est trois fois supérieur à la moyenne nationale, ce qui met en évidence une disparité importante concernant les résultats en matière de santé.
Les efforts déployés pour traiter cet enjeu ont été entravés par une pénurie de fournisseurs de soins de santé spécialisés, comme des podologues et des podiatres, en particulier dans les régions rurales et du Nord. Les initiatives précédentes, dont la portée était souvent limitée, n’ont pas répondu de façon adéquate au besoin d’éducation et de formation à grande échelle des travailleurs et des travailleuses de la santé qui pourraient potentiellement dépister et prendre en charge plus efficacement les complications du pied diabétique.
Cette lacune dans le système de prestation des soins de santé a mis en évidence la nécessité d’adopter une approche plus intégrée et proactive des soins du pied diabétique, soulignant l’importance du perfectionnement et du recyclage des compétences des travailleurs et des travailleuses de la santé afin d’éviter que les ulcères du pied n’évoluent vers l’amputation.

Ce que nous examinons
Notre enquête s’est concentrée sur l’efficacité du perfectionnement et du recyclage des compétences des travailleurs et des travailleuses de la santé au Canada, en particulier celles et ceux qui fournissent des soins du pied diabétique. Le projet visait à élaborer et à évaluer un modèle d’acquisition de compétences afin d’améliorer les soins des plaies du pied à risque élevé et de prévenir l’amputation d’un membre.
Les principales parties prenantes à ce projet comprenaient The Michener Institute of Education at UHN, le Réseau universitaire de santé et les divers partenaires communautaires suivants :
- Indigenous Diabetes Health Circle
- Administration des services de santé et des services sociaux des Territoires du Nord-Ouest
- Association of Advanced Foot Care Nurses
- Centre de santé communautaire Parkdale Queen West (organisation de services de santé à l’échelle communautaire)
- Social Medicine Department du Réseau universitaire de santé (tout premier fournisseur de logements avec services de soutien en médecine sociale au Canada, dans le quartier de Parkdale, à Toronto)
- Dixon Hall (refuges d’urgence)
- Streethaven (refuge pour femmes)
- Niagara Health Medical Group (équipe de santé familiale)
L’enquête s’est déroulée en plusieurs phases : engagement des parties prenantes; analyse des écarts de compétences; conception conjointe du programme d’études; essai pilote du parcours éducatif; et gestion détaillée du programme.
Plusieurs questions de recherche ont été traitées :
Comment intégrer les points de vue des employeurs dans l’élaboration des certifications en matière de soins du pied diabétique?
Quels parcours éducatifs concordent avec les parcours des cliniciens et des cliniciennes et avec les besoins futurs des employeurs? Comment créer des parcours de soins des pieds durables qui répondent aux meilleures normes actuelles et aux exigences éducatives à l’échelle des praticiens et des praticiennes ainsi que des équipes?
L’approche consistait à établir des partenariats avec des organismes communautaires œuvrant auprès des populations mal desservies au Canada afin de coadapter un programme d’éducation à la santé des pieds qui réponde aux besoins de chaque organisme. Le programme d’éducation à la santé des pieds comprend six modules principaux qui fournissent des renseignements sur les soins des pieds, sur les mécanismes d’évaluation des signes de problèmes de santé des pieds et sur le déroulement d’une évaluation des pieds, ainsi que d’autres informations sur les premiers soins de base. Chaque partenaire communautaire pourra s’approprier le programme d’éducation à la santé des pieds coadapté et l’utiliser en dehors du cadre de ce projet, afin d’appuyer le perfectionnement des compétences des membres du personnel et des collectivités.
Tout au long du projet, nous avons mené de nombreuses entrevues qualitatives avec des participants et des participantes de différents organismes, et organisé plusieurs séances de formation afin de mettre à l’essai les nouveaux programmes élaborés. La méthodologie associait des entrevues qualitatives, des analyses de documents et des séances de formation directe. Grâce à cette approche, le matériel pédagogique a été élaboré en collaboration avec les parties prenantes afin de l’adapter aux réalités culturelles et aux besoins spécifiques des collectivités qui en bénéficient.
