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Obstacles à l’emploi des immigrants : Les employeurs reconnaissent-ils l’expérience, la qualification et les titres de compétences acquis à l’étranger?

Le Canada cherche à attirer des immigrants hautement qualifiés ou instruits. Il est cependant souvent difficile pour les immigrants de trouver des emplois qui font appel à leurs compétences, en particulier lorsque les employeurs ne reconnaissent pas l’expérience ou la qualification professionnelles qu’ils ont acquises avant de déménager au Canada.

Il y a plusieurs dimensions à ce problème. Dans certains cas, les employeurs ont simplement des préjugés à l’encontre de l’expérience obtenue ou de la formation suivie à l’étranger par rapport à l’équivalent canadien. Il peut s’agir d’un parti pris en faveur de ce qui nous est le plus familier ou, parfois, d’une discrimination à l’égard des personnes provenant de cultures ou de pays différents. Dans d’autres cas, les employeurs peuvent avoir du mal à comprendre ce que signifient les titres de compétences acquis à l’étranger (à quoi correspondent-ils en termes canadiens?). Dans d’autres cas encore, les immigrants peuvent être écartés des emplois pour lesquels ils ont été formés parce qu’ils ne disposent pas du sésame délivré par une association professionnelle au Canada. Pour avoir un exemple du problème tel qu’il touche les immigrants dans le secteur des soins de santé, consultez les documents publiés par la SRSA en lien avec le projet suivant : L’intégration sur le marché du travail des professionnels de la santé formés à l’étranger.

Afin de mesurer l’ampleur du problème, nous avons, dans le cadre du Sondage sur l’emploi et les compétences, interrogé les immigrants au sujet de leurs expériences au sein du marché du travail canadien. Plus précisément, nous leur avons demandé si chacun des facteurs suivants constituait un obstacle majeur à leur progression professionnelle au Canada, un obstacle modéré, un obstacle mineur ou ne constituait absolument pas un obstacle :

  • Le fait que des employeurs ne valorisent pas l’expérience professionnelle que vous avez acquise dans un autre pays avant de déménager au Canada.
  • Le fait que des employeurs ne reconnaissent pas la qualification professionnelle que vous avez acquise dans un autre pays avant de déménager au Canada.
  • Le fait que des employeurs ne reconnaissent pas le titre de compétences (par exemple un diplôme ou un grade) que vous avez acquis dans un autre pays avant de déménager au Canada.

Et voici ce que nous avons constaté :

Obstacles à la progression professionnelle des immigrants au Canada

Sous-échantillon : personnes nées hors du Canada

Remarque : Veuillez me dire si chacun des facteurs suivants constitue un obstacle majeur à votre progression professionnelle au Canada, un obstacle modéré ou ne constitue absolument pas un obstacle…
Source : Sondage sur l’emploi et les compétences (V7-juin 2024)

Environ un immigrant sur quatre affirme que chacun de ces facteurs constitue un obstacle majeur à sa progression professionnelle au Canada et un peu plus de deux immigrants sur cinq indiquent que chaque facteur constitue un obstacle majeur ou modéré.

La question a été posée à tous les immigrants, qu’ils fassent ou non partie de la population active (puisqu’il est possible que certains de ceux ayant fait face à ces obstacles aient quitté la population active pour cette raison). L’option de répondre que la question « ne s’applique pas » a été incluse à la fois parce que certaines personnes peuvent faire le choix de ne pas travailler (et ne sont donc pas en mesure de parler des obstacles à leur carrière) et parce que certains immigrants n’ont peut-être pas d’expérience, de qualification ou de titre de compétences acquis à l’étranger (par exemple s’ils sont arrivés au Canada durant leur enfance).

Lorsqu’on examine les résultats pour les seules personnes appartenant actuellement à la population active (ce qui signifie qu’elles sont soit employées, soit à la recherche d’un emploi), on constate qu’elles sont légèrement plus nombreuses à affirmer que le fait que des employeurs ne reconnaissent pas leur expérience, leur qualification ou leurs titres de compétences constitue pour elles un obstacle au travail. Entre 46 et 48 p. 100 d’entre elles déclarent que chacun de ces facteurs constitue un obstacle majeur ou modéré.

