RAPPORT DE PERSPECTIVES DE PROJET

Labo sur la l’éducation à la petite enfance NOULab

SOMMAIRE

Bien avant l’augmentation de la demande provoquée par le Système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, les éducateurs et éducatrices de la petite enfance (EPE) faisaient face à une pression croissante d’acquérir de nouvelles compétences et de nouveaux titres, sans que cela s’accompagne d’une augmentation des salaires, d’une bonification des avantages sociaux ou d’une amélioration des conditions de travail. Si les salaires et les conditions de travail ne s’améliorent pas, on craint qu’il n’y ait pas suffisamment d’éducateurs et éducatrices de la petite enfance qualifiées pour mettre en œuvre le programme national.

Grâce à ce projet, les laboratoires d’innovation sociale ont pu mettre en place des prototypes qui répondraient à deux questions :

  • Comment pourrions-nous aider les éducateurs et éducatrices travaillant au sein de garderies éducatives à obtenir des exigences de formation en EPE tout en s’efforçant d’offrir un apprentissage et un service de garde d’enfants de qualité?
  • Comment pourrions-nous créer les conditions d’expériences de travail épanouissantes pour les exploitants et les éducateurs?

Les parties prenantes de l’ensemble des provinces atlantiques ont conjugué leurs efforts au cours de deux rondes pour créer huit prototypes qui ont été mis à l’épreuve dans quelques garderies. Les essais ont donné lieu à des résultats prometteurs qui méritent d’être approfondis, tandis que le processus du laboratoire d’innovation sociale a permis de solidifier les relations et de bâtir une communauté de vues sur les enjeux concernant l’ensemble du réseau. Le projet fait écho aux conclusions d’autres industries et secteurs sur le rôle essentiel des superviseurs et des gestionnaires dans l’accès d’un travailleur aux occasions de perfectionnement professionnel.

DATE DE PUBLICATION

Mars 2024

PARTENAIRE

NouLAB

EMPLACEMENTS

Canada atlantique

FONDS VERSÉS

$1,807,122

PERSPECTIVE CLÉ N°1

Dans le Canada atlantique, près de 10 000 éducateurs et éducatrices s’occupent de plus de 60 000 enfants.

PERSPECTIVE CLÉ N°2

Moins de la moitié des éducateurs et éducatrices de la petite enfance sont satisfaits des possibilités de carrière.

PERSPECTIVE CLÉ N°3

60 % des éducateurs et éducatrices conservent le même poste qu’ils occupaient au début de leur carrière.

L’enjeu

Les problèmes liés à la qualité du travail ont entraîné une pénurie d’éducateurs et éducatrices de la petite enfance (EPE) qualifiés dans l’ensemble du Canada. Cette pénurie est particulièrement ressentie dans le Canada atlantique où les programmes d’éducation préscolaire prennent leur essor et les changements législatifs obligent désormais les éducateurs et éducatrices à détenir davantage de diplômes d’études postsecondaires et exigent un plus grand pourcentage d’éducateurs et éducatrices dans chaque garderie. La demande d’innovation et l’encadrement d’une main-d’œuvre résiliente et de qualité sont de plus en plus recherchés dans le domaine de l’éducation de la petite enfance, sur fond de transition vers un plan national de services de garde d’enfants à 10 $ par jour à l’échelle du Canada.

Au cours de la dernière décennie, le travail en EPE est devenu de plus en plus exigeant sur le plan technique, mais les salaires, les avantages sociaux, les pratiques d’embauche, la direction et le soutien des ressources humaines n’ont pas changé. Outre les mesures salariales mises en œuvre ces dernières années, d’autres sont prévues par les accords bilatéraux fédéraux. Ces mesures représentent un premier pas important vers la résolution de ce dysfonctionnement systémique, d’autant plus que les salaires sont la principale préoccupation des éducateurs et éducatrices de la petite enfance. Mais elles ne sont pas suffisantes en soi. Si les conditions de travail ne changent pas, le secteur risque une vague d’épuisement professionnel ainsi que des problèmes de recrutement et de maintien en poste, ce qui se répercuterait négativement sur les enfants et les parents qui dépendent du système d’EPE. Il est essentiel de résoudre ces problèmes en matière de main-d’œuvre afin que le déploiement d’un programme national de garde d’enfants porte ses fruits.