Ce que nous apprenons
Cette initiative s’inscrivait dans le cadre d’un effort plus large visant à améliorer les soins de santé prodigués aux personnes diabétiques en formant des travailleuses et des travailleurs de la santé non spécialisés à détecter et à prendre en charge efficacement les problèmes de santé des pieds. Au cours du projet, 114 personnes issues de divers horizons professionnels et provenant de trois provinces et territoires ont suivi une formation sur le dépistage des problèmes podologiques.
L’un des principaux succès a été l’adaptation et la mise en œuvre des modules de formation « Best Foot Forward ». Initialement organisées en ligne, ces séances ont ensuite été offertes en personne suite aux commentaires des partenaires communautaires qui préféraient cette méthode. Ce changement a amélioré l’apprentissage et a permis la mise en pratique immédiate des compétences, ce qui est particulièrement utile dans les régions éloignées où l’accès à des services spécialisés est limité.
Le projet a grandement bénéficié des partenariats établis avec des organismes communautaires, qui sont essentiels pour atteindre les populations mal desservies, et a démontré le rôle précieux des fournisseurs de soins de santé non réglementés, en particulier dans les milieux communautaires. Former ces fournisseurs à dépister les problèmes podologiques et à effectuer des renvois vers des spécialistes favorise une approche des soins de santé plus intégrée, qui est essentielle pour prendre en charge des problèmes de santé complexes comme le diabète. En plus d’avoir permis aux participants et aux participantes d’acquérir des compétences essentielles, la formation dispensée par l’Indigenous Diabetes Health Circle (IDHC) a favorisé la compréhension des soins adaptés à la culture, améliorant ainsi les interactions en santé avec les collectivités autochtones.
Des difficultés sont toutefois apparues, concernant en particulier le calendrier des activités et l’engagement des partenaires. La conclusion d’accords et la coordination des séances ont pris plus de temps que prévu, ce qui a eu une incidence sur le calendrier du projet. La pandémie de COVID-19 a également compliqué la situation et a nécessité d’adapter les plans et les méthodes.
En résumé, malgré des obstacles logistiques et opérationnels, le projet a mis en évidence l’importance des initiatives communautaires en matière de santé et les avantages de former des travailleuses et des travailleurs non spécialisés à des tâches spécialisées dans le domaine des soins de santé. Ces efforts ont renforcé la capacité du système de santé et favorisé un accès et des résultats plus équitables en matière de soins de santé.
Pourquoi c’est important
Les résultats de ce projet soulignent la nécessité de mettre en place des programmes de formation souples et adaptables pour l’éducation permanente des travailleuses et des travailleurs de la santé non réglementés afin d’améliorer les résultats pour les patients et les patientes et d’utiliser plus efficacement les ressources en soins de santé.
En outre, le projet révèle d’importantes lacunes dans les connaissances des professionnels de la santé en matière de soins des pieds et souligne la nécessité d’apporter des changements systémiques dans la prestation des soins de santé, par exemple en intégrant une formation sur les soins des pieds aux programmes d’orientation pour tous les travailleurs et les travailleuses de la santé afin de traiter les problèmes courants de façon collaborative. Cette adaptation pourrait contribuer à réduire les disparités en matière de soins de santé et à améliorer les résultats pour les populations mal desservies, démontrant ainsi le potentiel d’un programme national de formation normalisé mais souple.
Les Territoires du Nord-Ouest ont fait l’acquisition des trousses recommandées de dépistage des problèmes podologiques, et les modules « Best Foot Forward » ont servi de base au programme de « formation des formateurs et des formatrices » pour l’Administration des services de santé et des services sociaux des Territoires du Nord-Ouest.
À Terre-Neuve, les infirmières et les infirmiers en soins avancés des pieds suivront également un programme de formation des formateurs et des formatrices aux fins de dépistage des problèmes podologiques chez les personnes vivant avec le diabète.

État des compétences
De meilleures transitions sur le marché du travail pour la main-d’œuvre en milieu de carrière
Pour aider les personnes déplacées en milieu de carrière, il faut bien comprendre les obstacles et les difficultés qu’elles rencontrent et s’efforcer de tirer parti des compétences très appréciées acquises au fil des années de travail et d’expérience de la vie.
