Skills, Explore, Achieve, Revive (SOAR)

L’enjeu

Les personnes de métier, les opérateurs de transport et les opérateurs de machines, représentant le deuxième groupe professionnel en importance à Terre-Neuve-et-Labrador, font partie des groupes les plus fortement touchés par la pandémie de COVID-19. Lorsque le travail a repris et la demande de personnes de métier a augmenté, les personnes de métier en début de carrière ont eu du mal à terminer leurs apprentissages, tout en répondant aux exigences du secteur. Les établissements d’enseignement offrant une formation dans les métiers souhaitaient garder les étudiants qui risquaient d’être congédiés et les employeurs souhaitaient maintenir en poste les travailleurs qui risquaient un licenciement.

Les soutiens existants, souvent offerts aux personnes de métier par l’entremise de leur employeur ou de leur syndicat, ont leurs limites. Ces soutiens peuvent être coûteux, inaccessibles ou insuffisants pour pallier les lacunes en formation et surmonter les obstacles – comme les problèmes de santé mentale – ce qui peut borner la réussite des travailleurs. Selon des études, les personnes des métiers qualifiés, en particulier dans le secteur de la construction, sont plus susceptibles d’avoir des problèmes de santé mentale, comme l’épuisement professionnel et les idées suicidaires, en raison des longues heures de travail, des délais serrés, de l’incertitude de l’emploi, des pressions financières et de l’obligation de travailler loin de chez soi. Ces études soulignent qu’au sein de ce secteur, les problèmes de santé mentale et la recherche de soutien sont perçus comme une faiblesse personnelle. Cette attitude prévaut à tous les échelons du secteur, des cadres aux conducteurs des travaux, en passant par les personnes de métier en début de carrière.

Ce que nous examinons

Le Murphy Centre à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, propose des services pédagogiques pour adultes et de perfectionnement personnel et professionnel axés sur la personne. Il a incité un réseau de syndicats de métiers, d’établissements de formation et d’organismes communautaires à créer le projet Skills, Explore, Achieve, Revive (SOAR) et à combler ainsi la demande de personnes de métier qualifiées sur le marché du travail local.

Le projet SOAR visait à fournir des services de soutien gratuits, comme la préparation aux examens, le tutorat en mathématiques, l’orientation professionnelle et l’accompagnement personnel aux apprentis et aux personnes de métier en début de carrière, dans l’espoir de favoriser leur progression professionnelle et leur maintien dans le secteur des métiers qualifiés.

Le projet SOAR était proposé aux résidents de Terre-Neuve-et-Labrador qui souhaitaient explorer des carrières dans le secteur des métiers qualifiés, qui étaient actuellement inscrits à une formation en métiers qualifiés ou qui étaient employés dans le secteur des métiers qualifiés.

Ce que nous apprenons

Entre 2020 et 2023, l’équipe de SOAR a servi 136 participants au programme : 62 % des participants ont bénéficié d’un accompagnement, 32 % ont bénéficié d’un tutorat et 6 % des deux.

Sur les 186 personnes initialement intéressées par le programme SOAR, 50 % étaient des jeunes âgés de 15 à 29 ans, 34 % étaient des femmes, 33 % étaint des handicapés et 31 % étaient des personnes dépourvues de compétences essentielles.

Sur les 22 participants qui ont répondu à un sondage après le programme, 86 % se sont déclarés extrêmement satisfaits du soutien qu’ils ont reçu. Tous ces répondants ont estimé que SOAR répondait très bien ou extrêmement bien à leurs besoins. De plus, 86 % ont mentionné une forte probabilité de réutiliser les services, tandis que 73 % ont déclaré qu’ils étaient très enclins à recommander le programme à d’autres personnes.

Défis liés à la création de partenariats et au recrutement
Au début, le recrutement des participants a été plus faible en raison des difficultés liées à la mise en place d’un réseau de partenaires censés être les principales sources d’orientation. En révisant sa stratégie de communication de manière à la faire porter sur la promotion directe du programme auprès du public cible, l’équipe de SOAR a pu toucher au but. Ces efforts comprenaient des campagnes sur les médias sociaux, des affiches et des vidéos promotionnelles. D’autres fournisseurs de services ont également fait des renvois au programme. Les liens avec ces derniers ont entraîné des changements dans les services offerts afin de réduire les chevauchements et les renvois en vue de services dépassant la surface d’action des partenaires du projet.

