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Les pénuries de main-d’œuvre freinent la productivité : Combler le fossé dans les domaines de la santé, des métiers et des technologies

Au Canada, il manque 64 000 travailleuses et travailleurs qualifiés, notamment des ingénieurs, des gens de métier et du personnel infirmier et éducatif. On estime que cette pénurie représentait 2,6 milliards de dollars de PIB perdu en 2024, ce qui a considérablement freiné la croissance de la productivité au Canada.

La productivité mesure ce que nous produisons avec les ressources dont nous disposons. Elle est un moteur déterminant du niveau de vie. Lorsque la croissance de la productivité ralentit, l’économie génère moins de nouveaux revenus – ce qui laisse moins à partager entre les travailleurs et les travailleuses, les entreprises et les gouvernements à l’échelle du Canada.

Nos recherches récentes se penchent sur ces pénuries de main-d’œuvre et proposent des solutions réalisables pour combler les lacunes en matière de compétences et améliorer la productivité du Canada, afin de garantir une main-d’œuvre plus résiliente et compétitive.

Les pénuries de main-d’œuvre : Un défi persistant

Les conditions générales du marché du travail se normalisent, les taux de chômage et de postes vacants revenant à leurs niveaux d’avant la pandémie. Si les pénuries généralisées observées pendant la pandémie se sont atténuées, les écarts entre les taux de postes vacants selon les professions se sont considérablement creusés. Ainsi, même si la situation se stabilise, de nombreux postes continuent de faire face à des pénuries persistantes. 

Les travailleurs et les travailleuses dont nous avons besoin sont plus qualifiés que l’employé moyen

Nous avons regroupé les professions présentant des profils de compétences similaires afin de saisir les répercussions plus larges des pénuries de main-d’œuvre qualifiée, au lieu d’analyser les professions de façon isolée. En comparant les taux de postes vacants actuels aux niveaux d’avant la pandémie, quatre groupes de professions se distinguent comme étant les plus touchés par la pénurie de travailleuses et de travailleurs qualifiés : les ingénieurs, le personnel technique (principalement dans le domaine de la santé), le personnel qualifié du secteur des biens (métiers spécialisés) et le personnel qualifié du secteur des services (en particulier le personnel infirmier et éducatif). Ces professions doivent être occupées par des travailleurs et des travailleuses ayant un niveau de qualification supérieur à la moyenne dans toutes les catégories de compétences – en particulier les compétences techniques, où les écarts sont les plus importants. (Voir le graphique ci-dessous.)


Les professions comptant des postes vacants excédentaires ont des exigences plus élevées en matière de compétences que les postes moyens au Canada
(Classement des compétences du SIPeC pour les professions qui comptent des postes vacants excédentaires et pour l’ensemble des professions, 2024T3)

Remarques : La moyenne des compétences requises est pondérée en fonction des parts de l’emploi selon le recensement de 2021; les compétences requises pour les postes vacants excédentaires sont pondérées en fonction des postes vacants excédentaires, calculés comme étant l’écart dans les taux de postes vacants par groupe de compétences par rapport aux niveaux de 2015T2 à 2020T1.
Sources : Statistique Canada; Le Conference Board du Canada; Emploi et Développement social Canada

Il ne sera pas facile de remédier à ces pénuries de compétences. Cela nécessitera de prévoir des programmes exigeants de reconversion professionnelle pour la main-d’œuvre actuelle et d’attirer de nouveaux travailleurs et travailleuses ayant les compétences techniques requises.

Les solutions traditionnelles ne suffisent plus

Traditionnellement, trois leviers principaux sont utilisés pour résoudre les pénuries de main-d’œuvre et de compétences : la formation et la requalification, la migration interprovinciale et l’immigration. Bien que chacun de ces leviers contribue à réduire les pénuries de main-d’œuvre, aucun n’est suffisant à lui seul, en particulier lorsque ces pénuries sont généralisées.

  • La formation prend du temps. Près de 80 p. 100 des postes vacants exigent des études postsecondaires formelles, mais seuls 57 p. 100 des Canadiens et des Canadiennes en âge de travailler (de 25 à 64 ans) détiennent un titre d’études postsecondaires. Les professions qui connaissent les plus graves pénuries de main-d’œuvre – génie, soins infirmiers, éducation et métiers spécialisés – nécessitent des grades ou des diplômes exigeant plusieurs années d’études, ou de longs apprentissages.
  • La migration interprovinciale ne permet pas d’atténuer les pénuries généralisées. Ces professions essentielles font face à des pénuries de travailleuses et de travailleurs qualifiés dans toutes les régions du Canada. Si la migration interprovinciale peut contribuer à réduire les pénuries à l’échelle locale dans les professions peu spécialisées, ces mesures ne permettront pas de réduire de façon significative le nombre de postes vacants excédentaires, compte tenu de l’ampleur des pénuries et des compétences requises.
  • L’immigration n’est pas totalement adaptée aux besoins du marché du travail. Trop peu de nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes possèdent un diplôme d’études collégiales ou une certification professionnelle dont on a un besoin urgent dans les services et les métiers spécialisés, comme l’éducation et les soins infirmiers. De nombreux immigrants et immigrantes rencontrent en outre des obstacles, comme la reconnaissance des titres de compétences étrangers et l’obtention d’un permis d’exercice, qui retardent ou empêchent leur entrée sur le marché du travail. 

Il est temps d’agir de façon coordonnée.

La pénurie de main-d’œuvre hautement qualifiée devrait persister tout au long de la décennie. Les décideurs politiques en matière d’éducation et d’immigration ont un rôle clé à jouer, tant pour accroître les capacités de formation que pour aligner les voies d’immigration sur les besoins réels du marché du travail. Sans une action audacieuse et coordonnée de la part du gouvernement et des prestataires de services d’éducation et de formation, ces pénuries continueront de peser sur des secteurs essentiels et de limiter la productivité du Canada.

Il faut agir dès maintenant.

Recommandations à l’intention des dirigeants d’universités et de collèges

  • Développer les programmes dans des domaines essentiels comme les soins infirmiers, les diagnostics paramédicaux et l’installation de systèmes de transmission d’énergie et d’électricité, ainsi que dans d’autres métiers spécialisés, en augmentant la capacité d’inscription et d’obtention de diplôme.
  • Renforcer le soutien aux étudiants et aux étudiantes en élargissant l’accès à l’aide financière, aux stages de formation pratique et aux services d’orientation professionnelle afin d’augmenter les taux d’obtention de diplôme et l’employabilité.

Recommandations à l’intention du gouvernement fédéral

  • Modifier le système d’immigration à points du Canada afin d’accorder plus de poids aux métiers spécialisés et aux professions techniques, et moins d’importance aux grades universitaires.
  • Simplifier le processus de résidence permanente pour les diplômés étrangers dans les domaines à forte demande comme la santé, l’éducation et les métiers spécialisés.
  • Élargir le Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers afin d’accélérer la délivrance de permis et l’intégration professionnelle des nouveaux arrivants et des nouvelles arrivantes, en particulier dans les domaines de la santé et des métiers spécialisés.

En augmentant la capacité de formation, en renforçant les systèmes de soutien aux étudiants et aux étudiantes et en simplifiant les parcours des professionnels formés à l’étranger, le Canada peut se doter d’une main-d’œuvre plus résiliente et compétitive.

Les points de vue, les réflexions et les opinions exprimés ici sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue, la politique officielle ou la position du Centre des Compétences futures ou de l’un de ses membres du personnel ou des partenaires du consortium.