Obstacles à la progression professionnelle des immigrants au Canada

Sous-échantillon : personnes nées hors du Canada et faisant partie de la population active

Remarque : Veuillez me dire si chacun des facteurs suivants constitue un obstacle majeur à votre progression professionnelle au Canada, un obstacle modéré ou ne constitue absolument pas un obstacle…
Source : Sondage sur l’emploi et les compétences (V7-juin 2024)

Une autre façon de faire état des défis auxquels sont confrontés les immigrants consiste à compter combien des trois facteurs mentionnés – le manque de reconnaissance de l’expérience professionnelle, de la qualification professionnelle et des titres de compétences – sont rencontrés et considérés comme des obstacles majeurs : certains peuvent n’en rencontrer aucun, tandis que d’autres peuvent se heurter aux trois. En tout, 16 p. 100 des immigrants déclarent que ces trois facteurs ont constitué des obstacles majeurs, tandis qu’ils sont 7 p. 100 à en citer deux, 13 p. 100 à en signaler un seul et 64 p. 100 à n’en indiquer aucun.

Immigrants récents et racisés

Les immigrants n’ont pas tous la même probabilité de rencontrer ces obstacles. Les expériences varient considérablement en fonction de deux facteurs : la durée de résidence au Canada et l’identité raciale. Les réponses ne varient pas significativement selon le genre. Les immigrants âgés (55 ans et plus) sont moins susceptibles d’avoir rencontré chacun de ces obstacles, mais ce peut être dû à la durée de résidence au Canada (la plupart des immigrants âgés sont au Canada depuis 25 ans ou plus). Les immigrants âgés sont également moins susceptibles de faire partie de la population active. 

Il n’est guère surprenant que les immigrants récents, ceux qui sont au Canada depuis au maximum cinq ans, soient les plus susceptibles de déclarer que le manque de reconnaissance de leur expérience, de leur qualification ou de leurs titres de compétences acquis à l’étranger constitue un obstacle majeur ou modéré à leur progression professionnelle. Il est toutefois remarquable que ce manque soit également pointé par plus d’un immigrant sur deux résidant au Canada depuis plus longtemps (entre 6 et 15 ans) et plus de deux immigrants sur cinq résidant au Canada depuis 16 à 25 ans.

Obstacle majeur ou modéré à la progression professionnelle des immigrants au Canada, selon la durée de résidence au Canada

Sous-échantillon : personnes nées hors du Canada

Remarque : Veuillez me dire si chacun des facteurs suivants constitue un obstacle majeur à votre progression professionnelle au Canada, un obstacle modéré ou ne constitue absolument pas un obstacle…
Source : Sondage sur l’emploi et les compétences (V7-juin 2024)

Le sondage ne nous permet pas de déterminer si les immigrants qui résident au Canada depuis de nombreuses années se fondent sur des expériences récentes ou se souviennent des obstacles qu’ils ont rencontrés peu après leur arrivée. Nous pouvons juste faire deux observations : d’une part, les immigrants récents sont les plus susceptibles d’être touchés; d’autre part, une proportion importante (plus de 40 p. 100) des immigrants qui résident au Canada depuis plus longtemps indiquent également s’être heurtés à ce type d’obstacle à leur progression professionnelle.

En outre, les immigrants racisés sont beaucoup plus susceptibles de faire face à ces obstacles que les immigrants blancs. Les réponses ne varient pas significativement selon le genre. Les immigrants âgés (55 ans et plus) sont moins susceptibles d’avoir rencontré chacun de ces obstacles, mais ce peut être dû à la durée de résidence au Canada (la plupart des immigrants âgés sont au Canada depuis 25 ans ou plus). Les immigrants âgés sont également moins susceptibles de faire partie de la population active. Les immigrants qui se définissent comme Asiatiques du Sud sont particulièrement susceptibles d’avoir été confrontés au manque de reconnaissance de leur expérience, de leur qualification ou de leurs titres de compétences acquis à l’étranger et de l’avoir considéré comme un obstacle majeur ou modéré à leur progression au travail.

