Analyse des programmes d’accueil des immigrantes et immigrants qualifiés

L’enjeu

Pendant les dernières années, les petites et moyennes entreprises du Québec, en particulier celles situées en dehors des grands centres urbains et des communautés non métropolitaines, ont éprouvé des difficultés à attirer et à fidéliser une main-d’œuvre qualifiée. Cette situation s’est aggravée pendant la pandémie de COVID-19. Historiquement, ces régions non urbaines ont eu de la difficulté à attirer et à intégrer les travailleuses et travailleurs issus de l’immigration, qui possèdent des compétences techniques et commerciales essentielles, mais qui sont souvent sous-utilisés. Le processus d’intégration de cette main-d’œuvre est également entravé par des barrières culturelles, linguistiques et règlementaires.

De nombreuses PME locales ne sont pas entièrement préparées à intégrer du personnel immigrant en raison d’un manque de ressources ou de connaissances qui leur permettraient de mettre en œuvre des programmes d’intégration efficaces qui répondent aux divers besoins des immigrantes et immigrants. Cet écart entrave non seulement l’intégration économique des immigrantes et immigrants, mais empêche également les PME d’exploiter le plein potentiel de ce bassin de main-d’œuvre disponible et limite la croissance économique régionale.

Il est essentiel d’avoir des pratiques d’intégration spécialement conçues pour les PME à l’extérieur des grandes villes pour atténuer les pénuries de main-d’œuvre et assurer la viabilité continue de ces contributeurs économiques essentiels.

Ce que nous examinons

L’objectif de cette étude était d’explorer les pratiques d’intégration offertes par les PME manufacturières à l’extérieur des grandes villes du Québec, ainsi que les perceptions de ces pratiques par le personnel et les immigrantes et immigrants. Plus précisément, l’étude a demandé au personnel des PME de tous les niveaux et de tous les services de décrire leur participation et leurs expériences lors de l’intégration des immigrantes et immigrants, les défis auxquels ils ont été confrontés et les compétences et les besoins de formation perçus chez les employées et employés issus de l’immigration. L’étude a également demandé à ces derniers de décrire leurs expériences et leurs perceptions des pratiques d’intégration des employeurs, ainsi que leurs propres compétences et besoins en matière de formation.

Plus précisément, la recherche a cherché à examiner les questions de recherche suivantes :

1. Quels sont les défis auxquels font face les PME manufacturières non urbaines du Québec en matière de recrutement, de rétention et de formation des immigrantes et immigrants ?
2. Quel ensemble de pratiques (programme d’accueil) utilisent-elles pour faciliter le recrutement, l’intégration et la formation du personnel issu de l’immigration ?
3. Comment les PME perçoivent-elles l’adéquation entre leurs besoins en talents et en compétences ? Comment perçoivent-elles le bassin de main-d’œuvre immigrante disponible ? Sur quoi repose cette perception ?
4. Comment les PME évaluent-elles les programmes d’accueil des immigrantes et immigrants mis en place par les parties prenantes gouvernementales et non gouvernementales, afin de les soutenir dans leurs processus de recrutement ?
5. Quelles expériences et perceptions les immigrantes et immigrants employés dans les régions ont-ils du programme ? Et quelles expériences ou perceptions ont-ils de l’accueil des entreprises qui les emploient ?
6. Quels types de soutien les immigrantes et immigrants estiment-ils nécessaires pour réussir leur intégration dans leur milieu professionnel et leur région ?

Quatre PME manufacturières de trois régions différentes du Québec ont participé à l’étude. La méthodologie de recherche consistait à mener des entretiens qualitatifs approfondis de 60 à 90 minutes avec six à huit membres du personnel de chaque entreprise, soit un total de 28 participantes et participants. Il s’agissait d’un groupe diversifié de 11 immigrants et de neuf femmes dans l’industrie manufacturière à prédominance masculine.

Ce que nous apprenons

La recherche a révélé un certain nombre d’enseignements essentiels en ce qui a trait au recrutement et à la rétention des personnes immigrantes dans les PME.

Un modèle complet a été conçu pour faciliter l’intégration et la rétention du personnel
La recherche a mené à l’élaboration du modèle « Bienvenue à bord », qui décrit sept étapes cycliques conçues pour améliorer le recrutement et la rétention des immigrantes et immigrants et des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires dans les PME. Le modèle met l’accent sur l’importance du recrutement stratégique, de la préparation du personnel et de l’investissement continu dans le développement du personnel.

La formation linguistique en milieu de travail favorise l’intégration
L’apprentissage en cours d’emploi s’est avéré être un des moyens les plus efficaces pour le personnel immigrant de s’intégrer à la fois à leur culture de travail et à leur communauté. C’est également le cas pour la formation linguistique. En particulier, la formation linguistique en cours d’emploi facilite l’intégration tout en fournissant des compétences précieuses aux personnes nouvellement arrivées pour améliorer davantage leur rendement en milieu de travail. Cette approche de la formation linguistique peut également avoir des avantages à plus long terme pour les personnes nouvellement arrivées, car la formation linguistique est ancrée dans l’industrie et le domaine de travail de chaque nouvelle arrivante et chaque nouvel arrivant.

