Tired and stressed out woman working late in an office, leaning at her desk and holding head in hands; anxious woman working overtime

Rapport de perspectives de projet

Le droit à la déconnexion dans le contexte post-pandémique du Canada

Qualité de l’emploi

SOMMAIRE

La pandémie de COVID-19 a bouleversé la nature du travail, entraînant une plus grande connectivité et rendant plus floues les frontières entre vie professionnelle et vie privée. Ces changements ont eu un impact sur le bien-être des travailleurs et, en réponse, les employeurs, les employés et les décideurs au Canada s’interrogent sur la manière d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques de droit à la déconnexion. 

Cette recherche a permis d’identifier les aspects juridiques, opérationnels et politiques de la mise en œuvre d’une politique de droit à la déconnexion en examinant la manière dont les provinces canadiennes et d’autres pays ont abordé la question. Le débat sur le droit des travailleurs à se déconnecter du travail au Canada a pris de l’ampleur à la suite de l’élaboration d’une législation sur le droit à la déconnexion dans l’Union européenne (UE), qui devrait éclairer les décideurs politiques au Canada sur des considérations opérationnelles essentielles. 

Même s’il n’existe pas d’approche unique, la prévalence continue et le désir des travailleurs de continuer à travailler à domicile, au moins une partie du temps, signifie qu’il existe un besoin de politiques de droit à la déconnexion au Canada. Les décideurs politiques peuvent utiliser cette recherche et ces idées comme guide pour une mise en œuvre efficace.

Collaborateur

Katie McLaren,
Associée de recherche et d’évaluation au CCF

Date de publication

Juin 2023

PARTENAIRE

KPMG

EMPLACEMENTS

Pan-canadien

FONDS VERSÉS

$99,500.00

PERSPECTIVE CLÉ N° 1

Selon le ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada, 93 % des personnes interrogées estiment que les employés devraient avoir le droit de refuser de répondre à des communications liées au travail hors des heures de travail.

PERSPECTIVE CLÉ N° 2

Pour que les politiques de droit à la déconnexion soient efficaces, les organisations doivent tenir compte de leurs besoins spécifiques et des impacts juridiques, politiques et opérationnels d’une mise en œuvre réussie.

PERSPECTIVE CLÉ N° 3

Les politiques relatives au droit à la déconnexion doivent définir les secteurs éligibles, ce qui est exempté et qui l’est, et ce que sont les heures non travaillées.

Young mother working from home with son

L’enjeu

Le travail à domicile, conséquence de la pandémie, a entraîné une augmentation de la connectivité et a rendu plus floue la frontière entre vie professionnelle et vie privée pour de nombreux employés. L’intensification de la collaboration à l’échelle mondiale, la possibilité limitée de prendre des vacances pendant la pandémie et les attentes croissantes des employeurs, qui veulent être disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ont amené un responsable politique français à décrire la situation comme une « laisse électronique » pour les travailleurs, qui quittent physiquement le bureau, mais restent attachés à l’entreprise. Les effets sont ressentis de manière plus aiguë par certains types de travailleurs, en particulier les femmes qui effectuent déjà davantage de travail non rémunéré à la maison et qui ont été particulièrement touchées par les attentes croissantes en matière de disponibilité en dehors des heures de travail normales. 

Cette situation a eu un impact profond sur le bien-être des travailleurs de tous les secteurs, nombre d’entre eux évoquant un stress accru pour eux-mêmes et leur famille, et reconnaissant que les employés surmenés sont plus susceptibles de se blesser, de tomber malades et de s’absenter du travail.

En raison de ces effets négatifs, de nombreux travailleurs ont commencé à réclamer un droit à la déconnexion, afin de permettre aux personnes de se déconnecter du travail et de ne pas s’engager dans des communications relatives au travail en dehors des heures de travail, afin d’améliorer la qualité de l’emploi, ainsi que la qualité de la vie. Compte tenu de l’ampleur mondiale du problème, l’Organisation mondiale de la santé a appelé les gouvernements et les employeurs à mieux protéger la santé des travailleurs grâce à des politiques de droit à la déconnexion. Nombreux sont ceux qui soutiennent le droit à la déconnexion, car il est considéré comme essentiel à l’établissement d’une conciliation travail-vie personnelle, contribuant au bien-être physique et mental des employés, et susceptible de réduire le risque d’épuisement des employés en les encourageant à se déconnecter complètement, à se reposer et à récupérer, ce qui se traduit par une augmentation générale de la productivité. 

Le concept de politique de droit à la déconnexion a été mis en œuvre pour la première fois en France en 2017, lorsque le gouvernement a adopté une loi visant à protéger le droit des travailleurs à ignorer les messages en dehors des heures de travail. D’autres pays européens, comme l’Espagne, l’Irlande et l’Italie, ont suivi le mouvement et adopté des lois similaires. 

Au Canada, avant la pandémie, le droit à la déconnexion bénéficiait d’un certain soutien public et les décideurs politiques avaient envisagé des options pour aider les travailleurs à se déconnecter et à améliorer la conciliation travail-vie personnelle, mais les changements législatifs proposés ont échoué, l’opposition s’étant manifestée contre des restrictions obligatoires. La pandémie a remis la question au premier plan. Étant donné que le travail à domicile restera probablement une caractéristique du travail pour de nombreuses personnes à l’avenir, les décideurs politiques canadiens doivent s’inspirer des expériences d’autres juridictions pour déterminer la meilleure façon d’aller de l’avant.

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Ce que nous examinons

Ce projet de recherche a consisté en une analyse documentaire, un examen des compétences et une analyse des données d’enquête provenant de diverses sources canadiennes et internationales, afin d’explorer les principales considérations juridiques, politiques et opérationnelles reliées à la mise en œuvre d’une politique de droit à la déconnexion dans un contexte post-pandémique au Canada. 