Obstacle majeur ou modéré à la progression professionnelle des immigrants au Canada, selon l’identité raciale

Sous-échantillon : personnes nées hors du Canada

Remarque : Veuillez me dire si chacun des facteurs suivants constitue un obstacle majeur à votre progression professionnelle au Canada, un obstacle modéré ou ne constitue absolument pas un obstacle…
Source : Sondage sur l’emploi et les compétences (V7-juin 2024)

Comme le montrent les deux graphiques suivants, la proportion d’immigrants affirmant qu’un ou plusieurs de ces facteurs ont constitué des obstacles majeurs à leur progression professionnelle est bien plus élevée au sein des deux groupes concernés, c’est-à-dire les immigrants qui sont arrivés au Canada plus récemment et ceux qui sont racisés (une fois encore, tout particulièrement parmi ceux qui se définissent comme Asiatiques du Sud, même si les immigrants qui se définissent comme Noirs sont les plus susceptibles de s’être heurtés aux trois obstacles).

Nombre d’obstacles majeurs rencontrés (sur 3), selon la durée de résidence au Canada

Sous-échantillon : personnes nées hors du Canada

Remarque : Veuillez me dire si chacun des facteurs suivants constitue un obstacle majeur à votre progression professionnelle au Canada, un obstacle modéré ou ne constitue absolument pas un obstacle…
Source : Sondage sur l’emploi et les compétences (V7-juin 2024)

Nombre d’obstacles majeurs rencontrés (sur 3), selon l’identité raciale

Sous-échantillon : personnes nées hors du Canada

Remarque : Veuillez me dire si chacun des facteurs suivants constitue un obstacle majeur à votre progression professionnelle au Canada, un obstacle modéré ou ne constitue absolument pas un obstacle…
Source : Sondage sur l’emploi et les compétences (V7-juin 2024)

Impact des obstacles

Comme nous travaillons avec les données du sondage, nous ne pouvons pas tirer de conclusions catégoriques sur l’incidence de ces obstacles sur la réussite des immigrants au sein du marché du travail depuis leur arrivée au Canada (nous n’avons pas accès à l’historique détaillé de l’emploi et des revenus, par exemple). Cependant, nous avons quelques pistes. La satisfaction au travail est plus faible chez les immigrants pour qui au moins un des trois facteurs représente un obstacle majeur, comparativement à ceux pour qui aucun des facteurs ne constitue un obstacle majeur. De plus, ceux qui ont rencontré au moins un obstacle majeur sur trois sont plus susceptibles d’être inquiets quant à la possibilité pour eux ou pour un proche parent de trouver ou de conserver un emploi stable à temps plein, et sont plus susceptibles de considérer leur revenu insuffisant.

Les immigrants forment un segment important de la population active du Canada. Le mésusage de leur éducation, de leur formation et de leurs compétences représente une perte aussi bien pour les personnes concernées que pour la prospérité générale du pays. Les gouvernements, les employeurs et les groupes de défense sont conscients que ce manque de reconnaissance de l’expérience, de la qualification et des titres de compétences représente un problème. Ces résultats de sondage peuvent renforcer cette prise de conscience en allant au-delà des preuves anecdotiques et en documentant l’ampleur du problème du point de vue des immigrants, sur la base de leurs expériences en matière de recherche d’emploi au Canada. Comme nous l’avons constaté, le manque de reconnaissance de l’expérience, de la qualification ou des titres de compétences acquis à l’étranger constitue, dans une mesure modérée tout du moins, un obstacle à l’emploi pour plus de deux immigrants sur cinq appartenant à la population active. Il faudrait que des enquêtes, telles que le Sondage sur l’emploi et les compétences, reviennent sur ce problème dans le futur afin de déterminer si des progrès sont accomplis pour y remédier.

Les données de cet article proviennent du Sondage sur l’emploi et les compétences. Ce sondage est réalisé par l’Environics Institute for Survey Research, en partenariat avec le Diversity Institute de l’Université métropolitaine de Toronto (Toronto Metropolitan University) et le Centre des Compétences futures. La 7e vague de l’étude consiste en un sondage mené dans l’ensemble des provinces et territoires entre le 30 mai et le 4 juillet 2024, auprès de 5 855 Canadiennes et Canadiens âgés de 18 ans et plus. Elle a eu lieu à la fois en ligne (dans les provinces) et par téléphone (dans les territoires). L’auteur est seul responsable des erreurs de présentation ou d’interprétation.

Initialement, cet article a été publié sur le blogue Substack Canadian Survey Stuff.

Les points de vue, les réflexions et les opinions exprimés ici sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue, la politique officielle ou la position du Centre des Compétences futures ou de l’un de ses membres du personnel ou des partenaires du consortium.