Une culture de l’apprentissage améliore la satisfaction
Les employeurs ont souligné qu’un milieu de travail qui favorise une culture d’apprentissage, de travail d’équipe et de communication ouverte contribue grandement au niveau de satisfaction des personnes nouvellement arrivées. Ceci est particulièrement important dans les scénarios d’intégration moins structurés où la culture organisationnelle compense les lacunes procédurales.

La promotion d’une plus grande intégration sociale permet de retenir les employées et employés issus de l’immigration
Les efforts visant à améliorer l’intégration sociale au sein de la communauté, comme les liens familiaux, la stabilité du logement et l’accès à une éducation de qualité, jouent un rôle central dans la décision des immigrantes et immigrants de rester dans une communauté ou de la quitter. Les efforts pourraient inclure la prestation de conseils financiers (comme l’ouverture d’un compte bancaire ou la signature d’un prêt hypothécaire) et du soutien pour l’accès aux services de garde d’enfants, l’inscription des enfants à l’école et l’adhésion à des groupes sociaux et professionnels. Cela souligne l’importance d’un soutien complet à l’intégration communautaire parallèlement à l’intégration dans le milieu de travail.

La formation d’employées et employés non immigrants favorise des milieux de travail inclusifs
L’étude suggère que les PME peuvent améliorer la rétention des immigrantes et immigrants en formant les employés issus de l’immigration à la culture du milieu de travail et en formant les employées et employés non immigrants actuels pour qu’ils puissent travailler avec des collègues qui ne comprennent peut-être pas entièrement les processus de l’entreprise ou la langue.

Pourquoi c’est important

Il est essentiel d’améliorer le recrutement et la rétention des immigrantes et immigrants dans les PME partout au Canada, particulièrement à l’extérieur des zones urbaines, et ce, pour un certain nombre de raisons. Premièrement, les PME sont essentielles à l’ensemble de l’économie canadienne et jouent un rôle essentiel dans les petites économies locales, agissant souvent comme l’épine dorsale des collectivités rurales. En tirant parti des compétences et des points de vue diversifiés des immigrantes et immigrants, ces entreprises peuvent stimuler l’innovation, améliorer la productivité et remédier aux pénuries de main-d’œuvre persistantes à l’échelle locale. Cela renforce non seulement la base économique de ces régions, mais favorise également un environnement commercial plus inclusif et dynamique. Les immigrantes et immigrants apportent souvent un esprit d’entreprise et des perspectives culturelles uniques qui peuvent contribuer à enrichir les PME. L’intégration réussie des personnes immigrantes dans les économies locales peut aider à combler les écarts sociaux et économiques, en favorisant une plus grande cohésion et une plus grande résilience des communautés.

État des compétences :
Ce qui fonctionne pour l’intégration des personnes nouvellement arrivées

Des initiatives propres à l’industrie et dirigées par les employeurs ont permis d’accélérer et d’améliorer les perspectives d’emploi des personnes nouvellement arrivées.

Lire le rapport

Les résultats de ce projet permettent d’orienter un vaste éventail de parties prenantes, notamment les responsables de politiques, les spécialistes en ressources humaines, le personnel travaillant auprès des personnes nouvellement arrivées, ainsi que la haute direction des organisations du secteur manufacturier et d’autres secteurs. Les résultats les informent sur les meilleures pratiques en matière de recrutement et de rétention des immigrantes et immigrants au sein des PME, notamment à l’extérieur des zones urbaines.
Les leçons tirées de cette recherche ont également des répercussions plus vastes sur l’équité, la diversité et l’inclusion au sein de la main-d’œuvre. En particulier, en adoptant une vaste définition de la diversité et en l’associant aux politiques et aux valeurs de l’entreprise, les organisations peuvent créer des milieux de travail plus harmonieux et inclusifs et mieux réussir à attirer et à retenir les talents immigrants dont elles ont besoin. Cette approche profite non seulement aux travailleuses et travailleurs immigrants, mais améliore également la culture globale du milieu de travail, ce qui peut mener à une amélioration de la productivité et de l’innovation.

Prochaines étapes

Il faudra d’autres recherches pour comprendre l’utilisation de cette méthode itérative émergente en sept étapes au sein de PME de différents secteurs et dans différents contextes. À l’heure actuelle, une grande partie des recherches disponibles portent sur l’intégration sans différencier par secteur, ignorant ainsi les facteurs spécifiques à l’industrie qui peuvent avoir une incidence sur le processus et la rétention. Une recherche spécifique à une industrie servirait à développer des profils spécifiques à cette industrie, ce qui aiderait à personnaliser les stratégies d’intégration en fonction des besoins spécifiques des différentes industries.

Reconnaissant ce besoin, le gouvernement du Québec a récemment mis sur pied le Programme de soutien et d’accompagnement à l’intégration, qui vise à soutenir les organismes d’aide aux personnes nouvellement arrivées à l’extérieur de Montréal.