Besoins complexes
De nombreux participants qui ont pris part au projet SOAR ont eu besoin d’un soutien intense, nécessitant une évaluation des besoins et des plans individualisés. Les participants présentaient des troubles d’apprentissage, des années de traumatisme, des épisodes de stress professionnel ou financier, des problèmes interpersonnels, de l’anxiété, de la dépression, des dépendances et une insécurité liée au logement. Bon nombre de ces problèmes nécessitaient beaucoup plus de temps que prévu, de sorte que les partenaires du projet ont réduit l’orientation professionnelle (qui était également proposée par d’autres partenaires) et se sont attardés sur l’offre de services d’accompagnement plus personnels. Les séances d’accompagnement psychologique offraient aux participants un espace sûr pour échanger au sujet de leur vie professionnelle, de leur formation ou de problèmes personnels influant sur leur capacité à suivre la formation ou à accomplir leur travail.

Tutorat spécifique au métier
À l’origine, les services de tutorat avaient pour but d’assurer un soutien scolaire aux étudiants, y compris aux apprentis, qui avaient du mal à réussir leurs examens et à passer aux niveaux supérieurs de leur apprentissage. Le partenaire du projet s’attendait que les établissements de formation révèlent leurs programmes d’études afin que la conception du tutorat SOAR se concentre sur des sujets de formation précis. Cependant, les établissements de formation partenaires du réseau étaient réticents à partager leurs propres programmes de formation, craignant que l’information ne serve à la création de programmes concurrents. Le personnel des partenaires a donc conçu le tutorat autour du programme provincial des compétences essentielles en mathématiques, qui dresse les contours des principales compétences mathématiques nécessaires pour les différents métiers qualifiés. Cette modification a certes permis d’assouplir les critères d’admissibilité au programme de façon à inclure les personnes n’appartenant pas à des métiers qualifiés qui souhaitaient optimiser leurs compétences en mathématiques, mais les personnes de métier participant au programme voulaient souvent un tutorat axé sur leur métier.

Pourquoi c’est important

Le secteur des métiers qualifiés est confronté à des pénuries de main-d’œuvre dans tout le pays. Il est attendu que la demande s’accentue à mesure que le Canada fait la transition vers une économie carboneutre et s’attaque à la crise du logement. Beaucoup d’efforts sont déployés pour recruter davantage de personnes dans les métiers qualifiés, notamment des jeunes, des nouveaux arrivants, des femmes et des personnes des groupes racisés. Ce projet s’est efforcé d’appuyer le maintien et la progression des travailleurs dans les métiers qualifiés en les épaulant tout au long de leur apprentissage et en leur fournissant un accompagnement personnel pour atténuer les problèmes de santé mentale et de bien-être qui entravent leur travail.

Toutefois, ce projet met en évidence la complexité du travail intersectoriel, même en présence d’entente sur un but commun, à savoir le maintien et la progression des travailleurs dans les métiers qualifiés. Les employeurs, les syndicats et les établissements de formation doivent créer conjointement des solutions avec les organismes de services communautaires plutôt que de se contenter de recenser les problèmes. Dans ce projet, le manque d’entendement entre les partenaires quant à la solution proposée, notamment en ce qui concerne les renvois et le programme d’études, a compromis les résultats pour les participants.

State of Skills:
Innovation en matière de formation, de recrutement et de perfectionnement pour les métiers spécialisés

Le Canada doit s’attaquer aux lacunes de longue date en matière de professionnels qualifiés afin de faire avancer les priorités politiques en matière de décarbonisation, de logement abordable et de transformation de l’industrie pour ajouter plus de valeur à ce que nous produisons

Lire le rapport

De nombreux projets de formation et d’acquisition de compétences feraient bien de s’associer à des organismes de services sociaux afin d’apporter des soutiens visant à aplanir les obstacles dans la vie des travailleurs, comme la sécurité du logement, les problèmes de santé mentale et les dépendances. Les interventions visant les compétences ne peuvent pas à elles seules garantir le maintien des travailleurs confrontés à ces obstacles sur le marché du travail, ou leur réintégration s’ils l’ont quitté. Les décideurs devraient encourager la collaboration entre les organismes de formation et d’acquisition des compétences et d’autres organismes de services sociaux afin de répondre aux besoins complexes auxquels de nombreux travailleurs sont confrontés aujourd’hui.