Ce que nous examinons

NOULab est un laboratoire d’innovation sociale établi à l’Université du Nouveau-Brunswick. Il fédère des équipes de parties prenantes dans le but de concevoir des solutions à divers problèmes socioéconomiques de façon à privilégier la voix des utilisateurs concernés. Voulant réduire les perturbations de la main-d’œuvre dans le secteur, NOULab a organisé un laboratoire d’innovation sociale pour l’EPE qui sert de trait d’union aux acteurs de l’EPE, auparavant cloisonnés, pour créer des prototypes de solutions qui représentent davantage l’ensemble du système de l’EPE. Chaque ronde du laboratoire d’innovation sociale comprenait un travail de base, une phase de découverte, des ateliers/remue-méninges de réflexion conceptuelle, des mises à l’essai de prototype et pratiques, et une discussion concernant les résultats avec les parties prenantes. 

Première ronde : juillet 2020 – décembre 2021La première ronde du laboratoire d’innovation sociale a cherché à répondre à la question suivante : « Comment pourrions-nous aider les éducateurs et éducatrices travaillant au sein de garderies éducatives à obtenir des exigences de formation en EPE tout en s’efforçant d’offrir un apprentissage et un service de garde d’enfants de qualité? »

La première ronde a produit quatre prototypes qui ont été soumis à des essais dans un ou deux garderies dans le Canada atlantique:

Soutien pendant les études (Nouveau-Brunswick) : ce prototype vise à fournir une aide financière et opérationnelle qui couvre un quart de travail par semaine pendant 12 semaines à une praticienne expérimentée inscrite à un cours d’EPE au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick.

Évaluation et reconnaissance des acquis (Nouveau-Brunswick) : ce prototype consiste à créer un scénarimage visuel clair qui illustre le parcours des éducateurs et éducatrices, depuis le moment où elles envisagent de retourner à l’école jusqu’à l’obtention de leur agrément selon un processus d’évaluation et de reconnaissance des acquis.

Mentorat intégré (Île-du-Prince-Édouard) : ce prototype consiste à rédiger une description de poste pour un rôle de mentor-éducateur dans une garderie, à offrir atelier d’une demi-journée sur le mentorat en EPE, suivi d’un processus anonyme de nomination par les pairs pour repérer les éducateurs et éducatrices susceptibles d’assumer un tel rôle de mentorat, et à tenir deux réunions de communauté de praticiens où les mentors choisis échangent leurs connaissances.

Soutien avec le parcours d’éducation (Terre-Neuve-et-Labrador) : ce prototype a servi à créer un questionnaire d’auto-évaluation sur le soutien au perfectionnement professionnel en EPE destiné aux administrateurs, d’un atelier virtuel en trois parties pour les administrateurs et d’une représentation visuelle du parcours éducatif pour obtenir l’agrément.

Deuxième ronde : avril 2022 – juillet 2023 En prenant appui sur les enseignements tirés de la première ronde, la deuxième ronde du laboratoire d’innovation sociale a tenté de répondre à la question suivante : « Comment pourrions-nous créer les conditions d’expériences de travail épanouissantes pour les exploitants et les éducateurs? »

La deuxième ronde a généré quatre prototypes supplémentaires axés sur le rôle des directrices et exploitantes de garderies :

Cohorte de soutien entre pairs à l’intention des directrices (Nouveau-Brunswick) : cette cohorte offre aux directrices la possibilité de conjuguer leurs efforts dans l’espoir de soutenir la direction pédagogique en relevant les défis ensemble et en apprenant les unes des autres.

Placement de dirigeants pédagogiques (Nouveau-Brunswick) : Élaboration d’un processus visant à aider les centres à placer des dirigeants pédagogiques nommés par leurs pairs dans les centres du Nouveau-Brunswick, et ce, en milieu rural et en milieu urbain.