Même si les multiples problèmes dans ce domaine étaient déjà connus dans le cadre du projet, il s’est avéré que les lacunes dans les connaissances des professionnels réglementés et non réglementés en matière de soins des pieds étaient nettement plus importantes que prévu. Il faut continuer d’éliminer les cloisonnements dans la prestation des soins aux patients et aux patientes afin de poursuivre efficacement la diminution des plaies du pied.
Les organismes communautaires reconnaissent la nécessité du dépistage des problèmes podologiques et souhaitent pouvoir fournir ce service à leur clientèle. Cela ajoute une tâche au travail d’un personnel déjà surchargé. L’action des organismes de services sociaux est souvent très spécifique. Il apparaît donc nécessaire d’adopter des approches souples et de faire preuve d’adaptation pour faciliter les liens intersectoriels en vue de la création et de la mise en œuvre du programme d’études.
Un enseignement essentiel tiré du projet est l’importance de l’engagement communautaire et de l’établissement de relations. Il est crucial de nouer des partenariats solides avec des organismes communautaires pour réussir à mettre en œuvre des initiatives en matière de soins de santé, principalement celles qui s’adressent aux populations vulnérables ayant des besoins particuliers. Les partenariats du projet avec un fournisseur de services de médecine sociale et avec des refuges sont l’occasion de dispenser une formation croisée à d’autres professionnels et d’offrir rapidement des soins préventifs aux personnes en situation d’itinérance.
En outre, le projet souligne l’importance d’investir dans les soins de santé préventifs. Des données montrent que 85 p. 100 des amputations liées au diabète pourraient être évitées grâce à une intervention précoce. Cela devrait inciter les organismes de financement à allouer davantage de ressources aux mesures préventives, notamment aux programmes de formation, à l’éducation en santé publique et à la fourniture des outils de dépistage nécessaires. Les décideurs politiques devraient envisager d’encourager et de soutenir de tels partenariats afin d’améliorer l’efficacité et la portée des programmes de soins de santé.
De plus, les enseignements du projet en matière de compétences culturelles sont particulièrement précieux pour travailler avec les collectivités autochtones. Ces résultats devraient orienter les futures politiques et pratiques de soins de santé afin de garantir un soutien en matière de sécurité culturelle et de protocoles éthiques qui renforcent la confiance et le respect des différences culturelles.
En conclusion, le projet démontre l’efficacité des programmes de formation ciblés et l’importance des partenariats communautaires, éclairant les politiques et les pratiques. Ces enseignements contribuent à un système de santé plus équitable pour tous les Canadiens et les Canadiennes, et soulignent le rôle central de l’apprentissage continu et des partenariats communautaires solides.
Perspectives du CCF
Soins du pied diabétique et préservation des membres inférieurs : Élaborer en Ontario une initiative en matière de santé fondée sur la valeur
Best Foot Forward: Upskilling Human Resources for High-Risk Foot Care
Better Foot Forward Project: Third-Party Evaluation Services
Des questions sur notre travail ? Souhaitez-vous avoir accès à un rapport en anglais ou en français ? Veuillez contacter communications@fsc-ccf.ca.
Plus de CCF
Réduction des émissions et demande de main-d’œuvre dans les métiers spécialisés
Combler le fossé générationnel : Les compétences numériques dans les métiers spécialisés
Programme de formation avancée en compétences numériques et professionnelles (ADaPT)
Comment Citer Ce Rapport
Brown, C-M. (2025). Rapport de perspectives de projet : Perfectionnement et recyclage des compétences des travailleurs et des travailleuses de la santé au Canada, The Michener Institute of Education at University Health Network. Toronto : Centre des Compétences futures. https://fsc-ccf.ca/fr/projets/upskilling-healthcare-workers/
Perfectionnement et recyclage des compétences des travailleurs et des travailleuses de la santé au Canada est financé par le gouvernement du Canada dans le cadre du programme Compétences futures. Les opinions et les interprétations contenues dans cette publication sont celles de l’auteur et ne reflètent pas forcément celles du gouvernement du Canada.