Le projet s’est attaché à comprendre les perspectives et les principaux obstacles à la mise en œuvre de la politique du droit à la déconnexion pour trois groupes de parties prenantes clés : les employés, les employeurs et les décideurs politiques. 

Le projet a examiné les considérations politiques en identifiant les facteurs qui ont conduit à la nécessité de développer une politique de droit à la déconnexion et les approches utilisées au Canada et à l’étranger. Il s’agit notamment de : 

  • Considérations juridiques pour comprendre comment définir des concepts clés : quels employés ont le droit de se déconnecter, par exemple seulement les travailleurs à distance ?
  • Les incidences sur l’autonomie des travailleurs et des employeurs ; par exemple, les employés peuvent-ils consentir à se connecter et quand les employés seraient-ils obligés de se connecter ? 
  • Les implications opérationnelles, y compris la manière dont les politiques seraient mises en œuvre et appliquées, et l’impact qu’elles pourraient avoir sur les politiques et les normes d’emploi actuelles.

Ce que nous apprenons

La réaction du Canada. Si les lois de l’UE ont suscité un débat au Canada sur le droit à la déconnexion, avant la pandémie, il y a eu peu de mouvements au Canada pour créer officiellement des politiques ou des lois. L’impact de la COVID-19 a rendu cette question plus pressante, le gouvernement reconnaissant l’importance de la conciliation travail-vie personnelle et convoquant à nouveau son comité consultatif sur le droit à la déconnexion afin d’orienter les progrès dans ce domaine. L’Ontario est devenue la première province à adopter une loi sur le droit à la déconnexion au Canada, qui oblige les employeurs de l’Ontario soumis à la réglementation provinciale à se doter d’une politique écrite sur la déconnexion du travail. Le comité consultatif sur le droit à la déconnexion a formulé des recommandations en février 2022. Le gouvernement fédéral a déclaré qu’il prévoyait de présenter une proposition qui s’appliquerait aux lieux de travail réglementés par le gouvernement fédéral.

Approches globales. Il existe deux approches principales pour l’adoption de lois et de politiques sur le droit à la déconnexion basées sur les modèles de l’UE : 

  • Une approche mandatée par le gouvernement, souvent appelée modèle législatif français, qui réglemente les communications électroniques en dehors des heures de travail par le biais de lois   
  • Une approche volontaire d’autorégulation, souvent appelée modèle allemand d’autorégulation, dans laquelle les entreprises adoptent des politiques qui conviennent le mieux à leurs travailleurs.

Différents pays, dont l’Espagne, l’Italie et l’Irlande, ont emprunté des principes aux deux approches pour mettre en œuvre leurs propres lois et politiques sur le droit à la déconnexion. Les décideurs politiques canadiens peuvent tirer parti des principaux enseignements opérationnels, notamment en ce qui concerne la meilleure façon d’appliquer les politiques. 

La conception et la mise en œuvre des politiques de droit à la déconnexion sont complexes. Dans les deux modèles, les employeurs ont besoin d’aide pour identifier les employés auxquels les politiques s’appliquent et l’impact qu’elles peuvent avoir sur d’autres politiques du lieu de travail. Les approches imposées par le gouvernement posent des problèmes d’application, en particulier dans les différentes régions géographiques, et dans la manière dont chaque organisation doit interpréter la législation, car le droit à la déconnexion a été appliqué différemment aux organisations selon les secteurs, la taille et le type d’emploi. Pour mettre en œuvre efficacement toute politique ou législation sur le droit à la déconnexion, il est essentiel de définir clairement les secteurs éligibles, les heures non travaillées et les personnes susceptibles d’être exemptées.

Pourquoi c’est important

Ce projet plaide fortement en faveur de l’adoption de politiques de droit à la déconnexion au Canada afin de mieux aider au bien-être des travailleurs et de maintenir une bonne conciliation travail-vie personnelle pendant la période de rétablissement après la COVID-19. Les groupes qui se préoccupent du bien-être des employés et qui militent en faveur de meilleures normes d’emploi devraient se demander si le droit à la déconnexion est pertinent dans le cadre de leur mandat. 

Les résultats de ce projet constituent également une ressource pour les décideurs au sein des ministères du travail fédéral et provincial – en fournissant des preuves et des expériences pour éclairer l’élaboration et la mise en œuvre de la politique sur le droit à la déconnexion. 

Le projet constitue également une ressource pour les employeurs individuels, en particulier en Ontario, qui ont été chargés d’élaborer leurs propres politiques en matière de droit à la déconnexion et qui souhaitent prendre des décisions en connaissance de cause. 

Les considérations et les questions juridiques, politiques et opérationnelles exposées dans la recherche fournissent aux décideurs un cadre qui leur permet de s’assurer que les impacts possibles sur les employés et les employeurs sont pris en compte dans la prise de décision.

Prochaines étapes

Ce projet fait partie de la série « Qualité de l’emploi » du Centre des Compétences futures, qui explore différents aspects de la qualité de l’emploi et les défis actuels du marché du travail, y compris les pénuries de compétences et de main-d’œuvre dans tous les secteurs. Dans le cadre d’une stratégie globale visant à améliorer la qualité de l’emploi, il faudra veiller à ce que la main-d’œuvre en situation d’emploi vulnérable ait accès à des droits et avantages similaires à ceux des autres professionnels. Ceci inclut l’assurance-emploi, le droit à la déconnexion et l’accès à des initiatives d’amélioration et de requalification des compétences afin que les personnes puissent accéder à de meilleures opportunités d’emploi dans d’autres professions et d’autres secteurs.

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