Programme d’apprentissage de leadership en binôme (Île-du-Prince-Édouard) : ce prototype consiste à concevoir un programme dans le cadre duquel des paires de directeurs, soutenus par un instructeur, ont participé à un processus d’auto-évaluation et d’établissement d’objectifs en matière de direction.

Soutien à la journée fermée (Terre-Neuve-et-Labrador) : Soutien aux centres qui n’ont jamais organisé de journée de formation professionnelle fermée, y compris le soutien à l’accès au financement pour couvrir les coûts.
Les prototypes de la deuxième ronde étaient toujours en phase d’essai sur le terrain au moment de la clôture du projet, de sorte que seuls des résultats préliminaires étaient disponibles.

Ce que nous apprenons

Élargissement des réseaux et renforcement de la confiance. Le processus du laboratoire d’innovation sociale a renforcé le réseau des parties prenantes œuvrant sur l’éducation de la petite enfance dans le Canada atlantique. Il a rassemblé différents ministères du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’Île-du-Prince-Édouard qui collaborent sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants; des collèges qui proposent des programmes d’éducation de la petite enfance, notamment le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, le Collège Holland et le Collège de l’Atlantique Nord, ainsi que des associations sectorielles, notamment l’Association of Early Childhood Educators à Terre-Neuve-et-Labrador et l’Association pour le Développement de la Petite Enfance de l’Île-du-Prince-Édouard. Des représentants de ces groupes ont œuvré à créer un consensus autour des principaux défis, en plus de générer des idées de changements et de les mettre à l’essai. La diversité des secteurs représentés a favorisé l’élaboration de stratégies de mise en œuvre réalistes, à même de s’adapter aux contraintes ou de les contourner, tout en veillant à éviter les chevauchements avec des efforts déjà engagés. Dans l’ensemble, le processus de laboratoire n’a pas tant permis de créer de nouvelles relations que de renforcer les liens avec des personnes avec lesquelles les participantes n’avaient auparavant que des interactions limitées (par exemple, dans le cadre d’échanges de courriels).

Expertise élargie en matière de contenu. Avec l’aide d’une animatrice compétente qui a accompagné les participantes dans l’interprétation, le processus de collecte et de communication des données probantes a permis au groupe de dégager un consensus sur les principaux défis et obstacles à régler. Les participantes au laboratoire qui venaient d’arriver dans le secteur ou venaient d’occuper un nouveau poste ont trouvé que le laboratoire leur offrait une vue d’ensemble inégalée des nouvelles perspectives sur le défi et le système.

On dispose de plusieurs façons d’encourager les EPE à obtenir des diplômes et des titres de compétence, ainsi que de créer les conditions d’une expérience professionnelle qui favorise l’épanouissement des exploitants et des éducateurs et éducatrices. Des difficultés sont survenues lors de la mise à l’essai des prototypes. Toutefois, pour la plupart des prototypes, il était possible de procéder à des expansions et à des essais plus approfondis. La diversité des prototypes produits reflète les différences régionales et porte à croire qu’une stratégie à plusieurs volets pour relever ces défis complexes conviendrait.

Lorsque les efforts sont essaimés au niveau suivant, il faudrait suivre de plus près les résultats pour les participantes afin de mesurer le succès et d’établir le bien-fondé d’une mise à l’échelle ou d’une adaptation plus poussée. Les efforts actuels visant à échanger les expériences et réflexions sur le travail de prototypage permettront de propager les idées ingénieuses.

Le travail d’innovation nécessite un soutien intensif. Compte tenu des pressions existantes et croissantes sur le secteur de la petite enfance, les participantes disposaient d’un temps très limité pour le laboratoire d’innovation sociale. C’est la raison pour laquelle une instructrice en conception et une animatrice expérimentées ont été affectées à chaque équipe. Elles ont animé les discussions pendant les réunions et résumé les données pendant les pauses afin d’avancer des idées et de les présenter aux groupes pour examen. Les participantes ont pu ainsi participer pleinement à la cocréation d’un prototype et d’un concept à mettre à l’essai sur le terrain d’une manière qui tire le meilleur parti de leur expertise. En vue d’optimiser le processus, il faudrait consacrer davantage de ressources et un soutien structuré au suivi des essais de prototypes pour en tirer des leçons. Ce type de soutien faciliterait la réflexion, l’apprentissage et l’adaptation au cours de la mise en œuvre, et garantirait la création d’une documentation adéquate pour encadrer les décisions futures de mise à l’échelle.

