Polygon Created with Sketch. Blog

Le chômage est-il un problème de santé publique ?

Au cas où vous l’auriez manqué, un nouveau rapport sur le chômage au Canada publié par Sondage sur l’emploi et les compétences examine les raisons pour lesquelles certaines personnes quittent le marché du travail (merci à mes collègues du Centre des Compétences futures et de l’Institut de la diversité d’avoir coécrit et publié ce rapport).

Le rapport remet en question le concept de « travailleur découragé ». La sagesse conventionnelle, selon moi, est que certaines personnes au chômage finissent par se décourager lorsqu’elles ne parviennent pas à trouver un emploi et abandonnent leur recherche. Ces travailleurs découragés pourraient être incités à revenir sur le marché du travail lorsque l’économie se redressera et que les employeurs recommenceront à embaucher. On soupçonne également que les « travailleurs découragés » peuvent être incités à reprendre leur recherche d’emploi lorsque les salaires augmentent ou (de manière plus draconienne) lorsque les prestations sont réduites – ce qui les pousse à recalculer les coûts et les avantages de la recherche d’un emploi par rapport au maintien à la maison.
 

Personnes au chômage et ne cherchant pas d’emploi : caractéristiques

Ces données sont basées sur une combinaison des vagues 3 à 6 du sondage, menées entre 2021 et 2023. L’échantillon combiné comprend 1 574 personnes au chômage et à la recherche d’un emploi, et 734 personnes au chômage et non à la recherche d’un emploi.

Les choses commencent à se présenter différemment lorsque nous examinons les caractéristiques des personnes qui sont au chômage mais qui ne cherchent pas d’emploi. Les résultats les plus frappants sont liés à la santé.

Par rapport aux personnes qui ont un emploi ou qui sont au chômage et à la recherche d’un emploi, celles qui sont au chômage mais ne cherchent pas d’emploi sont beaucoup plus susceptibles de déclarer que leur santé physique et mentale est passable ou mauvaise, et beaucoup plus susceptibles de déclarer qu’elles ont un handicap physique ou mental qui limite leur activité quotidienne. Seuls 16 % des chômeurs qui ne cherchent pas de travail ne déclarent aucune incapacité, contre 52 % des chômeurs qui cherchent du travail et 66 % des personnes qui ont un emploi.

Santé physique (autodéclarée), par statut d’emploi

Personnes handicapées (auto-déclarées), par statut d’emploi

Raisons de ne pas chercher d’emploi

Le sondage a également demandé aux chômeurs qui ne cherchent pas d’emploi d’expliquer pourquoi ils ne cherchent pas de travail pour l’instant. Il s’agissait d’une question ouverte, c’est-à-dire que les participants au sondage pouvaient y répondre en utilisant leurs propres mots. Les réponses individuelles sont regroupées sous des thèmes communs.

Cette question a été posée dans les vagues 3 à 5 du sondage. Cette question a été posée à 582 personnes au chômage et ne cherchant pas d’emploi. Les résultats présentés ici combinent les réponses des trois vagues du sondage et ne sont pas pondérés. Comme certains ont donné plus d’une raison, 591 réponses ont été comptabilisées.

La raison la plus fréquente de ne pas chercher de travail est liée à la santé (mais pas particulièrement à la COVID-19) : 44 % déclarent avoir un handicap qui les empêche de travailler ; 10 % mentionnent l’anxiété, la dépression ou un problème de santé mentale ; et 9 % déclarent avoir un problème de santé ou un problème médical.

Si l’on combine ces données, 63 % de ce groupe de chômeurs canadiens déclarent ne pas chercher de travail en raison d’un handicap, d’un problème de santé physique ou d’un problème de santé mentale (autre que la pandémie). En revanche, seule une petite proportion de ce groupe de chômeurs canadiens peut être qualifiée de « découragée », en ce sens qu’elle a suspendu sa recherche d’emploi parce qu’elle a l’impression qu’il n’y a pas d’emplois disponibles – cela ne concerne que 19 des 591 réponses (3 %).

En outre, environ un chômeur sur six (16 %) qui n’est pas à la recherche d’un emploi refuse de donner une raison pour laquelle il ne cherche pas de travail. Il est possible que ceux qui ne donnent pas de réponse soient des travailleurs découragés qui ne veulent tout simplement pas exprimer (ou admettre) leur découragement dans le contexte du sondage. Si c’est le cas, la proportion découragée peut être plus élevée que les 3 % mentionnés ci-dessus. Une telle conclusion est plausible, mais spéculative. Il est également possible que certaines des personnes qui ont quitté leur emploi pendant la pandémie pour s’occuper de leurs enfants ou d’autres membres de leur famille ne se déclarent pas chômeurs mais ne cherchent pas de travail – dans ce cas, les raisons pour lesquelles elles sont au chômage ne seraient pas prises en compte dans cette partie de l’enquête. Même si certaines données sur les raisons de l’absence de recherche d’emploi ne sont pas claires, elles n’éclipsent pas les données relatives à l’état de santé et à l’invalidité. Une grande majorité des chômeurs qui ne recherchent pas d’emploi expliquent leur situation en évoquant un handicap ou un problème de santé physique ou mentale.

À la question de savoir pourquoi elles ne cherchent pas de travail, de nombreuses personnes répondent simplement qu’elles sont malades ou handicapées, sans plus de précisions. Voici cependant quelques exemples plus expressifs des raisons que les personnes de ce groupe ont elles-mêmes invoquées, avec leurs propres mots. 

En définitive, parmi les chômeurs qui ne cherchent pas d’emploi, les raisons les plus courantes sont liées à des problèmes de santé physique ou mentale ou à un handicap, et ce dans une large mesure. Si ces constatations indiquent que la mauvaise santé et le handicap sont des facteurs qui poussent les gens à cesser de chercher du travail, il est possible que, pour certaines personnes au moins, l’influence aille dans la direction opposée : le fait de ne pas être actif sur le marché du travail (et l’absence de revenu d’emploi qui en découle) peut conduire à une détérioration de la santé physique et mentale.

Si certains Canadiens qui sont au chômage mais ne cherchent pas d’emploi peuvent être « découragés » par l’impression qu’il n’y a pas d’emplois disponibles pour eux, beaucoup d’autres déclarent qu’ils sont physiquement ou mentalement incapables de travailler de manière régulière.

Cela suggère que le chômage au Canada doit être abordé, au moins en partie, comme une question de santé publique. Nous avons besoin de meilleures mesures d’adaptation pour les personnes handicapées, ainsi que d’une plus grande acceptation du handicap sur le lieu de travail. Les problèmes de santé mentale doivent être mieux reconnus et mieux traités. Et nous avons besoin de mesures de prévention pour améliorer la santé physique globale de la population.

Aucun « signal du marché du travail » – c’est-à-dire aucune combinaison de panneaux « aide recherchée » et d’ajustements des niveaux de salaires et de prestations – ne parviendra à inciter les gens à réintégrer le marché du travail s’ils sont en fait trop malades ou trop handicapés pour travailler.

Lisez tous les résultats détaillés sur ce sujet dans notre rapport complet sur Le chômage au Canada : Rapport du sondage sur l’emploi et les compétences

Cet article a été reproduit avec l’autorisation de l’auteur Andrew Parkin et de l’Environics Institute for Survey and Research. Il a été publié à l’origine sur le site Substack de M. Parkin.

Les points de vue, les réflexions et les opinions exprimés ici sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue, la politique officielle ou la position du Centre des Compétences futures ou de l’un de ses membres du personnel ou des partenaires du consortium.