Les résultats inattendus d’une conjugaison des efforts. Une équipe régionale francophone composée de parties prenantes de tout le Canada atlantique a décidé qu’il serait utile de créer une association régionale francophone d’EPE. Une telle association aurait pour vocation de disséminer les ressources de recrutement et les possibilités de formation, et d’unifier les voix pour la formation des éducateurs et éducatrices de la petite enfance francophones dans la région. Le projet a assuré une aide financière de 18 000 $ à ce groupe pour le prototype et pu tirer parti de cet investissement pour obtenir 80 000 $ supplémentaires du Réseau de développement économique et d’employabilité. Grâce à l’investissement combiné, le groupe a pu embaucher un consultant pour mettre au point un prototype de ce que l’association pourrait proposer au secteur francophone de l’EPE dans le Canada atlantique.

Pourquoi c’est important

Le Système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants progresse dans ses efforts pour proposer des services de garde d’enfants à 10 $ par jour pour les parents. La nécessité d’améliorer la qualité du travail, y compris les salaires et le perfectionnement professionnel des éducateurs et éducatrices de la petite enfance, dont la plupart sont des femmes, se trouve au cœur des négociations dans toutes les provinces et tous les territoires. Ce projet permet de tirer des enseignements sur la façon d’optimiser l’acquisition de compétences pour les éducateurs et éducatrices de la petite enfance et de perfectionner la capacité des directeurs et des exploitants à appuyer une culture d’apprentissage et de perfectionnement professionnel.

Au-delà des salaires et des conditions de travail, ce projet a révélé que la charge administrative était un grand obstacle au développement des compétences dans le domaine de l’éducation de la petite enfance. Cette idée, qui fait écho aux conclusions d’autres secteurs sur le rôle essentiel des superviseurs et des gestionnaires dans l’accès des travailleurs aux possibilités de perfectionnement professionnel, peut être un facteur dans d’autres secteurs de soins, comme les soins de longue durée et les soins de santé. Il est impératif que les décideurs politiques envisagent une approche sectorielle globale lorsqu’ils déterminent les obligations des administrateurs. En tentant de réduire la charge administrative dans un contexte politique et réglementaire cohérent, la qualité des soins et la productivité pourraient s’améliorer.

Compte tenu de l’ampleur des changements qui bouleversent le secteur, la capacité à continuer d’essayer différentes itérations des apprentissages ou de mettre en œuvre/piloter les prototypes existants sans une aide extérieure est très limitée. Dans les essais de prototypes, NOULab a pris à sa charge tous les coûts pour les garderies et les EPE. Il est peu probable que les centres puissent adopter ces solutions sans subventions. D’autres essais sont nécessaires pour déterminer la viabilité des solutions prototypées et les financements adéquats. Un projet pilote à plus grande échelle permettrait aux décideurs politiques de mieux évaluer le rapport coûts-bénéfices de la subvention des congés d’études rémunérés, par exemple.

Outre les leçons pratiques qu’il a fournies, le processus du laboratoire d’innovation sociale a renforcé les relations entre les acteurs clés du système d’éducation et de garde des jeunes enfants dans le Canada atlantique. Il est à espérer que cette expérience renforcera la résilience de ce réseau suivant les changements apportés par les accords multilatéraux sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.

Prochaines Étapes

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a demandé à NOULab de mener une étude de faisabilité d’une base de données de suppléants pour les éducateurs et éducatrices, en prenant appui sur un prototype réalisé lors de la première ronde du projet.

Le Forum des politiques publiques a également fait appel à NOULab pour sa recherche sur les services de garde d’enfants, Un investissement qui fonctionne pour les services de garde d’enfants, en fournissant des aperçus de la main-d’œuvre provinciale au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve-et-Labrador.

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